Le foudre tombera-t-il sur nous ?

Vraie histoire raconté comme un récit.

5 août, 1997 Celles

Nous sommes sortis dans la nuit tombée, main à main. La fraicheur de la soirée nous a accueillie. Toute la journée a été d’une chaleur torride. J’aurais dû me réjouir qu’enfin, on peut respirer. Alors, pourquoi je frissonnais ?

J’accélère le pas, troublée et ne voulant pas qu’il s’aperçoive, lui aussi. J’aurais une envie inexplicable de retourner à la maison, à l’abri. À l’abri de quoi ? Sans un mot, il me sourit et me serre la main. Bien sûr, il lit en moi. Il s’est aperçu de mon trouble injustifié.

- Viens ! Je voudrais cueillir des prunes.

À peine arrivés à l’allée centrale qui menait vers les champs et les vergers, un éclaire frappe en face de moi. Je reste sidérée. Le ciel est presque clair, quelques nuages gris ici ou là. D’où vient l’éclaire ?

- Revenons, rentrons ! J’ai vu des éclaires.

- Éclaires ?

Il regarde longuement par où je lui montre à l’horizon.

- Je ne vois rien, tu te l’es imaginée.

- Non, je les aie vus !

Il regarde de nouveau. Devant ses yeux et doigts de magiciens les éclaires mêmes se sont arrêtés stupéfaits, en attendant patiemment qu’il regard ailleurs. Voilà, c’est fait. Il tourne et va vers la grange à pailles.

- Viens ! Cela sent si bien.

J’obéis, comme toujours il me subjugue avec son charme et ses cadeaux. Ce soir, c’est l’odeur de paille fraîchement coupée qu’il m’offre en souvenir inoubliable.

- Oui, merci. Quel parfum !

- Restons-nous sous la grange ?

Je le regarde.

Il répond non avec ses yeux, il veut continuer la route. Le verger l’attire.

Tiens, me dit-il une fois arrivé entre le verger et les champs. J’ai trouvé un merveilleux prune, sucré comme le miel.

Il mord la moitié et m’offre l’autre. Ma salive coule sous la saveur aromatisée de ce fruit mûr et parfumé, mon cœur se réchauffe. Qu’il aime partager tout avec moi! Quelle chance! Quel cadeau merveilleux la vie m’a donnée!

Mais est-ce sage de rester sous l’arbre? Inquiète, je regarde le ciel ; médusée. La colère tombe et frappe. Un, deux, trois… dix, vingt éclaires l’un après l’autre. Et ça continue. Chacun est différent et semble s’approcher de nous de plus en plus.

Qu’avons-nous fait ?

Une prune partagée? Une pomme dérobée? Avons-nous trop essayé lors notre vie apprendre encore et encore? Approfondir et élargir nos connaissances? Est-ce mal, vraiment?

Cette fois, il regard, lui aussi, fasciné.

- Oui, maintenant je les vois, moi aussi. Mais ils sont encore loin de nous…

Cet « encore » me dérange. Ils vont arriver bientôt tout près, nous entourer, le foudre frapper, nous frapper.

- Viens, rentrons rapidement alors.

- Tu veux te mettre à l’abri ?

- Oui. J’ai peur, je le reconnais, cette fois ouvertement.

Il me serre contre lui. Il embrasse mes lèvres. Je tremble. De quoi? Comme d’habitude, je frémis sous ses doigts. Je l’attire de mes bras en essayant d’oublier les éclaires se rapprochant rapidement de nous. Arrive ce qui doit arriver.

Et voilà, maintenant c’est lui qui regard le ciel, subjugué.

- Je n’ai jamais vu tel déchaînement.

J’ai l’impression qu’il n’arrive plus à bouger. Est-il devenu statue? Je ne veux pas le perdre!

- S’il te plait, viens !

Il semble se réveiller d’un rêve, prend ma main sans sourire cette fois-ci. Nous hâtons le pas. Les nuages sombres arrivent au-dessus de nous. Comment? Rien ne paraissait bouger, l’air, tout était, est encore, en suspense. Notre vie, aussi?

À peine nous réussissons d’arriver à l’abri de la maison du bout du chemin, le ciel tombe sur nous, l’orage se déchaîne, le tonnerre gronde. Cette fois-ci, il nous a rattrapé.

Mais nous sommes déjà presque là, nous sommes bientôt rentrés à peine mouillés. Sain et sauf!

Il se met à lire. La lampe vacille.

J’essaie à téléphoner, il me semble qu’un éclair le grésille, la foudre risque de tomber.

- Arrêt ! Plus tard.

- Plus tard ?

- Attends que cela passe.

Se passera-t-il pour nous? Je me le demande, mais c’est seulement mon visage qui en parle.

Je n’arrive jamais à lui cacher quoi que soit. Il lit en moi. Je l’aime pour cela. Pouvoir dire avec ou sans mots ce qui se passe, communiquer en trente-six façons… Est-ce puni par le destin ? Dieu, providence, chance, gens? A-t-on le droit de s’ouvrir, de s’aimer tant? De se réjouir tant l’un de l’autre?

Et quand enfin nous nous croyons à l’abri, échappés, l’eau entre en trombe sous la porte d’entrée, dans la maison et entraîne tout qui est par terre. Avec l’eau, toutes les saletés du jardin, de la cour entrent et nous entourent de leur pourriture. Devons-nous construire une barque? Étions-nous assez prévenants?

Est-ce le vent emportera le toit? La maison tremble.

- Qu’arrive-t-il ? demande mon amour.

- Rien de grave, j’essaie le rassurer cette fois-ci. Un peu d’eau. Des éclaires. Du tonnerre. Avons-nous un paratonnerre ?

- Crois-tu vraiment que nous aurons besoin ?

- Nous sommes au plus haut du village.

- Bien éloigné de la rivière s’il déborde, me répond-il.

- À la merci d’un foudre qui frappe.

Nous avons réussi à sauver les papiers les plus importants et nous en sommes sortis avec la vie… et plus unis que jamais.

Tout cela, c’est passé un soir chaud d’été.

***

Il m’expliqua la différence de vitesse entre la propagation de son et de la lumière. Il le savait depuis longtemps, mais il se mit à partir de ce moment là à l’étudier davantage, se disant que peut–être il y a de nouveau depuis le temps.

Je ne comprenais pas grand chose, mais des fois, j’ai des intuitions. Il commence à croire qu’il vaut mieux de m’écouter… quelquefois.

Il s’ennuyait depuis quelques mois. Je suis toute contente qu’il se passionne de nouveau pour quelque chose. Pourvue que cela dure.

Pourquoi pas ? Son amour pour moi est durable. Depuis dix ans, il ne fait que croître. La mienne de même. Oui, je l’aime. Mieux que la maison, mieux que le ciel, mieux que les prunes, mieux que les éclaires. Est-ce un pêché ? Existe-t-il ce truc là où est-ce inventé ?

Pour chacun, c’est différent. Je crois surtout à la bonté ou méchanceté.

Je ne connais pas grand-chose à l’électricité et il ne me dira pas cette fois–ci : «Tu devras savoir !» Ou me le dira-t-il, comme d’habitude ?

Je ne sais pas grand-chose, mais je sais que je l’aime. Je l’ai su aussitôt que je l’ai aperçue la première fois.

Je me suis éloigné de l’histoire, mais les éclaires m’ont fait peur et l’eau nous a bien inondé, nous a fait suer. Nous a fait craindre le pire, nous a fatigué. On a réussi toutefois ne pas perdre aucun papier important qui gisait par terre. Ce soir-là. Le foudre n’a pas tombé sur notre tête, n’a pas brûlé notre maison. L’eau entrée en force et sans crier gare aurait pu pourtant les attirer, les emporter à jamais.


Consigne : avec la même histoire, aller plus loin et faire croire à l’incroyable

Ils sortirent de la maison voisine juste avant que le soleil s’assombrisse, main en main. Se promener ainsi à Butte Montmartre était habituel, mais ici, ce petit patelin de la cour du bout du chemin, ils paraissaient indécents, surtout à leur âge !

Ils ne s’occupaient bien ni de leur maison, ni du petit bout de terrain devant leur fenêtre : un énorme rosier laissé pousser à sa guise, quelques fleurs se perdant au milieu du verdure sauvage, les herbes sauvages menaçant le jardin des autres. Pourquoi donc ne peuvent-ils pas se promener comme nous, comme tout le monde, sagement l’un à côté de l’autre ? Un jour, ils seraient punis par le ciel ! Et ce soir-là n’était pas loin de s’accomplir.

À peine ont-ils sorti, disais-je, main en main dans la fraîcheur de soir, de cette journée de chaleur torride, elle lui sourit. Quel sourire indécent vers son mari, en public ! Plein d’admiration, plein de sensualité. Heureusement encore, la voisine n’a pu l’observer, encore moins voir la réponse encore plus indécente du mari qui lui tournait le dos attentif seulement à sa propre femme. Il lui serra la main d’une façon suggestive ! Pourrions-nous encore être étonné si le ciel a écouté la voisine écœurée à surveiller de sa fenêtre ses voisins sortant d’habitude à peine dehors, négligeant leur travail quotidien de jardin et de bavardage voisin.

Sitôt que la voisine le pensa, un foudre tomba devant les yeux de la femme tenant la main de son mari. Ce premier foudre la fit trembler et lui donna envie de s’enfuir, rentrer chez eux. Mais lui continuait sa route imperturbable, l’attirant avec lui plus loin.

- Regarde, un foudre ! Encore un !

- Je ne vois rien. Absolument rien !

- Rentrons.

- Je voudrais trouver des prunes, ceux qui sont à côté des champs de petit pois sont les meilleurs. Après une pareille chaleur, elles doivent être bonnes.

- Mais ces éclairs, annonciateurs de…

- Quels éclairs, quelles foudres ? Regard le ciel au-dessus de nous. Tout est calme, rien ne bouge.

- Justement, c’est l’atmosphère lugubre, annonciateur du danger. Rentrons. (Elle l’aimait trop pour le laisser là, seul, cette idée ne lui vint même pas.)

Un peu plus loin, le ciel s’obscurcit par une grange d’où sortit un parfum esquisse et fraîche la rassurant.

- Quelle bonne odeur de foin !

- De paille.

- De paille, acquiesça-t-elle, sans ajouter à haute voix : Quelle différence ?

Ils arrivèrent sous les pruniers.

Une route étroite sépara le verger et les champs à perte de vue. Tout préoccupé, il cueillit des fruits d’un verger voisin, ceux qui penchaient dehors ou tombés par terre et s’extasia sur leur goût. Il offrit un à son épouse, amie et amante et tourna vers elle. Celle-ci était pétrifiée : les éclaires de toutes dimensions et formes frappèrent devant elle formant un rideau.

- Vite ! Retournons ! C’est dangereux de continuer ainsi.

- Oui, j’entends dorénavant le tonnerre. Mais il est encore loin.

Il tendit la main, serra sa femme des épaules. Fascinés, ils regardèrent le déversement et colère du ciel s’approchant si rapidement d’eux qu’ils n’eurent pas le temps de bouger.

Et maintenant, ils se serrent, s’embrassent !

Le ciel, plus clément que leur voisine, aimait les amoureux, respectait l’amour sincère aperçu sous lui. Il fit un bond pour que les éclairs les épargnent. Les amoureux étonnés de vivre encore, regardèrent les éclairs et les larmes de plus en plus gros du ciel s’éloigner aussi soudain qu’elles s’étaient approchées auparavant. Alors seulement, main à main, ils entrèrent et trouvèrent les larmes même dans leur maison.


En relisant plus tard, je me suis dit que ce récit, même si vraiment passé a peu près ainsi, était prémonitoire de la fin.


1 commentaire:

hank ulemoi a dit…
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