A Mirepoix sur Tarne

17 août 2001, Mirepoix

Combien de temps j’arriverai encore à tenir ?
Même Stéphanie chez qui nous sommes venus en visite pour deux jours est déjà fatiguée et cela, au bout de quelques heures seulement. Au moins, elle le parait. Alors moi, des jours, semaines, voir des mois…

François m’affirme ce soir :
Mireille est la femme la plus extraordinaire que j’ai rencontré.
Il ajoute presque aussitôt :
Tu es totalement stupide. T’as rien compris. Tu vis en fantasme pas en réalité. Tu vis dans un monde fictif.
Après une courte pause, il enchaîne :
Elle m’a dit d’ailleurs… (il s’agit toujours de Mireille) le monde il y a dix ou vingt ans a disparu. Totalement disparu. Je ne peux pas respecter quelqu’un qui vit en moyen âge, comme toi.
Et il parle, parle, parle.
Je ne dois pas m’accrocher.
Ni à l’appartement.
Ni au mariage.

***

Je suis sortie, hors la maison.
Le jour se lève.
Le ciel bleu est magnifique avec ses nuages roses, brillant du soleil qui se lève. Les fleurs ont pris une nuance magique. Les oiseaux chantent. Il y a tout une vie magnifique loin de cet homme devenu impossible.

Ce qui est étrange, curieux, dommage, non! plutôt fantastique, c’est que l’idée de séparation de lui ne me fait pas mal. Du tout.
Peut-être, j’aurais une certaine nostalgie de temps en temps, un certain regret que l’homme « idéal » pour moi n’existe pas. C’est peut être un mythe des romans d’amour dans lesquels, d’après lui, je vis, peut être un objectif impossible d’atteindre. Malgré cela, toutes les femmes (presque) le désirent et beaucoup d’hommes aussi.

Tans pis.

1988 à 2001 c’est déjà un long chemin et la plupart de temps c’était bien.
Ce n’est plus possible. Je dois m’éloigner de lui. C’est devenue clair.
1981 à 2001, vingt ans dans l’appartement à Paris.

Il a fallu ce coup de pouce de m’en jeter dehors, de devoir choisir, pour que certaines vérités se révèlent, deviennent claires.

François tempête contre les romans que je lis. Il faudrait les mettre à l’abri. Mais s’ils coulent, je ne coulerai pas avec eux. J’étais déjà séparé de beaucoup de choses.
***

Il me dit, pour me convaincre que nous avons besoin de l’appartement qu’il avait choisi :
« Tu veux que je vive sous les ponts ! »
Que c’est poétique ! Il a une maison de cinq pièces à Celles. Grand et fourni avec tout. Il a où aller.
« Il n’y a pas de câble là et mes amis n’y viendront pas là-bas. »
Quels amis ?
Il a ramassé, pendant les trois semaines que j’étais allée garder mes petits-fils, quelques hommes et femmes sur la rue ou les gares. Peut-être, je lui souhaite, pas aussi dangereux qu’ils pourraient l’être.
Le câble ?
Il peut se payer un satellite à condition que sa fascination morbide des sites pornographique lui passe. Sinon, une fois qu’il se ruine en eux. Je n’ai aucune obligation morale de ruiner ma vie en soutenant ses fantasmes !

Il se sent vivre. Enfin ! dit-il.
Qu’il vive sans m’enfoncer, moi.
Je ne comprends pas. Pourquoi l’idée de séparation ne me chagrine pas ?
Le rose du ciel est presque disparu. Le soleil s’est levé. Une bonne odeur de matin d’été à la campagne. Il est presque sept heures et demie le matin. Je vais voir si je peux acheter du pain un samedi matin ici.
J’aurai pu vivre bien seule dans cet appartement de Mont Cenis. Mais probablement il faudra partir et tout bouleverser. Je croyais pouvoir avoir une confiance aveugle, une confiance complète en mon mari. Il a raison : c’est dangereux de croire. Il aurait fallu me méfier de lui. Je crois encore en beaucoup de choses dans la vie. Mon fils. Stéphanie. Alina. Les gosses. Et Agnès me veut aussi que du bien et m’aime.

Changer, va me pousser d’agir.
Écrire de nouveau. Me remuer. Maigrir peut être. Vivre davantage le temps qui me reste encore.

Vers midi
Tout le monde a le droit d’assouvir ses plaisirs.
Voir des lieux, visiter des places intéressantes, bavarder avec des gens rencontrés, raconter sa vie, ses préoccupations.
Ce qu’il n’a plus le droit est en ce faisant marcher sur les droits d’autrui.

Fatiguée, épuisée ? on n’en tient pas compte. Ennuyée ? Comment ose-t-elle en être d’une sujet si intéressant, dit-il.

Il est toujours à l’intérieur de l’expo. Il parle, il parle. Je suis dans la voiture, épuisée à l’attendre.
Et j’ai encore 43 km à conduire, le conduire.

Avec son travail, c’est la même chose. Il veut un atelier professionnel dans son logement, mon logement. Câble et bruit d’un orgue et de la place à étaler ses papiers, dossiers, magazines, livres, produits. Un lieu pour rencontrer : qui ?

« Mais je n’ai pas le droit à un studio professionnel » dit-il. Je dois savoir quoi, jusqu’au 15 octobre, pour mon travail professionnel ».

Et moi, qui le croyais à la retraite jusque maintenant.

Il a reconnu qu’il se sentait souvent mieux, quand je partais de l’appartement. « Mais il serait mieux de dormir ensemble et non pas seulement se rencontrer pour rendez–vous. »
Il y a réfléchi plus que moi sur notre séparation !

Éloignement ? Séparation ? Divorce ?
Quelque chose s’impose.

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