27 juillet 99
Pendant que se déroulait le mini drame entre François et moi, un vrai drame se déployait autour de moi et je n’en savais rien.
Agnès ne va plus avoir en février un bébé, l’embryon est mort, son cœur ne bat plus.
Elle a teinté ses cheveux d’un peu auburn brillant hier après-midi, je l’ai vu danser en souriant devant ses garçons. Je me disais ‘tout va mieux’, mais en fait, elle a décidé de le ‘laisser sortir naturellement’ au lieu de faire un curetage pour le nettoyer. Le docteur a dramatisé le choix ‘anesthésie, longue opération, deux jours d’hôpital’ ou ‘laisser faire la nature’.
Non merci, j’ai appris, il y a trente-cinq ans à mes dépenses ce que cela veut dire ‘laisser faire la nature’, qu’est ce que cela cache d’hypocrisie médicale. J’ai failli mourir, le sang ne s’arrêtait plus. Et finalement, ils ont dû le faire le curetage, nettoyer longtemps après que douloureusement des bouts sont déjà sortis, il y a longtemps. Et ils hésitaient encore…
Comment expliquer à ma propre fille que ce docteur est rétrograde et la religion, la culture juif met la vie de la femme avant celle d’un embryon mort ou vif.
Au moins, elle ne court plus le danger d’avoir un enfant anormal. Comment son mari a pu me dire (et il le croit) «Mieux aurait valu un enfant handicapé qu’un mort». Embryon mort! Enfant prenant tout le temps des autres, bouffant celle de sa mère aussi?
Ce n’était (qu’inconsciemment) parce qu’elle ne voulait plus d’enfant de tout de façon, un quatrième et cinquième comme son mari le voudrait. En général, un stérilet défend bien. En fait, on aurait du la nettoyer dès le début non pas ‘laisser faire la nature.’
Je suis inquiète pour elle, même si j’espère, comme son mari aussi, que ce répit, ce temps, lui permettra se refaire, maigrir, s’arranger mieux au travail, etc. Mais avant, il faut qu’elle soit nettoyée ! Passer le temps difficile d’ici-là, puis apprendre un autre moyen à se défendre, ayant probablement perdu la confiance dans celui-ci.
François d’un coup est très avec moi et il m’a affirmé que le docteur d’Agnès doit faire partie d’un vieux moral. «Tout est nouveau, nouvelles moyennes», disait hier Don. Mais morales anciennes, de civilisation loin du nôtre, hélas, souvent prédomine encore dans ce nouveau monde.
«On ne dévoile pas ici ce qui est intime», disait Don encore hier soir. Ils le savaient, sans être cent pour cent sures, depuis plus d’une semaine. «Ma sœur ne m’aurait jamais dit, ajouta-t-il». Sa famille pèse encore trop sur lui et surtout, trop sur Agnès.
Que faire ?
J’essayerai parler encore à Agnès, aujourd’hui ou demain si je résiste autant, mais je dois trouver le bon moment. Puis, que sera, sera. M’inquiéter, ne pas dormir, ne penser qu’à ça, ne va pas l’aider, au contraire.
Je ne reviendrai donc ici en février
‘Mais tu viens quand tu as envie, Maman.’
Mais pas l’été, quand Don est libre, davantage. On verra. L’important maintenant est de passer le cap.
P.S. Stéphanie dit qu’il n’y a rien à faire. J’ai appelé quand même Dina, qui est restée encore la seule amie d’Agnès. Elle est de même avis que moi et essaiera de la convaincre. Si quelqu’un peut, c’est elle.
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