30 janvier 2003

Il y a logement dégueulasse et il y a pire. Aujourd’hui, j’ai vu le pire. La maison de Maurice, fils de Mme Filipetto. Trois chiens, trois chats et un ivrogne y habitaient.

Les chiens, la sœur de ma voisine, les a déjà donné au refuge, les chats dehors de la maison depuis cette après-midi. La maison n’a que fort peu de lumière. Le sol est sale (crottes?), les pièces puent, aliments moisis, une bouteille sur la table. Une déchéance presque pire que celui d’un clochard sans toit.

Je ne suis pas resté longtemps à l’intérieur, il puait trop, j'ai attendu surtout dans ma voiture, une heure entière. J’ai attrapé froid. L’après-midi, j’ai senti d’abord mes pieds gelés, puis fatigue, puis la gorge qui raclait. J’espère m’en sortir avec une aspirine et thé avec miel.

Devenue héritière futur, j’ai vu la sœur de ma voisine transformée, tremblant pour les sous de sa sœur et l'accusant tous de vouloir la voler. Elle en est devenue laide.

***

J’ai eu aussi une grande joie : j’ai reçu ce matin quelques photos de mes ancêtres par e-mail de Roumanie.

  • Paula jeune, élégante et insouciante
  • Son mari, un peu plus tard, avant de mourir
  • Leurs cinq enfants et leurs femmes avec elle devant sa maison de Gherla.
  • Puis une photo que je connaissais déjà, en 1932 dans le jardin en haut de Cluj, Sidonie avec ses trois enfants et leurs conjoints, et Paula toujours élégante et fière, mais déjà aveugle. Qu’ils étaient beaux ! Ma tante Anci regardant Alexandre avec admiration, Boris regardait oncle Laci avec reproches, maman et papa pleins de bonheur.

C’était deux ans avant ma naissance.

Les réunions de famille avaient continué ensuite avec les enfants, apparaissant chaque année. Suzanne, à la fin de 1932, moi en 1934, Pierre en 1936, Mariette en 1938, Thomas en 1942. Ensuite, oncle Alexandre emporté et mort. Maman trompé. Le reste, six mois au camp de concentration de Bergen-Belsen.

Grand-père, jamais ressorti après le crash de 1933, quand il s’est ruiné pour ses ouvriers. Que cela ait dû être dur pour lui de travailler par la suite pour son propre fils! Ensuite, vivre de charité. Mourir, deux mois après sa fille, ma mère.

Les photos m’ont ravie et fendue le cœur en même temps. Le temps de la jeunesse passe et les temps de bonheur aussi, trop vite. Puis, c’est le tour des autres.

Au moins, ils ont eu aussi ces instants de bonheur qui rayonne de leurs visages.

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