Je te quitte

Fin décembre 1997

Quand on s’est habitué à une place, on le chérit, on s’y sent bien, on est passé des bons moments là, c’est toujours douloureux de le quitter. Je ne suis que depuis soixante jours avec toi, mon cher cahier et déjà je t’ai rempli. Dans toi reste, lors que je te quitte, une partie de moi.

Ton couverture faite de liège, créé avec soin, était agréable à toucher, à tenir dans la main. Tes cinquante pages blancs cassés sont aujourd’hui remplis par une écriture serrée à l’encre noire ou bleue, suivant les jours. Mais il y a en toi aussi quelque chose d’immatérielle, une partie de ma vie, une partie de mes joies et mes souffrances, une partie de mes souvenirs.

Bien sûr, je les recopierai et en partie c’est déjà fait, je les mettrai dans mon Mac portable, je les relirai, j’emporterai ton souvenir avec moi.

Bien sûr, de temps en temps, je reviendrai vers toi, te feuilleter, te caresser, te regarder. Puis tu resteras enfuis, avec les autres.

Mais j’aime écrire dans toi, tu m’inspirais, j’ai passé de bons moments en ta compagnie, j’ai du mal à m’en séparer. Plus la fin s’approche, plus mon cœur se serre, plus j’envie d’aller lentement, faire durer une peu plus encore.

Encore quelques lignes et c’est fini pourtant, définitivement fini. Je te regarderai, je te caresserai, je recopierai ton contenu, au moins une partie. Non! Cela me fera trop de mal. Avant de m’en séparer, si définitivement, je commencerai à choisir le prochain cahier.

Vais-je prendre un cahier ordinaire ou ta sœur jumelle? J’en avais acheté deux, toi et une autre en même temps. Non, à une année d’intervalles. Longtemps, j’ai pensé que tu étais trop beau pour être rempli avec n’importe quoi, pêle-mêle. Je te conservais pour des pensées « importants », pour des « écrits spéciaux ». Puis, un jour, mon cahier « ordinaire » rempli au milieu d’un récit, j’ai décidé à le continuer sur tes premiers pages. J’ai sauté dedans même sans m’arrêter à réfléchir. Les premiers pas faites, les premiers pages remplis, continuer paru naturelle.

Je t’ai amené avec moi un peu partout, de Paris à Évry et Celles.

Tu as même fait avec moi un tour à l’étranger. Mais le plus souvent, j’ai écrit… dans mon lit, comme maintenant, en écoutant François, d’une demi oreille, jouer de l’orgue ou de piano électronique, les oiseaux chantant dehors.

Que c’est dur de quitter, renoncer. Le lieu cher, mais surtout, tout où l’on s’est mise quelque chose de soi, tout à quoi l’on s’était attaché. Je sais pourtant par expérience des autres départs douloureux ou faciles, je sais qu’après le coin, un nouveau lieu m’attend, guète déjà mon arrivée. Lequel ? Il y aurait plusieurs voies, il faudrait choisir, décider lequel prendre.

Je sais, de nouvelles joies m’attendant là-bas, mais malgré tout, c’est avec le cœur serré, des polices serrées que je te dis : « Adieu ! »

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