20 septembre 2002

Je n’ai pas pris avec moi ce journal, lourd, mais j’ai écrit dans mon cahier de notes pendant le voyage.

Que c’était bien d’être loin de tout ça ! Ça, veut dire, les ennuis dus à François et non pas à ma maison ou mon jardin, ni mon fils ou mes merveilleux deux petits-enfants.

Oh, comme David a couru vers moi avec yeux étincelants, les bras tendus, criant « Mamieeee ! » hier soir, en revenant de la crèche. Quel mercredi agréable passé avec Gabrielle avant-hier, quel progrès elle en a encore fait ! Ses mains sûres sur le papier, elle peint des couleurs l’un à côté de l’autre en rangés ou séparés et parle tellement sophistiqué !

Nous sommes aussi allées à la piscine, enfin rouverte, et j’y suis retournée hier midi : 300 mètres pour commencer.

Le chat n’essaye plus à rentrer dans la maison, même avec la fenêtre ouverte, ni le jour, ni la nuit, tout juste il se met sur les marches devant la cuisine quand il a faim. Ses poils sont devenus plus sains.

Madame Filipetto est revenue de chez sa sœur et c’est la deuxième fois qu’elle me laisse des figues de son jardin sur la table devant ma maison. Elle est venue me voir déjà plusieurs fois et m’a raconté ses vacances, les ennuis avec son fils, et aussi de son propre enfance. Elle supporte de moins en moins bien ses 92 ans.

Oui, Julie, tu es jeune. Tu n’as «que 68 ans».

Le voisin à côté moi joue parfois du piano lamentablement, sinon ils sont fort tranquille et sympa, et même l’autre voisin d’en face, au-dessus Mme Filipetto est sortie hier dans le jardin et m’a souri de loin en faisant un signe de main. Les voisins de l’autre côté de trottoir se sont dérangés, elle en robe de chambre déjà, après avoir observé que j’avais oublié une nuit la vitre côté passagère ouverte. J’ai bavardé avec l’autre voisin d’en face le lendemain, tout en admirant une belle couchée de soleil de la rue - je ne peux pas la voir de ma maison. Elle ne lit pas, mais fait des mots croisés et adore sa maison, ne partant pas même pour ses vacances.

J’ai parcouru samedi avec Annelise et les deux gosses le brocante vide-grenier du passage piéton du centre d’Argenteuil, acheté des livres (déjà expédiés à Agnès pour son école américaine et ses élèves apprenant le Français). J’ai même trouvé une méthode d’apprentissage de flûte, quoique pas exactement celui qu’elle m’avait demandé.

Depuis que j’ai travaillé une journée à l’aider dans la classe qu’elle tient, je sais mieux quel sort de livre faut pour les enfants de là-bas. Je lui ai envoyé aussi les négatifs demandés, avec le marché, la boulangerie Agnès en pourrait faire tirer les photos qui l’intéressent.

De nouveau, j’ai deux roses, une jaune et une rose, dans ma belle vase d’apparence cuivrée et ce matin le tapis mauve et l’ancien buffet me sourient. Si je dois écrire, ça serait intéressant à essayer un collage, sur les objets qui m’entourent, leur histoire et ce qu’ils me disent. Mais dans un autre cahier, pas ce journal.

Michel dit que le journal gagne, entrecoupé avec récit et dialogues.

Je viens retirer de l’imprimeur le volume deux d’énième chance pour le lui passer. Coupé avec beaucoup de sous-titres et commentaires courts entre les monologues interminables du Monsieur, c’est devenu nettement plus digestible. Manque encore certains récits, comme la lutte de mon ex contre les «Moulins de vent: le bus et minibus» juste avant nos derniers vacances. Il n’était pas déchainé seulement contre moi.

Malade, d’accord. Harcèlement moral pourtant insupportable et une jalousie professionnelle sans bornes. Jaloux, à chaque fois que quelque chose, dans n’importe quel domaine d’ailleurs, me réussissait.

C’est bien de ne plus être submergé par tout ça!

Hélas, en revenant de vacances, une semaine plus tard je trouve l’assignation devant le tribunal de l’ancien propriétaire de logement parisien. Monsieur n’a toujours pas payé le loyer pour les mois vécus là avec sa négresse, bon, disons l’africaine, et en plus, il paraît (est-ce vrai ?) que notre avocat m’avait raconté des bobards.

Hier, le conseiller à la mairie me dit que je suis co-solidaire de dettes de loyer malgré la séparation et cela jusqu’au divorce définitif. L’avocat m’avait affirmé que dès notre séparation je n’ai plus aucune obligation (autre que pour le fisc) et m’a conseillé de ne pas aller au constat de sortie, comme ce n’est pas moi qui est sortie, mais lui.

On nous demande énormément d’argent, entre autres pour refaire le parquet affaissé que j’avais demandé depuis dix-huit ans souvent au propriétaire à réparer, il avait reconnu à chaque fois que c’était à lui de le faire, il promit tout et ne fit rien. Avant le vendre, avec un million, il voudrait refaire l’appartement sur notre dos.

Je serai obligée de prendre un avocat, et dire que Maitre M. m’avait conseillée d’y aller me défendre moi-même ! Qui croire ? J’étais convaincue de sa bonne foie, elle me déçoit, elle aussi ? Et Annelise est d’humeur agressive aujourd’hui : ne dis pas, n’appelle pas ainsi, ne… heureusement les enfants paraissent bien et équilibrés.

Mais même avec eux, elle dit : «C’est ainsi et pas autrement!»

Je me suis réveillée ce matin à quatre, il est six heures et demie, mais c’est vrai, je me suis couché vers dix heures du soi. Six heures de sommeil n’est pas si mal au fond.

Bien que depuis quelques jours je prends de nouveau de tranquillisant, je me réveille la nuit, avant l’aurore et je passe dans ma tête des arguments pour le juge et je suis remplis d’amertume contre mon ex. Tout en habitant dans le logement avec sa nouvelle compagne, il n’a pas daigné de payer le loyer depuis que je suis partie. Il m’avait interdit d’y entrer depuis septembre, il y a une année et, veut mettre le payement de son loyer sur mon dos. C’était en plus lui qui avait insisté de devoir habiter à Paris.

Je ne dois pas m’enfoncer en ces problèmes, me tourmenter en vain (se tourmenter n’avance pas le smilblic) et cela pas seulement jusqu’à l’audience de novembre, mais des mois passeront en plus jusqu’à ce qu’enfin la chose soit décidée et encore davantage, réglée.

Je dois absolument regarder en avant et non pas en arrière, cette année, arrêter me lamenter, regarder mon nombril. Nager, perdre des kilos, sortir, écrire. Refaire ma vie, en faire une nouvelle.

Hier dans le miroir de l’ascenseur de la piscine je me suis plu : en blue-jeans et une chemise bleu large, ma nouvelle coup de cheveux et mon sourire espiègle revenue.

Ainsi de suite, Julie !

Quelle différence!

Ce n’est maintenant qu’en écrivant ces deux derniers paragraphes que je me suis rappelé le retour de l’année dernière, le deux août 2001.

Un vrai cauchemar.

Le petit logement puait, jonché des vêtements sales. Pas de chemin pour passer, bouger. Les draps sales empestaient. Le lit non fait, les draps gris. Les restes d’aliments sur la table d’entrée et l’évier pleine de vaisselle sale. Pas un seul bout de pain ou yaourt dans le frigo désolé. Un mari avec un visage désagréable. Me reprochant, quoi ? D’être parti ? D’être revenu ?

Il avait laissé sur la table les traces de l’accueil de dame (ou dames ?) : deux verres et une bouteille vide. Seul, il ne boit jamais.

Et au lit, l’odeur de quoi ? De qui ?

Oui, tout cela me parait si loin, comme si pas une année, un siècle c’était passé depuis.

Quelle différence de rentrée !

Calme. Agréable. Propre.

Après quelques heures, même l’odeur de fermé était passée. Et même le chat, c’est habitué à me laisser en paix, ne plus rentrer chez moi, ne pas envahir mon domaine. Le fauteuil est vide, le sofa n’a que les beaux coussins hongrois, le lit est propre, le bureau presque rangé. Rien par terre autre que mon sac, caché. Fleurs à l’intérieur et à l’extérieur.

Calme et sérénité, dehors et en moi. C’est le début de ma rentrée 2002.

Enfin, rentrée

Chez bien chez moi.

Je suis arrivée hier, à huit heures après avoir « perdu » les six heures de nuit, comme d’habitude, en revenant d’Amérique. Départ, six heures l’après-midi, arrivé vers deux heures la nuit (matin), en y ajoutant les six heures perdues au retour, nous sommes déjà vers sept heures le matin.

J’étais la dernière, une des derniers à s’enregistrer (la voiture qui devait me prendre à l’aéroport Dallas était arrivée en retard avec presque deux heures), hélas, aussi une des dernières à récupérer mes bagages.

Un taxi nous dépose, moi et mes deux valises devant la porte de la cour. Heureusement, après une panique « où est mon portefeuille avec les euros » je l’ai trouvé avant que nous nous arrêtions.

Je tire un à un mes bagages jusqu’à mon jardin : envahi des herbes sauvages. Mes beaux dahlias décaissés, non coupés, ni les roses, l’allée jonchée des feuilles mortes. L’ex institutrice m’avais assuré d’être une excellente jardinière pourtant.

Bien.

Où est ma clé ?

Les volets n’ont pas été clos mais partout, ça sent fermé. J’ouvre toutes les fenêtres.

Il fait beau à Paris : vingt à vingt-deux degré. Sauf la dernière journée, à Washington, on pouvait à peine sortir de chaleur étouffant et de l’humidité y ajoutant.

Je bois de l’eau et mange une mousse au chocolat : est-ce celui que j’ai acheté il y a un mois. L’évier n’est pas propre, la cuisinière plus sale que je l’avais laissé. Un lit d’enfant ouverte dans mon salon ! Sinon, la maison, mon nid m’accueille en me souriant.

Je dois faire le lit, me reposer.

Non, d’abord défaire mes bagages. L’une est pleine des livres, l’autre des vêtements. Je pose les livres sur la banquette, les vêtements propres sur le bord du fauteuil. Les sales directement dans la machine à laver avec les anciens draps trouvés par terre dans la salle de bain.

Je lave l’évier, la baignoire, le cuisinier, fais le lit.

Donne à manger au chat, le caresse.

Je ressors, coupe les bouts fanés de mes fleurs, arrache quelques plantes sauvages, le reste sera pour un autre jour.

Mon fils arrive avec la clé de la boîte à lettres. Je pose les lettres sur la table. Il referme le lit d’enfant qu’il avait emprunté à la dame américaine quand la fille de celle-ci est arrivée de l’Amérique, surprise !, non pas seule comme prévu, mais avec un petit bébé dans les bras. Le lendemain, elles sont parties, dame, fille, bébé, à Bordeaux.

Où ont-elles laissé mes clés ?

Lionel travaille tout ce week-end, comme il a travaillé tout l’été aussi, cette année. Où est pour lui la semaine de 35 heures, et pour tous travaillant en informatique ? Il travaille, comme moi jadis, jour et nuit, souvent sept jours sur sept.

Heureusement, c’est vrai ce que tu m’avais révélé, me dit‑il, » je travaille bien sous pression, comme tu me l’avais dite une fois ».

L’important est que ton travaille te plaît. C’est pour quand ?

Le programme qu’ils préparent sera exposé vers quinze ou dix-sept septembre, bientôt. Il a quand même pris un jour de vacances, le mardi, c’était un jour « J » important : la rentrée en classe de Gabrielle. Trois ans et demi, pour elle c’était sa première journée d’école (maternelle).

Le jour « J » aussi pour David, deux ans, il reste dorénavant à la crèche parentale sans sa sœur. Lionel est un fort bon père. Il est aussi un très bon fils.

Je le raccompagne jusqu’à ma voiture, il va au travail avec, leur nouvelle bagnole a un problème.

T’es sûr, Maman ?

— Oui, je me débrouillerai.

Je vais aussitôt jusqu’au coin acheter du pain frais à la boulangerie.

Brioche ?

Je n’en ai plus.

Bon, alors un chausson aux pommes.

Alors, les vacances, c’étaient bien passés ?

Eux, ils n’ont pas pris cette année des vacances, au moins, pas pendant l’été, elle me l’avait raconté avant mon départ.

Je trouve un yoghourt au frigo, ça ira. Je me fais un café et je m’endors.

Au réveil, j’étends mes vêtements lavés dans le jardin, il y a juste assez du vent et un peu de soleil : jusqu’au soir ils seront secs. Ils sentiront bien.

Je parcours mon courrier, rien de trop grave. Les revues, je les ouvrirai un autre jour. Je me repose, je lis, j’admire mes géraniums roses. Je leur donne de l’eau qui leur manquait. Quelques bignones en fleurs arrivent encore jusqu’aux fenêtres.

C’est bien à la maison.

Encore sur la route

Il est dix heures le matin sur le bus de Richmond vers Washington. La route en bus dure trois heures (en voiture une heure environ).

Si je voudrais aussitôt aller à l’aéroport Dallas, j’y arriverai à trois heures de l’après-midi. C’est plus rapide en voiture. Une autre fois.

Tiens ! Sur l’autoroute, nous passons sept voitures de police pour intercepter des voitures, dont trois en embuscade, trois en train de donner des contredanses, un sur la route. Heureusement, je suis en bus et pas en voiture.

À la longue, on s’habitue de dormir sur le bus, mes genoux se font sentir, mais moins qu’au départ. Il y a beaucoup plus d’espace pour les pieds ici que dans l’avion. J’ai eu mal aux dents toutes les nuits et même en arrivant, depuis mon départ en bus, je l’ai complètement oublié, c’est passé. Pleins de choses sont restées, envolées.

Longue retour

Problèmes avec la femme au comptoir du Greyhound qui voudrait me faire passer par le même chemin que je suis arrivé. Sinon : « dites-moi la ville d’arrivé ».

Bien, je trouve un ou deux noms sur la carte.

« Ah, bien ! »

De toute façon, je vais vers Richmond. J’ai trouvé ma route, l’itinéraire « non existant » existe bien. C’est vrai, ce bus s’arrête partout et prend fort longtemps à arriver. J’étais encore en Kentucky.

Je ne sais pas pourquoi, mais les noirs et les portoricains sont assis plutôt au fond du bus, près de W.C.

Il est déjà nuit, peu de voyageurs parlent.

De temps et temps, quelqu’un parle dans son téléphone portable. J’ai de plus en plus sommeil, envie de dormir comme eux. Il aurait fallu me mettre en short comme au dernier voyage, pas en jupe. Il aurait été mieux, apporter avec moi un petit coussin, comme d’autres, pouvoir dormir dans le bus.

Pas mal des voitures circulent avec un petit drapeau national, probablement en souvenir du 11 septembre de l’année dernière duquel nous rapprochons. Après l’horreur et frayeur, la plupart des Américaines sont devenus plus patriotiques, il parait.

À la prochaine ville, les maisons d’une seule étage et colonnes carrées du bois. Après Corbin, à 75 km de Knoxville, on commence à monter vers les montagnes et collines. Des signes sur la route, mais je ne peux pas m’arrêter au milieu, sauf si je serai en voiture, 35 dollars la nuit. Le paysage change, fort belle nature.

Forêts, montagnes à perte de vue, encore et de nouveau.

Après mon sandwich avec salade de thon et un grand café, je me sens mieux. Merci, qu’on s’est arrêté pour dix minutes à une station de bus. J’ai aussi pu acheter une pellicule de rechange pour l’appareil photo. Mais la seule chose à photographier sur la route aurait été, non, les choses. Le long camion « truck » ayant glissé juste devant nous, coincé. Le camion avec une terrasse de bar peint sur lui, et des chaises vides : au début j’avais cru qu’ils sont de vrais meubles.

Chaînes et chaînes de montagnes les uns après les autres et tout autour de nous. Beau temps, ciel clair.

Hier, à Cincinnati, j’ai eu toutes sortes de temps : de la fraîcheur du matin j’ai passé à canicule de midi, du soleil à une petite pluie, puis le beau temps et chaleur (humide bien sur) revint de nouveau l’après-midi.

Depuis que j’ai retrouvé Bibi (livre adoré de mon enfance), j’ai de nouveau envie de retourner chez mes petits enfants.

Ce voyage ne m’a pas emmené là où je le pensais, dans une petite ville d’Ohio décrit tellement bien par Jennifer Crusie, mais il en est sorti de moi une Julie détendue, plus sûre d’elle, une Julie que j’aime bien et qui me sourit du miroir. Assez débrouillarde, comme dans son premier voyage seul, et aimant les livres comme toujours. Et, qui sait avoir plaisir de la vie simple, mais aussi des bons hôtels.

Nous descendons toujours entre les chaînes de montagnes.

La limite est de 70 miles, mais qui peut les faire dans tous ces virages ? Notre bus va à 38 et pour la troisième fois, un énorme camion blanc nous double, puis voilà, encore une fois notre bus le double. À quoi jouent-ils ? ! Cette fois-ci, ce n’est pas un conducteur noir, mais un vieux barbu blanc qui nous conduit. Tous les Grayhound jusqu’à celui-ci étaient des noirs d’âge moyen, costauds.

« Lake City Inn, 26 $, bien sûr nous continuons en dépassant maintenant même les petits voitures. Tiens, une énorme plate-forme sur une camionnette. Nous sommes à 15 miles de Knox Co, motel à 22 $.

Le camion blanc nous dépasse pour la septième fois et nous serre du près. Nous le dépassons. Oh, c’est fatigant. Il nous dépasse, pour la huitième fois, cette fois à droit.

Enfin, enfin, nos routes se séparent. Nous bifurquons vers le Old Knoxvile Historical District.

Nous voilà à Knoxville. Le centre ville (downtown) décrépit et continu. Plat. Notre bus repart avec cinquante minutes de retard.

Nous continuons notre route sur terrain plat dorénavant. Johanesbourg, puis Johnson City au milieu d’une vallée, allongée. Je continue ma route, ne m’arrêterai pas ici. Kingsport, ville industrielle genre ancienne, avec fumée sortant des cheminées d’usines est hors ma carte routière. Puis Bristoll, Tennessy.

Nous voilà arrivés en état de Tennessy. Et puis, aussitôt (presque) le bus s’arrête à la station du Abington en Virginie.

Un jeune homme demande de l’information, il descend ici.

D’où peut-il être ? Brésil, Mexique, Cuba ? Il ne parle pas un mot d’anglais. Abington ? Abington ? Hmm.

Il sort. Il s’arrête devant le téléphone. Espérons que quelqu’un viendra le chercher : il n’y a personne dans cette station déserte et il fait déjà presque noir dehors. « Vous l’avez voulu. Vous l’avez. Deal with it. (Débrouille-toi). » Comment ?

Le soleil descend rapidement, les ombres s’allongent, la lumière est magnifique. Rires idiots près de moi, fatigue.

Nous arrivons à Marion, Virginie, c’est comme la ville de mon roman. Finalement, à neuf heures de soir, le chauffeur et le préposé à la station me conseillent : «Ici, le motel n’est pas pour toi ».

Dans la nuit profonde, je ne vois pas même où il se trouve à cause des camions, énormes camions garés entre l’hôtel et le fast-food.

Nous arrivons à dix heures de soir à Raknoake, le centre ville est encore plus décrépit qu’ailleurs. L’hôtel ? Il faut prendre un taxi pour y aller. Alors seulement, je me rends compte que je n’ai plus aucun cash, ni de machine ici pour retirer de l’argent. Je n’aurais pas dû m’acheter la pellicule photo, pas utilisé de toute façon. Que faire ?

Je reprends, tristement la route, le bus, allons-y, continuons. Peut‑être à la station suivant je trouverai une machine pour retirer de l’argent. Un hôtel pour me reposer. Peut-être.

Crevée, j’essaie de dormir. Il faut trop froid.

Pouvez-vous remontez le chauffage ?

— Oui, dit le chauffeur et le fait aussitôt.

Je mets l’anorak autour de mon cou, ça va. Mais les pieds ? Trop longs, mes pieds. Où les mettre ?

Nous arriverons à Richmond seulement à une heure et demie, ou alors, avec le retard, vers deux heures et demie du matin.

Je tremble de fatigue.

— Quand part le bus vers Washington ?

— À quatre heures.

— Non, merci.

Je trouve un hôtel par téléphone, pas loin de la station de bus. Je prends un taxi, pour quatre dollars. Ici, j’ai trouvé enfin un distributeur des sous.

Nous arrivons aussitôt à l’hôtel. Je parle à travers une fenêtre : il ne m’ouvre même pas. Tout tourne autour de moi, pas de chaise ici, dehors, non plus. Comme si la terre bougeait aussi.

J’aurais dû m’arrêter avant. Tant pis. Finalement, j’ai une chambre. Il me passe la clé à travers un trou et m’indique comment y arriver.

À deux heures de nuit, je me mets enfin au lit.

Réveil à sept heures, j’ai l’impression qu’il est huit, l’heure a‑t‑elle changée pendant cette nuit ou le réveil de l’hôtel marche mal ?

Petit déjeuner offert, café en tas des papiers et des muffins.

— Du jus ? C’est écrit…

— Oh, j’ai oublié, me répond-il.

— Merci.

C’est un bon jus d’orange, froid, qu’il sort du frigo pour moi.

Hier, j’ai eu un conducteur âgé, blanc, puis après lui une grande beauté noire d’environ trente-cinq ans « Di » accompagné discrètement d’un aide. Une fort bonne conductrice. Beaucoup de camions mais je ne les regardais plus.

Je n’ai pas réussi d’obtenir des horaires de bus par téléphone et le taxi n’a pas envie de venir me prendre « c’est trop près ». Je vais donc jusqu’à la station de bus à pieds avec mon paquet rempli des livres anciens. Je dois arracher l’information, demander plusieurs fois, exiger qu’on me l’imprime. Par contre, j’ai réussi avoir les location des voitures Budget, comme louer une voiture coûterait 200 $ pour quelques jours seulement, je renonce.

Nous t'aimons: reviens!

Il ne pleut plus, je continue ma promenade. Je découvre Izzi’s. Un resto ancien, juif, honnête. Sur le mur une écriture:

We love you…
We love your money
Hurry Back !
We got Rent to pay

Nous vous aimons,

Nous aimons votre argent,

Revenez vite!

Nous avons le loyer à payer

C’est amusant. Je me sens bien ici.

Izzy Kadetz a ouvert ses restaurants il y a 100 ans, il est fameux de leur « corned beef ». Autre surprise, on ne nous donne pas du note à payer, tu dis simplement à la caisse ce que tu avais pris, consommé.

Dehors, un jeune sur patins roulants pousse au milieu de la rue une poussette avec un petit enfant, heureusement il n’y a pas beaucoup de circulation ici, le midi.

J’arrive à la vraie Librairie Antique : cinq étages d’anciens livres : pour moi c’est le paradis. Qui me coûte. Je n’arrives pas à m’arrêter, je trouve encore et encore des livres intéressants.

J’étais entrée 'juste pour voir' pourtant…

À la fin, je demande 'Avez-vous le livre Bibi de Karine Michælis?'

Le vieux monsieur qui doit être le propriétaire me répond : 'Je vais voir.' J’attends, je trouve encore un livre paraissant intéressant avant qu’il apparaisse avec ce livre demandé, souhaité, édité l’année de ma naissance, il y a plus de 65 ans. Il me vend Bibi pas cher du tout. Je pourrais le lire à mes petits-enfants !

Cincinnati

Nous y arrivons vers sept heures de soir à Cincinnati.

J’attendais depuis le matin les énormes champs de blé cultivés à perte de vue promis de rencontrer au milieu des États-Unis, je n’ai rencontré que des forêts, collines sans cesse et, près de Cincinnati, quelques champs de maïs.

Je devrai pénétrer davantage dans le pays pour ce que j’avais en tête. Certains autres voyageurs vont à Los Angeles avec ce même bus. Je suis fatiguée, m’arrête ici.

À chaque station, il y a un mur d’informations et un téléphone direct vers les hôtels (et d’autres lieux) je le trouve enfin. Holiday Inn 60 $, Hmm. L’autre hôtel à 28 $ ne répond pas. À la réservation d’Holiday Inn, ils me disent, ça coûte 90 dollars. Trop. Alors, appelez directement l’hôtel. J’appelle. 70 dollars, me dit le portier et nous avons beaucoup de places. Bien.

Je prends un taxi. Il fait des détours à cause des travaux, une voiture de police mise en travers de la route interdit le chemin direct. Les rues en parallèle et perpendiculaire, des belles, anciens immeubles.

Cincinnati, son centre, me plaît.

La banlieue, nous l’avons passé, est entre collines, mais pour une fois la station de bus est près de Downtown (centre ville) bien entretenu et au visage humain. L’hôtel à l’autre bout de Downtown, pas loin pourtant.

Ville intéressante, à découvrir. Demain.

J’arrive à Holiday Inn. Le jeune portier noir écoute mes complaintes avec amabilité, il comprend mon problème au sujet du prix. J’entre.

J’explique les disparités des prix et que je suis retraitée, avec une « America Pass » d’une semaine. Le portier, un jeune noir, me regard, puis me dit : « Attendez ».

Il revient.

Combien ?

Trente-huit dollars.

Trente-huit ?

Oui. Mais donnez-moi votre billet de bus à photocopier.

Trente-huit ? Je reste deux jours.

Bien.

C’est 38 dollars la nuit.

D’accord, je dis rapidement, je reste alors deux nuits.

En fait, j’ai déjà négocié le prix d’une chambre d’hôtel plusieurs fois aux États-Unis, ils ont un tarif pour « tout le monde », un pour les groupes, un autre pour les occasions spéciales, surtout quand il y a beaucoup des places inoccupées.

Cet hôtel a une piscine à l’intérieur, mais ce soir je suis trop fatiguée.

La chambre est énorme, le lit ‘largeur roi’, aussi. En plus, il y a un bureau, une télévision qui marche bien, un sofa et l’air est bon. Tout l’étage est non-fumeur. C’est une chambre d’hôtel sans aucune commune mesure avec Econolodge de hier soir.

Je découvre même une machine à repasser et une cafetière - avec deux sachets de café offerts (qu’on me refluera le lendemain de nouveau) et de fort bons oreillers. Une télé qui marche bien et son zappeur n’est pas fixé à la table de nuit. Le luxe, quoi.

Je dîne avec un bout de biscuit et un nescafé décaféiné. Je me plonge dans le bain et je m’endors rapidement.

***

Le lendemain, j’utilise la machine, non pas pour repasser, mais sécher ma seule paire des chaussettes que j’avais lavées.

Depuis combien de temps je n’ai pas eu dans la main un fer à repasser Trop d’année pour m’en souvenir. Finalement, ce n’est pas si désagréable de repasser !

Ils offrent même une cafetière électrique, un café, un déca, du sucre, poudre de lait ‘compliment’. Je bois un déca le soir et du vrai café le matin au réveil. Quel luxe, quelle chance !

Le matin, je descends, la piscine est fermée. Ils l’ouvrent vite pour moi. C’est au plein ciel, au milieu de l’hôtel.

Appelez, si vous avez besoin.

Je nage un peu en regardant le ciel et les fenêtres donnant sur la piscine. Je sors rapidement, j’ai froid, une grande serviette de bain m’attend. Je fais une douche chaude dans ma salle de bains, je lave mes cheveux avec le fort bon shampooing offert par l’hôtel.

Ici le petit déjeuner n’est pas compris dans le prix, mais j’ai déjà bu un café, offert, dans ma chambre ce matin. Le restaurant de l’hôtel n’est pas trop amical, je mangerai au centre ville.

Un bus, pris juste en face de l’hôtel, me dépose près de la fontaine, au centre. Pas loin, la rivière argentée m’attire.

Je passe devant une boutique de Fédéral Express, j’entre, je me renseigne pour l’envoi des livres (pas encore achetés).

Nous, chez rapide mais cher, la poste coûte moins, dit le jeune garçon, employé. Je vous dirais où…

Merci. Où manger bien, pas cher ce matin ?

Il m’indique un lieu près de la boutique. Pas cher, mais le serveur n’est pas encore bien réveillé, il me donne des œufs brouillés à la place de œufs sur plat que j’avais demandé. Puis, sans rouspéter, le change.

Il fait beau. Cincinnati est une ville selon mon cœur et intéressante. Sauf, qu’il paraît qu’il y eu une fusillade dans un de ses rues cette nuit.

J’aime l’atmosphère de cette ville. Une vraie ville et en même temps pas trop grand, au moins, son centre. Tout près de Kentucky, séparé seulement par la rivière Ohio, la ville est en Ohio encore. Constructions près de stade qui est juste dessus, au bord.

La rivière Ohio sépare les deux états. Le bus traverse un des beaux ponts, suspendu comme à Budapest sur le Danube, Au loin, j’aperçois un pont tout moderne et ses arcs.

« Prenez le bus pour passer à Kentucky ». OK..

Un autre état, atmosphère différente, sur l’autre bord. Des petites maisons, environnement fort modeste.

Le bus passe devant une bibliothèque. « Club de livre » est marqué tout grand sur le front. Attirée, je descends du bus et j’entre.

Tiens, c’est la « Bibliothèque Municipale » mais ici on l’appelle « Library ». Pleine des livres, et avec un cours informatique ne marche. Livres, livre, je me sens bien entre eux.

Dans une salle, un cours pour débutants d’ordinateur.

Puis-je m’asseoir ?

Le prof hésite, puis dit :

OK.

Je m’assois au fond, observer. Le prof et comme ci comme ça, je serais mieux. Certains élèves n’ont même pas réussi d’ouvrir le Word, traitement de texte qu’il enseigne. Je refrène ma volonté d’intervenir, aider et je me connecte à l’Internet.

Le cours est fini. Je sors de la salle.

Les bibliothécaires, très sympathiques m’aident à trouver des livres sur la région et m’installent ensuite pour que je puisse utiliser l’Internet. Oui, en Amérique, les bibliothèques publiques offrent à tous, gratuitement l’accès au web mondial.

Je me connecte. Fort gentils, les bibliothécaires me conseillent. Je me connecte et, hélas, dans l’élan, je m’achète des livres d’Amazon à envoyer directement en France. Je lis mes lettres. J’en envoie des réponses.

***

J’achète des livres par l’Internet et les fais envoyer directement en France. L’argent économisé par l’hôtel est dépensé en livres. Ils m’attendront ou viendront après mon retour.

Une des bibliothécaires me donne une copie de centre ville et m’indique un bon restaurant pour midi à Cincinnati.

Merci. Et le bus ?

Elle ne sait pas bien. En fait, tous utilisent leur voiture. Elle se renseigne. Je ne trouve pas de bus, j’ai dû dépasser ou manquer la station, mais nous sommes tout près du fleuve, du pont.

Repasser le pont est plus dur, je rate l’arrêt de bus et je m’y lance à pied. Le vent souffle, les joggeurs passent. Et les voitures, sans s’arrêter pour me prendre.

J’essaie de faire du stop.

Une voiture s’arrête. Un fort vieux monsieur maigre et très bien habillé fait signe à son chauffeur. Je veux parler. Le vieux, élégant et tout mince, me regarde de haut en bas et fait signe à son chauffeur noir vieux et maigre lui aussi de continuer. Je m’imagine que je suis un détective (en short) ayant trouvé de trace de son petit-fils kidnappé et voulais lui faire savoir - il ne s’est pas arrêté assez longtemps pour que la femme détective le lui dise. Je souris.

Bon, je traverserai le pont à pied.

C’est long. Il y a, en fait, un chemin spécialement prévu pour les piétons, heureusement, sur le pont. Fort long. J’ai un peu mal aux pieds.

Deux autres joggeurs passent et saluent amicalement.

Enfin, j’arrive à l’autre bout, en Ohio de nouveau.

Bon, une légère pluie commence à tomber.

Il est midi, les gens sort de travail pour manger. Font la queue, là où le repas est meilleur.

D’abord, fatiguée, je m’assieds au milieu d’un grand immeuble commercial, un petit resto, plusieurs choix. Je prends un sandwich, observe les travailleurs et les fonctionnaires, et la fontaine du milieu de place à l’intérieur. Chemise blanche, court ou longue, une cravate, donne l’air fort habillé.

26 août 2002 du bus Greyhound

Des petits champs commencent enfin, ici et là.

On me parlait toujours des miles et miles des champs au milieu des États-Unis, j’aurais voulu les voir, au moins un peu, pour quelques heures. Ici, peu de champs encore, je ne suis pas encore entré assez. C’est un énorme pays.

Le bus s’arrête souvent.

Je voudrais faire, mais je ne peux pas, une photo du jeune noir le visage, oui, d’orang-outan, un foulard rouge autour de son cou, du jeune noir qui commence à chanter d’un coup, fantastiquement. Quel talent. Puis du garçon, amis aux yeux bleus claires, barbe roux, chapeau curieux. Non, je n’aime pas qu’on me photographie. Mes les chauffeurs de bus, sont ravis, eux que je les prenne avec moi à Paris.

Tiens, nous passons près d’une maison longue, longue, transporté sur un camion.

Carnet de route

Le bus devant la maison va jusqu’au métro, mais ne passe qu’une fois par heure. J’attends quelques minutes, puis décidée, je m’élance à pieds, prendre le bus partant d’une rue principale, vers le métro Silver Spring. Agnès disait hier que ce métro amène en vingt minutes à la Gare Centrale.

Il n’y a personne qui marche, les voitures accélèrent après le feu rouge et passent trop près de moi. Mais, et cela depuis peu de temps, il y a un petit trottoir à gauche de la route pour les rares piétons. Je ne rencontre qu’un seul jusque j’arrive à la station.

Voilà, le grand rue et la station. Est-ce ce bus? Pas facile à deviner. Le conducteur arrive après dix minutes d’attente, je monte.

Ça va au métro ?

Oui. 45 centimes.

Je lui tends un dollar.

Non. Il faut du change.

Je demande ma voisine.

Avez-vous de change pour un dollar ?

Non.

Je fais une photo de lui aussi. Une jolie noire et le conducteur âgé, sympas tous les deux. Une autre station, un autre noir monte, visage pas beau du tout, une écharpe rouge sur le front. Celle de vis-à-vis ouvre son portefeuille et me tend l’argent requis en échange.

Merci !

Je paye.

Puis-je vous photographier ? Je suis de France.

D’accord, dit-elle.

J’étais en France déjà, me dit le conducteur de bus, joyeusement.

Je n’ose pas le photographier mais je prends celui qui est près de lui, pendant qu’il tapote sur l’ordinateur portable.

Une grosse dame entre, nettement plus gros que moi, mais habillée avec soin (je suis dans mon short long que ma fille m’a acheté avant mon arrivée.) Elle a d’énormes bigoudis sur la tête.

Je peux vous prendre ?

Ah ! les bigoudis…

Et votre jolie robe…

Avant cette affiche.

Ok, merci.

On m’aide à prendre le billet de métro et m’explique quel quai va vers la gare à l’Union Station. La station de bus Grayhand est près. Enfin, près, ont-ils dit tous. A pied, seulement deux « bloc », mais il me paraît long jusque deuxième coin.

À la gare, des boutiques intéressantes, les trains partent et viennent, une librairie. J’achète une carte de Nord-Est USA.

À la Gare des Bus, rien qu’un comptoir de fast-food et un lieu d’information.

Je voudrais aller en Ohio.

Achetez d’abord vos billets, ensuite revenez. Quelle ville ?

Je ne sais pas.

Il faut savoir la ville.

Je veux me promener une semaine.

Achetez alors un « America Pass » au guichet.

Au guichet, le passe pour retraités d’une semaine coûte 200 $. Je pourrais prendre, descendre, reprendre, n’importe quel bus à n’importe quelle station.

Vers où allez-vous d’abord ?

Ohio.

Je n’ajoute pas, mon dernier auteur préféré est originaire de là. Et un autre aussi, professeur d’écriture.

La ville ? insiste-t-elle.

Je regard ma carte routière. Je ne me rappelle plus, qu’importe ! Je voudrais voir des petites villes d’Ohio.

Donnez-moi les stations jusqu’à Pittsburgh.

Ils n’ont pas des horaires, ni des stations En Général. Il faut dire : Washington - Pittsburgh et alors l’ordinateur me sort les heures et stations entre eux.

J’achète quelque chose à manger et rencontre un couple de mon âge qui s’avère français. On commence à parler. Elle peu, lui davantage.

Le bus arrive, j’entre. Il me demande :

Puis-je m’asseoir près de vous ?

Oui.

Vous allez où ? me demande le conducteur.

Je regarde le papier imprimé. Je lui réponds :

Je m’arrête à Forêt - Brise. J’aime ce nom.

Le bus y arrive à quatre l’après-midi, jusqu’au soir je trouverai où dormir.

À Forêt Brise ?

Oui, ce nom me plaît.

C’est la façon de voyager, me répond le conducteur. Il n’y a personne qui descend là-bas. Il me sourit.

Oui, je voulais un lieu tranquille.

En fait, depuis que je conduis, vous serez la deuxième personne à y descendre.

Trouverais-je où loger ?

Oui, vous n’aurez pas de problèmes.

La route est vallonnée, forêts, collines. On monte. Ah, oui ! C’est ça.

Entre temps, le français assis près de moi raconte ce qu’il a fait depuis sa retraite. Une université, donner des cours en Pologne, prendre des cours de philosophie à Nanterre, puis le voilà juge à la Chambre de Commerce. Il me donne l’adresse d’un autre juge, un ami à lui ayant crée une association français - hongrois.

Je raconte, moi aussi. Le temps passe rapidement.

En route vers les toilettes au fond du car, je demande sa dame :

J’espère que ça ne vous dérange pas qu’il s’est assis près de moi.

Il parle trop, n’est-ce pas ?

Non, c’est intéressant. Mais il m’a prévenu que c’est cela que vous direz.

Depuis vingt ans, je le connais bien…

Choc. Mon ex aussi parlait beaucoup, et pour les nouveaux connaissances cela paraissait, était, intéressant. Mais… celui-ci m’a aussi laissé parler de moi.

Juste vers la fin, il parait d’un coup suffisant. Bon.

Le temps est arrivé à descendre.

Où suis-je ?

Premier arrêt sur un coup de tête « Breezwood » (Forêt de brise) à cause de son nom qui me plait. Je trouve un motel avec piscine, un grand lit et baignoire, petit déjeuner inclus pour 40 dollars. Pourtant, bien que j’adore me baigner dans la petite piscine et le petit déjeuner était bon, ce n’était pas la meilleure inspiration. C’est un lieu exclusivement pour arrêt des camionneurs, pratiquement aucune vie autre que pour les gens qui passent. J’avais espéré un village ou petite ville ou station touristique au moins. Pas grave.

Il n’y a que quatre cents habitants ici, je voulais un petit lieu, me voilà. Mais… je ne l’imaginais pas ainsi. Nous sommes à un carrefour des routes, tout près de l’autoroute. Il n’y a que des hôtels, des restaurants et des boutiques de souvenirs et des boutiques pêche et vélo.

Le premier hôtel est trop cher, je trouve un motel bon marché. Avec piscine ! Bravo, même entre les collines et les forêts, il fait très chaud encore à quatre heures. Vite ! Dans l’eau. C’est fantastique.

Je prends un livre, je me mets à l’ombre près de la piscine, je lis.

Plus tard, je vais dîner. Le petit déjeuner de demain sera offert, c’est inclus dans le prix. J’achète une carte me permettant d’appeler de n’importe où et je dis au répondeur de ma fille que tout va bien et où je dormirai cette nuit.

Fatiguée, j’entre et je voudrais dormir. Hélas, le voisin écoute sa télé trop fort, je n’arrive pas à m’endormir qu’après neuf heures quand il a enfin éteint. J’ai lu en attendant.

Le lendemain, petit déjeuner, je partirai avec le premier bus de matin. Dans cette petite station, c’est une ‘Indépendant’ qui s’occupe des billets, quelqu’un en ayant déjà un, ne l’intéresse pas. Elle prévient quand même le chauffeur qui prend son petit déjeuner, de me prendre.

Vers où ?

Ohio.

Où en Ohio.

Vers Pittsburgh.

Le français rencontré, me racontait qu’il y va souvent, elle est belle. Nous y arrivons rapidement. C’est vrai, entre collines et les deux fleuves se rejoignant, Pittsburgh est belle, mais très grande, très étendue. À pied, je ne pourrais presque rien voir. Je me sens lasse. Une autre fois. Le flou incessant des voitures me décourage et aussi le fait que le bus s’est arrêté de nouveau loin de centre ville. Le compagnie de bus cherche et trouve en général les plus moches parties des villes ou villages pour y faire un halte.

Vous repartez ?

Oui.

Où ?

Je regard ma carte.

Columbia, Ohio.

Bien. On y sera dans une heure.

Encore 40 miles vers Columbus. J’aurai dû m’arrêter, mes les environs de la station ne m’inspire pas du tout et il fait trop chaud pour marcher et chercher à pieds quelque chose. L’hôtel vis-à-vis de la station est trop cher en plus. Continuons.

Le centre de Columbus est très moche, au moins la partie où nous sommes atterris avec le bus. Un seul hôtel, cher. Je me décide et repars.

Vers où ?

Cincinnati, Ohio.

Montez.

Une arrivé et un départ

Le père est revenu samedi. Grande joie. «Daddy! Daddy»

Je me fais petite, presque invisible et quand je vais vers eux, mes petits-enfants font la sourde oreille. Sauf, quand ma fille est là pour leur imposer, ils ne me répondent même plus, tout absorbés dans leur père enfin revenu ou jouant ensemble entre eux. De temps en temps je parle avec Agnès, mais bien sûr, elle a quatre autres personnes à s’en occuper aussi. Depuis deux semaines, elle s’était beaucoup occupée de moi et nous avons pu vraiment communiquer.

Lundi, je me réveille tôt.

Agnès est partie travailler depuis six heures, les enfants sont en bas depuis sept. Je leur propose de manger.

Non, merci, plus tard.

Ils attendent leur père. Il descend, leur prépare un déjeuner, discute avec eux. Nous fait un café. Je m’assois avec eux, mais je me sens mise à l’écart subtilement.

Bien.

À huit heures, c’est décidé : je pars.

À huit et demi, j’avertis le papa de mon départ et avec un petit sac au dos je suis sortie déjà.

Au revoir, je dis aux enfants, trop absorbés dans l’ordinateur pour me répondre.

Appelle ce soir, nous dire où tu dors, dit Don, préoccupé que je pars à l’aventure sans réservations.

D’acc.

Se mouiller (ou non)

Les deux semaines avec mes petits-fils sont la première avec ma fille aussi, se sont passées, rapidement envolées.

On m’avait invité (le dernier minute) à la noce, ensuite, c’était la fête pour les cinq ans (déjà!) de mon petit-fils Henry et puis aussitôt, leur père est parti pour deux semaines. Il a appelé Agnès chaque jour et ils ont discuté longuement avec chacun de ses enfants et sa femme. Sinon, il n’était pas présent.

La première semaine, nous sommes allés à la piscine de quartier, à six heures de soir chaque jour, quand il faisait moins chaud et probablement il y avait moins de monde. De l’année dernière, les trois garçons ont fait d’énorme progrès.

Alexandre nage aussi sur le dos, plonge du grand plongeoir et apprend à sauter tête en avant. Il traverse la piscine, joue, passe entre mes jambes, nage aussi sous l’eau.

Thomas s’est détaché de la marge et nage sur et sous l’eau élégamment et avec de beaux mouvements et il a commencé à plonger, lui aussi.

Henry s’éloigne de plus en plus loin et tête vers haut, avance comme un petit chiot. Comme son cœur bat quand il arrive finalement à nous attraper et qu’il se sent sain et sauf, enfin. Mais presque aussitôt, il s’élance de nouveau. Dans la petite piscine d’avantage, sinon, il n’a pied encore comme les autres dans la grande eau.

Le dernier jour, une copine d’école d’Alexandre était là et il m’a demandé de lui montrer comment je fais la planche sur le dos, ce que j’essayais de lui apprendre d’autres jours.

Je venais de laver mes cheveux et je ne voulais pas les mouiller de nouveau.

Bon, tant pis.

Je regrette depuis que j’avais hésité me mouiller pour lui, juste quand il voulait se vanter de sa grand-mère et démontrer quelque chose de nouveau à sa copine.

Se mouiller, aller au fond des choses, il le faut dans la vie et aussi dans l’écriture, sinon, on le regret plus tard, tout qu’on n’a pas fait, pas osé, hésité.

Qu’ils jouent bien ensemble ces trois ! Autant que trop parler, trop s’appuyer peut gêner, comme pendant les derniers mois de mon mariage, autant se sentir mise à l’écart peut heurter.

Pas maintenant, disait Alexandre.

Tom se taisait, ne répondait même pas.

Ce n’est pas ta maison, tu ne commandes pas, fit Henry.

Il a fallu un temps que je comprenne.

Il ne voulait pas m’obéir, puisque ses parents lui ont dit : Tu dois obéir, ici c’est Notre maison - (à papa, maman, mais aussi celle des enfants).

Mouille-toi Julie et n’hésite pas non plus à écrire tout qui te vient!


La noce près de Washington

La noce à l’église Baptiste. Finalement, on m’a invitée, moi aussi. Tom et sa petite cousine étaient le garçon et fille d’honneur, habillés de circonstance. Et les deux frère du marié avec la sœur et une amie de la mariée.

L’aîné des garçons d’honneurs m’a conduit à ‘ma place’. D’un côté une famille et leurs amis, de l’autre côté ceux de deuxième famille.

Les jeunes mariés, religieux, attendant de pouvoir enfin coucher ensemble, sont très jeunes, elle a vingt ans, lui vingt et un. Il était assez détendu quand même mais elle sans un sourire, paraissait comme une poupée de cire peint n’osant pas bouger de peur d’abîmer le maquillage inhabituel. Comme si on l’aurait obligé à se marier malgré elle. À un moment donné, j’ai observé qu’il a serré sa main pour la rassurer.

La mère de la mariée paraissait presque comme sa sœur et son père comme un coq, tout fier à porter sa fille aînée vers l’autel.

La cousine de Tom, créole de peau, magnifiques, cheveux noirs longs et ondulés, était dans toutou rose et jetait des pétales de roses par terre. Thomas tenait les bagues. On leur a appris que faire le soir avant lors une répétition générale.

Après la cérémonie religieuse en sortant, Tom a offert son bras à sa cousine comme un vrai cavalier mais la petite a oublié lui prendre se souvenant des pétales seulement. Ils étaient fort mignons.

Le buffet, dans un des salles du temple, sans alcool à cause de l’abstinence prêché par cette église. Des tables éparses et une queue devant le buffet.

Je me suis entiché d’un des frères, me paraissant comme l’un des héros d’un récent roman lu. Cheveux en broussailles, coupées très courtes, je me le suis imaginé travaillant au service secret.

Il me paraissait tout droit sorti d'un de mes romans.

En fait, il paraît qu’il est avocat. Il ne paraissait pas. J’en ferais un héros d’un de mes prochains récits. Sa fiancée est une belle asiatique, non pas la magnifique noire que j’avais crue d’abord, la fille d’honneur en robe longue rose se tenant près de lui pendant la cérémonie. Dans mon texte, je pourrais lui offrir l’une ou l’autre ou imaginer une troisième.

Pendant que les jeunes mariés coupaient le gâteau monté, plein des photographes amateurs se sont précipités. J’ai photographié les photographes.

La meilleure photo que j’ai faite, d’après moi de la noce, n’a dessus que les mains des mariés (avec un peu de smoking et robe blanche), les mariés se tenant la main, le mari rassurant sa nouvelle femme.

Le chat de mon fils

J’ai enfin réussi à faire un chez moi. Refaire un foyer. Seulement à moi. J’ai enfin de la place. Pour travailler. De la place pour m’asseoir et lire. Non pas une seule place, moitié de fauteuil double comme avant, mais plusieurs places entre lesquelles je peux choisir.

Le lit, non encombré. Le fauteuil double près du lit sans rien dessus, juste deux petits coussins m’invitant à choisir entre eux, reposer mon dos et admirant le secrétaire antique d’en face.

Dans le salon, le fauteuil, le sofa, devant ma table de travail deux chaises, un autre dans la cuisine près de la petite table où je mange souvent l’hiver. Des fauteuils aussi dans le jardin sous le toit et arbres, autour d’une table non encombrée et à l’abri du pluie. Je peux m’y installer, prendre mon petit déjeuner, dîner, lire ou admirer tout simplement mes fleurs.
Les gueules de loup, les bignones, les dahlias couleur feu au bout de mon jardin, et même, au-delà, les lavandes lilas et les marguerites jaunes de mon voisin.

Ce petit pavillon que j’ai réussi à rendre agréable m’est offert de bon cœur par mes enfants qui l’ont hérité de leur père, mon premier ex, décédé il y a dix ans à peu près, était inoccupée depuis deux ans, depuis que sa famille agrandie, mon fils est parti pour un appartement plus grand et plus lumineux. Ils ont en plus de deux pièces séparées un grand salon double, deux terrasses, beaucoup de lumière, les deux enfants qui ont maintenant deux et trois ans ont plus d’espace à jouer et leur mère pour arranger et réarranger. Hélas, c’est à l’étage, sans accès direct au jardin.

Lemac, (écourté d’après le fils d’Ulysse Telemac), le chat de Lionel en souffrait. Dans l’appartement fermé, il devait se cacher de l’un ou de l’autre, des enfants le poursuivant, le prenant comme un animal en peluche, tripotable, tirant sa queue et de ses poiles, il se cachait aussitôt qu’ils approchaient sous le buffet, mais le plus petit plus agressif et intrépide, le débusquait même là. Il a fallu l’exiler sur la petite terrasse, sauf au plus froid d’hiver et en plus il se mettait à goûter les plats spéciaux pour chats, posés par terre dans la cuisine.

Lionel, revenant fatigué le soir de son travail, jouait avec ses deux enfants et plus avec son chat. Annelise, avait de plus en plus marre à nettoyer après le chat. Ce que je comprends parfaitement. Dégoûté, Lemac « marqua le territoire » et répondit une horrible odeur devant la chambre des enfants. Pendant deux semaines, on pouvait à peine respirer dans l’appartement.

Le chat devint malade, ses poiles commencèrent à tomber un peu partout sur la moquette, entre les jouets des petits-enfants. Lemac est vieux, il y a douze ans que bébé, Lionel l’avait emporté de son oncle pour le sauver. À l’époque, il habitait seul dans le petit pavillon où je suis maintenant.

À son tour, elle vint me visiter et pendant le déjeuner dans le jardin dit: Lemac a une maladie de peau, ses poiles tombent. Les enfants peuvent attraper quelque chose, ils ne savent pas se tenir loin. Et je n’arrive pas à le confiner à la terrasse. Je n’en peux plus.

-Je te comprends.

-Nous partons en vacances pour dix jours.

-Je peux lui donner à manger matin et soir.

-Lionel pourrait t’apporter…

-Bien. Il sera bien dans le jardin ici. Plein d’espace pour courir.

Le lendemain, Lionel apporte le chat furieux, n’aimant pas voyager en voiture. Je parle bien sûr du chat, pas de mon fils. Lionel le caressa, puis me laissa de quoi le nourrir pour dix jours.

-S’il faut davantage, achète les mêmes sachets et boites. Et donne-lui aussi de l’eau. Mets-les devant la porte à l’abri de la pluie.

-Je lui mettrai un oreiller sur un des fauteuils devant la maison. Mais Lionel, pas question que je le laisse entrer dans la maison.

-Je comprends. Il a de place ici sous la toile. Et tout le jardin pour courir.

-Oui, il pourra courir enfin tout qu’il veut.

-Et madame Filipetto l’aime bien.

Je n’ai pas dit et lui non plus que s’il faudra mourir un jour, comme madame Filipetto aussi ayant plus de 91 ans et de plus en plus endolori de partout, autant que ça se passe naturellement.

Les jeunes partirent en vacances. Je restai face à face avec le chat.

Lemac alla se promener, refaire connaissance avec son ancien jardin et les chats d’environs, puis disparut pour trois jours.

Je me faisais de soucis. En alternance, je me disais «Peut-être c’est mieux ainsi pour eux et la famille et qui sait pour le chat aussi», puis : «Mais que dirais-je à mon fils?»

Enfin, il apparut un matin en miaulant devant la porte de madame Filipetto. Elle le reconnut, le caressa, lui donna des restes et le laissa s’installer sur la chaise posée devant sa cuisine, sur sa petite terrasse en haut des marches, chaise d’où elle avait l’habitude de s’asseoir pour contempler le jardin et tout qui se passe dans la cour. Comme une concierge, toujours au fait de qui venait, qui partait et ce qu’on faisait.

J’apporte de la nourriture dans une assiette et dans un sachet.

-Il est malade. Ne veut pas manger, à peine peut-il avaler, me dit madame F. le caressant. Et ses poils…

-Oui, il n’est pas bien. Je suis contente qu’il est revenu, enfin.

J’étais inquiète : il était si maigre !

Je lui ai donné de quoi manger devant la porte, sous mes fenêtres, lui a mis un meilleur coussin, je m’assurais qu’il ne pleut pas sur son fauteuil spécialement réservé dorénavant pour lui. Le fauteuil sur lequel je ne vais plus m’asseoir.

Il m’en reste assez d’autres places.

Le lendemain, au réveil, j’ai préparé le petit-déjeuner, j’entends miauler devant la porte.

Bravo ! Il est venu, revenu, je peux lui donner sa nourriture. J’ouvris la porte, il fit un tour dans la cuisine. J’ai mis son ragoût sur l’assiette et en le suivant, il sortit et affamé, il commença à goûter devant la porte. Je lui ai mis de l’eau. Puis, j’ai sorti, moi aussi, mon plateau dehors. C’était agréable de manger dans le jardin.

Lemac avait mal à avaler. Il jeta un peu de nourriture autour de l’assiette, le goûta, laissa d’autres, une partie de son cou était très gonflée. Puis il repartit, laissant le reste. Il s’installa au soleil, au milieu de mes fleurs, et tout en me regardant manger, il s’endormit.

Je suis rentrée et me suis mis à mon ordinateur et m’oubliai dans mon travail de réécriture.

ZZZZZ. Une énorme mouche se débattit, voletait, dans le salon - bureau, me réveillant à ici et maintenant, plusieurs heures plus tard. C’était midi passé. Je préparais mon déjeuner, sortis admirer les fleurs et manger dehors. Madame Filipetto était à son poste, sur sa chaise de la terrasse. Je lui fis un signe de main. Encore plus de mouches. Ils bourdonnaient tout en goûtant la nourriture du chat noirci, desséché de chaleur et marqué par les mouches.

Lemac, nulle part.

Il réapparut le lendemain, mangea un peu plus. Je lui donnai un peu du lait qu’il but goulument. Bon, pas d’eau, je lui donnerai plutôt du lait dorénavant.

Des jours passent. Mon fils revient avec sa famille. Le chat reste chez moi. Il s’habitue à venir et demander de nourriture quand il a faim, quand il me voit bouger. Le cou se dégonfle, ses poiles paraissent plus sains. Bien, il se plaît dans ce jardin.

***

La nuit chaude d’été arrive. La fenêtre est ouverte. Je dors. Et plouf, à trois heures de nuit, le chat me réveille en sautant au-dessus des géraniums mis au bord des fenêtres, directement dans ma chambre à coucher.

Je veux ma maison, la place tout à moi. Le chat veut s’y installer. Il entre la deuxième nuit, cette fois, le malin, dans le salon sans me réveiller et je le retrouve endormi sur le sofa. Je le chasse de nouveau.

Que faire ?

La nuit suivant je ferme les fenêtres. Toutes les fenêtres. Aïe, aïe, il fait trop chaud la nuit avec les fenêtres fermées. J’ouvre l’un tout petit peu. Comment il a fait, j’en sais rien, mais le chat s’est de nouveau glissé à l’intérieur et au milieu de la nuit je le trouve installé dans mon unique fauteuil, à l’intérieur, dans mon salon. Non !

Là, je deviens furieuse. À peine j’ai une maison, de la place, quelqu’un veut l’occuper, l’accaparer : pas question de me laisser faire de nouveau. François est venu aussi sournoisement, peu à peu et occupant de plus en plus de place, jusqu’à ce qu’il ne me resta plus, même le lit était encombré. Le chat, je m’en souviens, aimait lui aussi dormir dans le lit, il s’y mettait près de mon fils, jadis. Et quoi encore!

Il ne rentrera pas!

Mais le lendemain, il entre l’après-midi, pendant que je travaille.

Et il ne veut pas sortir.

Je prends un verre d’eau et en le chassant, l’arrose. Il a appris. Le lendemain, pas besoin de l’arroser, la vue d’eau le faire fuir. Le surlendemain, je laisse ouvertes mes fenêtres, tout en préparant l’eau au cas où il osait encore entrer. Mais je ne dors plus tranquille.

Je dois partir en Amérique bientôt, j’espère qu’il ne dérangera pas l’Américaine que j’ai invitée à habiter chez moi pendant mon absence.

***

J’arrive chez mes petits-fils près de Washington et le premier soir je leur raconte l’histoire de chat et les fenêtres ouvertes: ils sont ravis en redemande. Ils se couchent sans problèmes à cause du chat.


PS ajouté le 31 juillet 2002 au 'Touriste chez soi'

Je viens de recevoir les photos, ils ont fort bien réussi! Mais en moi, j’ai davantage d’images. Et des sons? Non, pas cette fois. Curieusement, sauf les discussions que j’ai eues, je ne rien entendu. Et ce marché ne sentait pas, au moins pas le matin de si bon heure.

Près de ma boulangère, par contre, une odeur alléchant m’avait décidé d’entrer et acheter et la fragrance des lavandes attire déjà plein de bourdons. Heureusement, ils sont là pour m’enchanter mais assez éloignés de mes fenêtres et, comme dit Annelise, elles sont ceux du voisin et c’est lui qui s’en occupe. Bien.

Je lui offre la vue de mes dahlias feu, resplendissants. J’ai coupé trois le matin pour Annelise. Mme Filipetto a protesté :

Non, ne les coupez pas !

Je l’ai regardé sans lui dire, elle le sait, qu’ils sont les miens, ces dahlias, mais c’est vrai, ils fleurissent plus près de sa terrasse à elle.

Ils sont restés assez, je dis, essayant de l’amadouer.

- Il n’aurait pas fallu, me répondit-elle quand même avec regret.

Le soir, elle n’avait pas de viande, je lui ai passé une tranche hachée, congelée, elle m’en a apporté une belle pêche.

Bonsoir, je vais donner à dîner à mes petits-enfants. Les coucher. Veiller sur eux.

Ils sont fort sympa et gentils ses deux petits.

Enfin, me dis‑je, quand ils le veulent. Entre trois et quatre cette après-midi, Gaby était devenu une diablesse blonde aux yeux bleus, prenant tout de son frère qui jouait tranquillement. Puis, réagissant, il l’a cogné. C’était une fort longue heure, oui.

Une fois chez moi, la fatigue disparaît. J’écris des lettres et les envoie sur le Web, j’en ai aussi reçu. Je lis un peu, j’écris.

Il est onze heure de soir, bonsoir.

27 juillet 2002

Deux papillons blancs goûtent la lavande, les dahlias roses resplendissent dans l’ombre. Les énormes feuilles de rhubarbe se demi-ombre attendent eux aussi que le soleil ressort de nouveau des nuages.

Deux gens passent devant le portail, je vois leurs pieds, ils ne peuvent pas m’apercevoir. Le buisson de lavande en pleine floraison et le coin de garage, me cachent de l’extérieur.

Mon linge sèche au soleil, il est vingt et un degré à l’ombre. J’admire les papillons. Je viens de manger dehors, devant la maison, tout en admirant mes fleurs. Un morceau de foie de veau, des tomates, une tranche de pain, quelques prunes. Le café m’attend encore et un bon livre.

La vie est belle. Aujourd’hui. Et calme. Encore.

Demain, l’Américaine (que j’ai invité habiter chez moi pendant que je serai pas ici) arrive et l’après-demain l’avion m’emportera à Washington. Le soir je serai déjà avec mes trois petits-fils en mettant deux entre eux au lit en leur racontant une histoire.

Les papillons jouent l’un avec l’autre, puis se posent de nouveau. Pleins de livres m’attendent là-bas. Et Bruce. Probablement aussi de la chaleur.

Le e-billet

Agnès m’a invité chez eux pour passer deux semaines ensemble. La première avec elle et les trois gosses, la deuxième moi et mes petits-enfants. Enseignante français dans l’école américaine, elle doit commencer à travailler une semaine avant que les élèves arrivent, c’est une merveilleuse occasion pour moi d’être avec les trois garçons.

Hurrah ! Bien sûr, j’y serai, je dis rapidement.

Viens pour être avec nous à fêter les cinq ans d’Henry. Mais…

Mais ?

Ne viens pas le dix août, nous sommes invités pour les noces de notre nièce. La fille de David, frère aîné de Don, tu t’en souviens ? Ils étaient te voir lors leur visite à Paris, il y a deux ans.

Oui, je m’en souviens.

Je n’ajoute pas qu’ils ne m’ont pas invité à la noce. Lors de leur visite, je leur ai montré la Butte Montmartre, réservé un hôtel et invité pour un bon dîner toute leur famille, les parents et les deux filles. Je n’en pense moins.

Biens, je réponds à ma fille, je n’arriverai pas le dix.

Le onze, nous fêterons l’anniversaire d’Henry et le 18 je recommence travailler, précise Agnès, ajoutant rapidement : si tu ne peux pas être ici, je pourrais demander aux voisins de s’occuper des enfants et aussi à Don…

Mais je serai là, bien sûr.

Don, c’est possible qu’il parte travailler pour deux semaines à Alabama. Ça ne te dérange pas…

Non.

Elle le sait bien, j’aime être avec elle et mes petits-enfants, juste avec eux.

Tu pourrais rester encore quelques jours, les photographier lors le premier jour de départ à l’école.

Henry va à la maternelle, Tom, a eu six ans en juin ira à l’école pour la première fois. Alex, huit ans est déjà un ‘vétéran’. Ils me manquent, je pense souvent à eux. Récemment, j’avais envoyé des notes que j’avais faites lors une autre visite, il y a cinq ans. « Pourquoi » demandait alors Alex à tout bout de champs. Henry venait juste de naître. Comme ils grandissent vite ! Surtout, quand un océan nous sépare et je ne les vois qu’une fois par an. Moi en France, eux sur la côte Est de l’Amérique.

Bien, j’y serai, j’ai répété, et, en pensé, j’y étais déjà.

À peine ai-je fermé le téléphone, je me suis rappelé l’année dernière et la difficulté d’avoir trouvé un billet pendant l’été à la dernière minute, pour les dates exactes convenant à Agnès. L’année dernière elle avait eu un cours d’été à l’Université, nécessaire pour obtenir et maintenir son enseignement à l’école d’état.

Près de téléphone, mon ordinateur était ouvert, j’écrivais avant qu’elle m’appelle.

Et si j’essayerais d’acheter mon billet à travers l’Internet ? Je l’avais bien fait ce printemps lors mon départ en Hollande, j’avais reçu à temps le billet de train et l’entrée à l’expo Van Gogh par la poste.

Je tape « United » dans la ligne et rien. Je la trouve finalement à travers un moteur de recherche, Yahoo, j’aurais dû taper UA: United Airlines. Bien. Je le range entre mes « Favoris » pour pouvoir y revenir une autre fois rapidement et je me déconnecte. J’ai besoin de réfléchir d’abord, avant d’y mettre la date de départ et arrivé souhaité.

Je partirai le 9 août et arriverai le 9, ainsi le lendemain, jour de noces, je dormirai, me reposerai. Pour l’anniversaire de mon petit-fils, je serai ainsi toute reposée. Mais pour rentrer? Quand?

Surtout pas à la fin du mois d'août avec ses grèves habituelles. Mais alors, ceci veut dire plus de deux semaines. Tant mieux. Autant profiter de mon nouvel état de divorcée, personne ne m’attend plus avec impatience à revenir.

Deux semaines chez ma fille. Et après ?

Toute l’Amérique était devant moi. Colorado ? Les montagnes et rochers merveilleux dont j’avais lu dans un des derniers romans lus? Un billet d’avion supplémentaire, plusieurs nuits de l’hôtel, la location d’une voiture, le tout pèseront ensemble lourd sur mon budget, surtout après la dernière facture d’électricité qui vient de tomber: toute une année à payer à la fois. Comment ont-ils pu oublier me demander à payer tout ce temps? Comment ai-je pu la négliger? Bon. Alors?

Je me rappelle du film et un hôtel - café au milieu de nul part, loin de tout. Il y a une Amérique à découvrir pour toute bourse. En autobus ! À l’aventure. Non planifié. À moi l’Amérique! Je verrai sur place.

C’est décidé. Je resterai quelques jours après le Labor Day, férié, le premier lundi du septembre, quelques jours de nombreux soldes et la parution de nouveaux livres le suivent.

Je me connecte.

Je retrouve cette fois directement United Airlines, je mets les dates et mes préférences. Je choisis mes sièges entre ceux restant, pas trop nombreux. J’entre le numéro de ma carte de crédit. Avertissement: il sera débité aussitôt, non remboursable. Aie! Le prix est hélas élevé, l’été est la haute saison. En novembre ou en juin aurait coûté moitié prix. Mais on a besoin de moi en août.

Autre avertissement : On ne vous enverra pas de billet, seulement l’e‑ticket. Bon. Mais qu’est-ce que c’est un e-ticket? J’attends qu’ils me l’envoient.

Le lendemain, je reçois un e-mail (lettre par l’Internet), confirmant les dates et les places que j’avais demandées. J’enregistre et imprime la confirmation pour qu’il soit disponible et que je puisse l’annoncer à ma fille la prochaine fois qu’elle m’appelle.

J’attends mon ‘e-ticket’.

Une semaine plus tard, toujours rien. J’écris une lettre à United pour demander quand j’aurai mon billet (e-ticket). Après quelques jours, la réponse arrive: Vous avez seulement un e‑ticket.

D’accord. Mais où est ce billet électronique ?

Je cherche, je retrouve ma réservation. Toujours rien d’autre.

J’imprime encore une fois leur lettre. Devrais-je aller à l’aéroport Charles de Gaule pour les contacter, leur demander?

Quelques jours avant mon départ, je deviens de plus en plus inquiète. Heureusement, je dois accueillir à l’aéroport la dame que j’ai invité pour habiter chez moi à mon absence, une enseignante d’Annapolis, lieu de l’Académie Militaire Naval des États-Unis. Elle arrosera les fleurs et nourrira le chat en même temps.

J’arrive une heure d’avance à l’aéroport, fonce à United et demande : que faire pour obtenir mon billet ? Elle regarde mon papier imprimé et la lettre de confirmation et me dit :

C’est ça, votre billet.

Ça ?

Oui. Vous n’avez pas besoin d’autre chose. Juste de votre passeport confirmant le même nom.

Ça, mon billet ?

J’avais changé la police du texte de Courrier à Times pour mieux lire et même agrandi les lettres. J’ai éliminé les lignes vides. ‘Ça’, suffit? J’ai peine à le croire.

Le jour de départ arrive, je suis toujours mal à l’aise. Vont-ils vraiment me laisser embarquer juste en leur montrant ce bout de papier imprimé par moi ?

Entre-temps, j’ai reçu la confirmation de mon divorce et le changement de nom, mais j’ai mis à plus tard le changement de passeport à cause de 'ça'. Sur ce papier, c’est encore mon nom marié.

J’arrive au comptoir. Pas de problème. Il tapote sur l’ordinateur, pèse mes bagages et me donne une carte d’embarquement. Je reste toujours étonnée quoique soulagée.

C’est seulement au retour que j’ai compris : mon billet n’était pas ce bout de papier froissé, imprimé, modifié par moi, mon laisser passer était en fait dans leur ordinateur.