Paris, fin août 2001(je note)

« Tu t’es permis de revenir à la maison plus tôt. Tu m’as complètement troublé. Non ! Tais–toi ! Tu te permets de mentir, d’inventer selon tes besoins.»

Quoi ? Et c’est lui qui ment, invente. Pas moi.

Il m’agresse sans cesse. Me harcèle. Et maintenant, je ne peux revenir à la maison sans qu’il me le reproche ? Je l’ai dérangé dans son liaison « rose » sur le Web.

Impossible de l’aimer, de tenir à lui, à celui qu’il est devenu. Même mon corps se révolte contre lui, se révulse. Son contact me hérisse. Autrefois, il me faisait fondre.

Je le dérange, il ne peut plus regarder ses sites préférés ? !

Un peu de silence à respecter ! me crie-t-il, maintenant.

Mais aussitôt après, il commence à remplir le silence.

- J’avais en effet autrefois du plaisir à discuter avec toi. Tu ne parles plus que de futilités. De tes croyances. Tes croyances m’intéressent autant que celle du pape. Des âneries. Depuis quelque temps, tu parles sans rien dire.

Plus tard, il m’a fait peur me disant :
- Ta voiture a disparu. Elle n’est plus où elle était. (Heureusement ce n’était pas vrai, non plus.) Stéphanie n’a pas de docteur. Le téléphone là-bas ne marche plus du tout. Bon. Il y a des cartons dans la voiture.

Ensuite il revient à ce matin :
- Tu n’as pas pu t’empêcher de revenir avant onze heures. Pour mettre ton nez dans mes affaires. Il entend par cela, regarder sur l’écran de son ordinateur.
Puis il enchaîne parlant de sa carte Intégral qu’il a perdue.
« J’ai récupéré ma carte avec des menaces. C’était miraculeux. Quand ils se croient forts, ils écrasent les gens. Bon, alors je n’ai absolument rien à amener.
— Tu continues à écrire ? me demande-t-il tout d’un coup (en observant que je note ce qu'il dit) en ajoutant : Ce que je raconte n’est pas de la bonne littérature. Ce n’est pas de l’injure. Simplement de l’ironie. C’est comme ça que tu t’occupes pas de mes affaires ? »

Mais ça ne l’arrête pas de m’injurier et de me dire n’importe quoi.
***
Qu’est-ce que c’est encore que cette ânerie ? Cette lubie. Et quoi encore?
— Tu ne dois pas me parler ainsi, François.
Arrête de déconner. Tu décides pas !
— Toi non plus pour moi.
Et quoi encore ?
Je ne réponds plus.
C’est mes affaires. Discutailler, monter sur tes grands chevaux. Sans réalité. Une morale de siècle dernier. Qu’est-ce que tu veux me dire…

Le lendemain, il me dit :
Viens ici. La problème entre nous était que le matin tu oublies ce qu’on a fait la nuit. Ceci m’a toujours dérangé. T’étais une dame
Avant, il le disait ‘dame’ avec admiration, là, c’est sur un ton ironique.

Tu ne voulais pas en parler.
Maintenant, il prétend - d’où le sort-il ? - que je ne voulais parler de ce qu’on faisait ensemble la nuit (dans le temps).
C’est la pire forme d’hypocrisie bourgeoise. Ne pas prononcer les mots. Faire et ne pas en parler. Je l’ai respecté. Il fallait que tu oublies. Tu le niais.
— Tu mens. Ou tu as oublié.
— T’as dit : « je n’ai jamais aimé ça »
— Ce n’est pas vrai.
T’es hypocrite, Julie.
— Hypocrisie ? Moi, non. Je regrette…
Il n’y a pas que moi qui le regrette. Même l’église a dit que l’hypocrisie est le plus grand pêché, m’interrompt aussitôt François. On n’en a pas parlé, donc ça n’existe pas. Ton arrogance sur le sujet ! Tu n’as pas parlé, pas avec les mots.
— Si, François.
Tu m’as dit hier soir : « on ne couche plus ensemble. » C’était de l’hypocrisie.
— Non, je ne veux plus vivre avec toi.
J’admire ta franchise. Le retarder de trois jours c’est encore de l’hypocrisie. C’est depuis… au moins depuis que t’es revenue des États-Unis. Je ne t’ai pas posé de question pourquoi.

Il veut ensuite me pousser à parler avec mon amie en espérant qu’elle lui donnera raison :
Je l’ai dit à Stéphanie. Elle est seule, malade. Elle attend que tu l’appelles. Elle me l’a dit formellement. Précis. Décrire ce que tu attendais d’un mari.
Je préfère de ne pas lui dire ce que mon amie m’a conseillée. Je me tais.

Il continue.
Tu as une dose de pudibonderie maladive. Une incapacité à formuler ce que t’as fait. Même pas penser aux choses qu’on a faite. Des jésuites. Mes parents avaient un tas de blocages mais là-dessus non, on en parlait. Le Jésuitisme.
— Moi ?
D’où prend-il tout ça ? D’où le sort-il ?
Il divague de plus en plus !

Plus tard, le même jour :
Non, mais je remarque gentiment ton aide et ta coopération, dit monsieur ironiquement. Effectivement, tu m’a pas emmené d’ici. Cet appartement n’est plus mon logement, ça, tu auras pu me le dire. Parce que tu n’as plus besoin de moi au point de vue financier…
Quoi ? ? ?

Tu me mets dehors quand tu n’as plus besoin de moi. Comme un citron pressé. Pendant dix ans, j’ai tout payé …
— François, ce n’est pas vrai !
J’ai toujours eu une confiance totale. Je ne t’ai rien caché. Je n’ai eu aucune femme avec qui j’en avais tant. C’était une grosse erreur.
— Moi aussi…
Autrement nous n’en serions pas là. Autrement tu ne me dirais pas « fous le camp ». Sans que j’aie ébréché en quoi que ce soit les engagements que j’ai pris. Tu n’as pas été capable de dire ce que j’ai fait. En trois semaines, je t’ai demandé cinquante fois et redemandé :'Pourquoi tu ne veux plus de moi.'
Oui, il l’a demandé, au moins cinquante fois.

Au début, j’ai répondu.

Il n’a pas accepté mes réponses et il continuait me le demander. Encore et encore. Pendant des nuits ; dans la voiture ; dans le train : « Dis-moi, pourquoi, dis-moi la vérité, pas des fictions. »

Pourquoi ? Je ne répond plus, du tout.

« Que faut-il changer dans mon mode de vie ? Rien. Rien n’est possible. Ou ce couple n’a jamais existé. Faute de complicité. Je ne veux pas y croire ! » dit-il. « Moi, je ne te hais pas du tout. »
Et il continue aussitôt avec :
« Je te vois tel que t’es. Tu pousses… Ce que tu oublies c’est que tout ce que tu fais je l’enregistre automatiquement. T’es d’une infirme totale avec les gens. »

Il n’arrête pas, mais je ne peux noter que des bribes.
« Des femmes honnêtes ? Tu te prends pour qui ? Si c’est tes parents qui t’ont appris cette attitude. Un tel mépris pour les gens ! Peut-être… »
Je n’arrive plus à suivre, il parle trop vite et je n’arrive plus à noter.
« Tu n’admets pas le genre de vie du midi, quand on parle avec tous les gens pendant une heure. Ça t’emmerde. Tu n’as jamais été polie avec moi. Dans le train. Une partie des vacances. Tu n’as pas le droit de me dire… La société française fait partie de mon métier. »
Et il continue sans arrêt.

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