L’orgue des Couperin

Chaumont en Brie, une petite ville, une collège, une bonne pâtisserie boulangerie. En face, la maison où habite la sacristine qui s’occupe de l’église.

L’église Sait Pierre, c’est l’église des Couperin, l’orgue de Couperin. De père en fils, d’oncle à neveux, à travers siècles, ceux de la famille Couperin jouèrent de l’orgue ici, mais laissèrent aussi des œuvres que François admirait, jouait depuis longtemps. Des orgues de 18e, petit mais vraie : à gauche et à droit cinq grands tuyaux, au milieu trente, cachés derrières, les petits. Vraie, mais un peu fatiguée. Construite fort longtemps. L’église de XIIe refaite pendant Napoléon III, lumineux, chaude comme le son de son orgue. Acoustique merveilleux, partout. Environ 500 places, mais de n’importe où on entend bien.

Le son clair coule, François joue. Que c’est merveilleux !

Les vitres aussi sont harmonieuses, des couleurs pures, dures, pourpre, bleu france, marron en face, jaune vert orangé à droite, vert marron beige à gauche. Lumière. Le soleil entre par la fenêtre d’en haut, colore en rose bleu orange le papier de mon cahier.

Derrière moi, au-dessus de l’orgue, sur le mur une ange qui pleure. L’autre côté, une ange qui rit. Il ne faut pas être trop gros pour monter vers l’orgue, mais l’escalier en escargot et solide. L’orgue a dix jeux, deux claviers jaunis d’usage et âge et un pédalier récent, dit François. Les anciens étaient petits, plus minces.

Au début, me dit François, on jouait l’orgue au salon. Ce n’était pas religieux, pas forcément. François joue de tout, mais bien sûr, quand l’acoustique de l’église est merveilleuse, comme ici… Le son est différent, l’église vide, fermée la plupart de temps.

Je suis monté à l’oratoire, il y a une petite table pour écrire. Je redescends, le son est encore plus ample d’en bas. Il y a six ans, près de Cambridge, François était entré dans une petite église anglaise et la première fois a joué d’orgue devant moi, je m’y vois encore comme si j’étais. Et les deux femmes venues fleurir partout pendant qu’il jouait, le soleil illuminait les fleurs, François remplissait l’église de sa musique, j’étais heureuse. Nous étions heureux.

Aujourd’hui, François joue beaucoup mieux, il a fait d’énormes progrès depuis que nous avons une orgue / piano / clavecin électronique à la maison et depuis qu’il a commencé à jouer aux messes. Bientôt, sa carrière de prof universitaire s’éloignera de lui de plus en plus et probablement il reviendra vers ses plaisirs de jeunesse : l’orgue, les chœurs. Comme moi, après la chimie et la micro informatique, je reviens à l’écriture.

Oui, nous ne sommes pas « vieux », nous devenons de plus en plus « jeunes ». Comme Sénèque disait il y a deux mille ans, débarrassé de soucis de carrière, nous osons davantage, faire, dire. Créer.

Il est midi. Nous sommes ici depuis dix heures et demie. François me demande de haut:

- Quelle Couperin aime-tu le mieux? Louis, pour lequel l’orgue a été fait? Son fils, son petit-fils ? J’ai joué une, après l’autre, tous.

- J’aime mieux le fils, sa musique est plus légère, presque aérienne, plus profonde aussi.

Maintenant cela ressemble à la clarinette accompagné par trombone et clavecin. C’est cela l’orgue. Il permet d’en faire tout une orchestre, toute seule. C’est pour cela des divers « jeux », qu’on tire ou pousse, les deux claviers et pédalier à un ou à deux octaves. Que cela peut être belle!

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