Il faut qu’on nous pousse

Il faut qu'on nous pousse.

Nous nous sommes habitués à une maison, un logement, une ville, un pays. Une personne. Nous nous sommes habitués à un travail, un environnement, un lieu d’activité, un certain type d’activité.

Pourquoi changer ce que l’on connaît ?

Peut-être ce n’est pas idéale de tous les points de vues, mais est-ce le serait ailleurs, autrement? L’inconnu attire rarement et surtout, plutôt pour quelques jours. Ensuite, nous allons revenir! ce qui nous arrive, rarement, dans le cas d’une maison de campagne ou un ami(e) aimé.

Puis, le tuile tombe sur notre tête, quelqu’un nous pousse ou le sort nous oblige de sauter du plancher souvent branlant mais connu, souvent la tête en bas, déséquilibré dans le vide. Où allons-nous atterrir? Que deviendra de nous?

Les minutes jusqu’à on arrive dans l’eau gelée ou tiède, les semaines voire mois de transition sont durs à supporter. Tout cela pour dire que je m’y trouve.

Momentanément, j’ai trouvé une alcôve où je suis encore pour une semaine, une belle visite chez ma meilleure amie chez qui je n’étais pas depuis trente ans, dans le pays où j’avais vécu 26 ans, il y a longtemps. Ici, c’est reposant même en sachant que bientôt je devrais reprendre le saut périlleux et faire plein des décisions rapidement, les uns après les autres, pour mieux atterrir.

Je suis assez contente des lettres que je viens d’écrire. Mine de rien, j’ai dit ce qu’était important d’exprimer.

Humiliée, j’étais humiliée.

Ce mot ne m’est spécialement familier et avant je n’en étais pas conscient.

Tomber en pâmoison devant des fillettes, tomber éperdu en admiration devant Mireille, devenir passionné voire accro d’une femme à travers le Web, inviter une autre femme au dîner à chandelles et laisser même l’encense et verres sur la table, trop et trop.

Me traiter comme un moins que rien devant d’autres retraités, devant d’autres personnes dans le train, au restaurant, devant famille et amis et en privé, faire de crises de colère une après l’autre à n’importe quelle remarque essayant le tempérer, me traiter de 'mère juive abusive' et de plein d’autres noms. Bon, fini! J’ai sauté, je viens de sauter définitivement.

Il m’a poussée, poussée, poussée.

Un jour, une fois de trop.

J’ai sauté, de moi-même, pour me sauver la vie, ce qu’il en reste, les années qui me sont encore allouées. Pouvoir créer, regagner ma dignité d’antan.

J’ai entré dans la zone de transition tête en bas au moment que j’ai eu dans la main la lettre de propriétaire de l’appartement me signalant que si je ne l’achète pas, réponse en deux mois, je devrais quitter les lieux en six mois. Je sentis alors qu’une période de ma vie venait de s’achever.

Je ne voulais pas changer ma vie! je me suis accroché à la rampe.

Je vis dans ces lieus depuis vingt ans, je les aime, je veux y rester! Nous pourrions, peut-être, l’acheter, moitié, moitié, trouver un moyen d’y rester. Discutons! ! Trouvons une solution.

Tu tiens à ce petit logement, c’est du sentimentalisme ! fut sa réponse.

J’ai commencé alors le haïr.

Il voulait plus d’espace, plus de séparation, un lieu à lui, personnelle mais mélangé à ses grands projets professionnels. À côté de cela, mes sentiments, son ancien plaisir d’y habiter depuis treize ans, n’étaient que risibles, moquable, inconséquents.

Bon. Je me suis résignée de louer ailleurs, plus grand.

Il n’y a plus de logement à louer en Paris ! affirma-t-il alors.

Il voulait acheter, chère, quelque chose convenant à ses projets de «recevoir qui il voudrait

L’avais-je jamais empêché à recevoir ?

Il n’a presque invité personne, mais non pas à cause de moi, il avait honte de son propre désordre. Sauf le dernier mois, quand…

Tu ne veux pas acheter ceci parce que j’aurais une entrée séparée, une pièce seulement à moi, la musique et recevoir.

– Loue un studio pour la musique, ne mixe pas ton activité professionnelle avec le lieu où nous habiterons.

De nouveau, il poussa, poussa, poussa, accusa, accusa, accusa.

En regardant en arrière, consciemment ou inconsciemment, c’est lui qui voulut vivre et agir seul, pas moi. Au début, au moins. Jusqu’à ce qu’il n’ait pas poussé une fois de trop.

***

Je suis à la montagne encore deux jours. Bientôt nous allons nous promener. L’odeur de sapin me renforcera pour les épreuves de séparation physiques, les tris des affaires, l’abandon de beaucoup de choses qui étaient avant.

Déjà, j’ai un trou, un 'chez moi', avec un bon lit, une bonne table de travail et du silence autour. Si je retournais à mon ancien logement quitté récemment sous accusations, je n’aurais plus ces sentiments d’énorme regret qu’avant le moment de le céder. Ce n’est plus tout à fait 'chez moi'.

C’est déjà ça de gagné.

Il ne peut plus que me vexer, mais non me blesser profondément. Il m’appelle déjà lui même «ex» et «ma chère euh, euh, quoi» Il s’est éloigné de moi encore plus loin que le logement.

Je me préoccupe un peu des folies qu’il fait, mais je ne suis plus « sa mère juive » pour m’en soucier sérieusement et sûrement pas pour l’en tirer.

J’espère que notre séparation lui sera bénéfique à la longue à lui aussi. Chacun sera responsable pour soi et ses actes. Je vais sincèrement me réjouir s’il trouve son équilibre, une activité, des amis voire amies, autant qu’il en désire et peut. J’essaierais faire la même.

Mes amies, je les ai, les ai conservées à travers pays et années. Mes enfants m’aiment aussi et les petits disent «mamie Julie, t’es gentille!». Je suis déséquilibrée, mais j’aime écrire, j’ai que faire, je tomberai bientôt sur mes pieds (et pas sur ma tête sur le cément).

Ils restent d’autres aspects à illuminer, sentiments à exprimer.

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