Qui les bons, qui les méchants ?

Pendant la stage d’animateurs à Évry, j’ai entendu parler de L’université d’été de Réseaux de Savoirs en Juillet et je me suis inscrite. Il a commencé lundi.

Public divers. Enseignantes, femmes âgées, enfants.

Olfa, la langue ouverte, franche, avait dix ans probablement, elle intervenait souvent et osait dire ce que nous autres, les pensions seulement. Elle a lu mon journal, écrit de 10 à 14 ans, presque d'un jour à l'autre. « C’est le meilleur journal que j’ai jamais lu! mais dis–moi, qui étaient les bons, qui étaient les méchants? Tu vois, tu parles des Hongrois qui ne défendaient plus, des Allemands qui luttaient et puis des Russes qui n’étaient pas loin, tirant des obus sur votre maison. C’est pas claire, avec qui tu étais? Qui étaient les bons? Qui étaient les mauvais? »

Oui, je n’ai pas tout écrit dans mon journal d'enfant, et tout n’est pas si claire et net. Je n’ai pas pu lui raconter simplement. Je vais essayer d'expliquer ici.


Au début de 1945, Budapest, capitale de Hongrie, était assiégé par les russes et défendu par les allemands. Mes parents et moi, nous attendions avec l’impatience l’arrivé des Russes, notre délivrance de fascisme. Le gouvernement allemand avait mis ses marionnettes au pouvoir en Hongrie, mais l’armée commençait à déserter, voulant faire la paix. Nous ne voulions que tous les ponts soient détruits, que la ville tombe et soit détruite maison par maison. Un Français, évadé de camps de prisonniers, se cachait parmi nous, lui aussi voulait que ça finisse vite.

Nous n’aimions pas non plus les obus russes, nous voulions pouvoir sortir de la cave, manger, boire. Il n’y avait que la neige fondue, mais la ramasser dans le jardin, on risquait de mourir. Nos réserves s’épuisaient de jour en jour. Notre maison a été touchée par plusieurs obus.
Les Russes sont arrivés, six semaines plus tard. Mon père et le Français les ont accueillis avec joie et champagne caché, mis à côté pour l’occasion.

Ils ont trinqué, puis dit :

- Donnez vos montres.
- Avec plaisir.

Mais ensuite, ils réclamèrent les femmes. Je n’avais que dix ans, mais j’ai compris qu’elles se cachaient ensuite, s’enlaidissant avec charbon. Non, elle est trop jeune que je lui raconte l’histoire. Ils faillirent tuer le Français comme espion, mon père pu alerter l’Ambassade Français, ils sont venus à temps. Ils arrivèrent presque toutes les nuits « contrôler », voler, et un jour, ils ont dit : « demain, tu viendras aider à la cuisine » à ma femme qui n’eut pas le temps au milieu de nuit s’enlaidir. Le lendemain, nous avons pris tout que nous pouvions et passé la Danube sur la glace. Il ne restait plus aucun pont.

Retour, quelques jours plus tard, « chez nous » à Kolozsvàr, d’où la guerre nous a obligé de s’enfuire. «Où sont les autres?» Réponse: La famille a été emportée dans train de bétail. «Où est ma cousine, mon compagnon de classe, de jeu?» Hélas, je n'ai jamais su, seulement pu deviner que lui était arrivé à Auschwitz.

Qui étaient mes méchants ?

Qui étaient les bons ?

La question ne se posait plus pour moi dorénavant. Les Russes nous ont libéré, les Allemands ont tué ma cousine, mes grands parents et tant d’autres. Je veux la paix. Luttons pour la paix. Les communistes veulent la bonheur du monde, la paix.

Lentement, je me suis réveillé de cette rêve aussi. Ce sera trop long de le raconter maintenant. Je me suis réveillé dans un pays de plus en plus tyrannique et je suis arrivé enfin en France, pays de la liberté. Et même ici, quand en 1968 les ouvriers de la fabrique mécanique sont venus en masse devant notre usine nous dire que si nous faisions pas grève, ils brûleront notre usine, où était « notre liberté » et m’a rappelé trop de choses vécus ailleurs.

François a joué l’orgue pendant la messe, j’allais l’écouter. Depuis un temps, je n’y vais plus. Tout n’est pas paradis ici, mais tellement mieux ! Aux Réseaux d’échanges réciproques de savoirs, nous ‘faisons la société’ en nous entre aidant. Construisons, sans détruire. Inclure, sans exclure.

Méchants sont ce qui veulent dominer, imposer, avoir toujours raison! Disent qu’il n’y a qu’une seule vérité. Une seule culture, une seule partie, une seule façon de faire. Bons, sont tous ouverts acceptant des opinions des autres, différentes cultures et habitudes, cherchant ce qui est bon et intéressant en autres.

C’est cette dernière paragraphe qui est ma réponse à Olfa. Elle est née en France, ces parents d’origine Marocains. Elle aussi, a une histoire à raconter, sûrement. Elle est courageuse, ne voudrait pas porter le voile. Nous acceptons et aimons aussi Falah, qui la porte (et elle aussi, ira habiter loin de sa belle mère qui veut lui imposer ses volontés, la diriger).

« Chacun doit décider pour soi ! »

Ne pas juger l’autre, différent, est difficile, même moi je me suis surpris quelquefois. Nous nous approchons, parlons, comprenons mieux.

François est bon pour moi, il me laisse être moi-même, il m’aime telle que je suis. L’acceptation l’un de l’autre, nous a rendu plus souriants.

Au début, nous avons admis l’autre. Puis, nous avons voulu le changer. Ensuite, nous l’avons accepté. Enfin, nous nous sommes rendu compte que les différences de l’autre nous enrichi. Nous avons un peu changé. Être accepté, aimé, apprécié, modifie quelqu’un. Nous nous sommes énormément rapprochés.


François vient me dire :
« Attention ! Les bons, les méchants ? »
Il a raison.
De temps en temps j’oublie, ne pas généraliser.

Tous les Allemands, tous les Russes n’étaient méchants, ni bons. Les syndicalistes en 1968 et encore plus il y a deux ans, m’ont heurté, mais d’autres que j’enseignais sont sincères et de bonne foie. Je voudrais construire, sans démolir. Falah, m’a raconté de son pays et j’ai compris qu’aucune culture n’est pas tout à fait bonne ou mauvaise. C’est quand même mieux d’être libre.

Libre de décider pour soi, sans écraser l’autre.

Libre d’aimer, chanter, dire non, découvrir l’autre. Jouer de l’orgue, Bach ou Grégorien, de piano, Beatles ou List, écrire journal ou histoire courtes. S’exprimer. C’est dur ne pas juger, mais je commence à apprendre, mieux comprendre.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Il y a malheureusement des bons et des gentils ... dans chaque pays, et à chaque époque !!!
On le voit encore bien aujourd'hui !
Et chacun est aussi "bon" et "méchant" ...à de moindre degré.

Si le monde était aussi simple que ce partage, cela se saurait !

Mais tu dis qu'il y a du bon dans chaque nation, dans chauque pays, et cela c'est vrai !
Il faudrait prendre le bonde partout .... et pouvoir en faire quelque chose de vraiment bien.
Ce serait cela, vraiment avancer ;-)

Je reprends petit à petit mes lectures, Julie ;-)
Ca me manquait !!!!

Sophos