28 janvier 2003

Hier nous avons eu un faux printemps : 15° et beau soleil. Je me suis promené un peu.

Ce matin j’étais chez Slavia, elle m’a traduit les textes allemands du journal de maman en un quart de tour et m’a prêté la sienne, écrit pour ses deux enfants.

À qui maman écrivait-elle ?

Était-ce pour une autre partie de soi? Pour moi ou ses arrière-petits-enfants futurs? J’espère qu’ils le liront, un jour.

Le soir, je suis allée garder les deux petits anges, ils étaient très bons ce soir et après la vidéo, banane et biberon, ils se sont laissé mettre en pyjamas et se sont couchés sans problèmes.

J’arrive chez moi à dix heures du soir et quelques minutes plus tard Mme Filipetto frappe à la fenêtre. Cette après-midi son fils est décédé.

Elle vient de partir de chez moi, il est onze heures et quart. Hélas, j’avais pressenti en le voyant la dernière fois qu’il partira avant elle. Il avait un diabète, mais il est mort de pleurésie. De négligence, boisson, un seul petit chauffage pour toute la maison, près de son pied, il le déplaçait avec lui avant aller se coucher. Il avait d’argent dans son compte d’épargne, vient me raconter sa mère, mais ne voulait pas s’acheter un chauffage à mazout, plus chaud, qu’elle lui avait pourtant proposé lui payer.

Outre sa mère, il laisse après lui six orphelins : trois chiens et trois chats. Un des trois chiens a accouché hier chez Mme Filipetto, heureusement, sa sœur était en visite est s’en est occupée.

« On m’a téléphoné qu’il était très mal », dit Mme Filipetto encore et encore, «et quand je suis arrivée» et elle fait un geste de caresse avec sa main, «Il était encore chaud. Que deviendrais-je maintenant?» Son fils ne s’occupait plus de sa mère depuis des années, «mais c’était quand même mon fils.»

Elle est partie d’ici quand même un peu apaisée.

Elle doit s’occuper demain, sa sœur de 12 à 15 ans plus jeune viendra l’aider, et les Laurent, voisins d’en face se sont aussi offerts les transporter vers l’hôpital.

Je m’offris à l’aider, au besoin. «Je vous payerai» dit-elle, «je vous payerai» répète-t-elle. Elle n’arrive pas à comprendre que je ne le voudrais pas.

Demain, Lionel aura 39 ans et entrera dans son quarantième et mon petit fils viendra passer la matinée chez moi. Aujourd’hui, il voulait déjà venir avec moi, à la place de se coucher chez lui.

Les nuages. Je me suis rendu compte hier en sortant et aujourd’hui admirant les nuages de la terrasse du 7e de Slavia, puis sortant de jardin ceux gris de soir, que je ne vois presque pas le ciel de ma maison. «On ne peut pas tout avoir,» dit Slavia à mon observation. C’est vrai. Je préfère le sourire de mes petits-enfants. Beaucoup, beaucoup plus importants que les nuages.

Succès en vie ou succès personnelle, j’ai entendu au radio. On peut avoir succès professionnel ou réussir sa vie. J’ai réussi ma vie. J’ai eu assez des succès au travail, relatif à mon ambition où le plaisir de l’action était la plus important, et ma famille longtemps (ou toujours), primait avant le reste.

J’espère que ma voisine ne s’effondrera pas tout à fait avec la disparition de son fils, depuis longtemps malade et, hélas ivrogne.

Elle m’a raconté l’enterrement de sa mère. Son propre pleurésie et six mois d’hôpital à 42 ans. Un mois plus tard, «le total» (enlèvement d’utérus et des ovaires) et, une année plus tard, son bon mari meurt d’une tumeur à l’intestin. Tout ça il y a 50 ans.

Avoir avec qui parler, lui a fait de bien.

«Venez me voir de temps en temps pour dix minutes, je vous payerais». Je ne lui dis pas que cela me vexe, mais j’essayerai la visiter chaque jour, même court.

Finalement, j’ai accepté le petit couvre table roumain que Sandou lui a offert il y a quinze ans et elle n’a jamais utilisé. Non que j’en aurais besoin, mais pour qu’elle se sent mieux. Elle m’aurait ‘payée’.

Non, tout ce que je voudrais, qu’un jour, me sentant seule, quelqu’un me parle un peu. Quand j’avais pleine de chagrin, un jour, une inconnue dans le métro m’avait dit quelques mots extraordinaires: je suis déjà payée!

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