Nous n'espérions plus être

Les trous et les silences, les demi mots, les non-écrits sont aussi importants que ce qu’on a mis noir sur blanc. Ils cachent et dévoilent l’inconnu, ou alors le connu qu’on ne peut pas écrire à un moment donné. Soit parce qu’on ne se rend pas compte encore consciemment, soi parce qu’on ne veut pas y penser, pas envie de l’éclaircir, ou alors parce qu’il nous fait trop de chagrin. Quelquefois par pudeur, autrefois par peur. Pudeur envers soi, peur de celui qui le lira, l’interprétera, le jugera, le déformera, en profitera.

Je n’ai pas « tout écrit » dans mon journal. Peut-on décrire le chagrin profond ? Il y a qui peuvent. Je n’en été jamais capable. Ni la joie, bonheur intense. Juste un petit mention ici ou là. « Quelle journée! » ou « Comment peut-il me faire ça! » Derrière eux, se cachent des histoires entières.


Une grande, grande plus, que tu me rends le moral à chaque fois que je le perds, dit François. Et lui aussi me réchauffe le coeur.

Les platanes sur notre route de Celles vers Chaumes se sont de plus en plus déshabillés, ils nous enchantent avec leurs troncs blancs élancés, nus. Ils s’enlacent presque.

J’ai rêvé à douze ans d’une allée bordée couvert des arbres se rejoignant en haut, s’inclinant les uns vers les autres et moi main à main avec le jeune prince qui me sauvait d’une maison en feu et des foules déchaînés.

Cinquante ans plus tard, je passe souvent avec mon mari, prince, copain, amoureux, à travers une allée de platanes se rejoignant en haut. J’ai lui ai raconté mon rêve et pris sa main dans la voiture que je conduis vers la messe. Si j’oublie, il se rappelle et met sa main sur la mienne, me le serre, me sourit. Me signale : «Oui, je suis là. Nous sommes ensemble comme dans ton rêve, tes désirs.» Ensemble, comme pendant de longues années nous n’espérions plus être, ni l’un, ni l’autre.

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