De plus en plus enragé

« T’as explosé sur l’extension de la bi-sextualité chez les femmes et aussi sur l’échangisme. C’était la problème avec Toinette. Pas avec Michelle, elle m’aurait aidé si j’avais eu besoin professionnellement. Elle l’a fait. Tous les clubs des universités étaient échangistes. Autour de 68, la monogamie était complètement exclue. C’est un état de fait. »

Il délire de plus en plus et il veut que je le crois. Il insiste.

« Quand tu monte sur tes grands chevaux, c’est ridicule! Qu’est-ce que ça signifie, ça n’existe pas? La marée ne montera pas. Le soleil ne se lèvera pas. Au nom des choses bizarres tu prétends… dans la société française, c’est non existant. A tout ça, je ne peux te dire ‘oui oui’.»

Attaque. Il mord, comme un chien enragé.

« J’aurais pas du dire ‘oui oui’ avant, bien que je savais que je t’ai laissée parler. Je ne t’ai pas dit ce que je crois, ni ‘arrête de délirer’.

Arrête de prendre tes rêves pour la réalité.

Si encore c’était sur un point de détail. C’est l’existence, composant fondamental des français, des européens. Je ne peux pas te dire que je crois à tes fantasmes moralisateurs. »

Il s’est plongé sur l’Internet en SM, bondage, dominance, amazones, livres érotique et pornos. Je ne veux pas le croire quand il m’affirme que 85% des Français sont échangistes et j’ai osé le lui dire.

Il ne le supporte pas.

- Ne parle pas comme ça! La morale pour moi c’est terminé! On se sépare sur un certain plan, mais sur ton attitude dépend… mes rapports avec ma fille. Comme tu l’as fait déjà.

- François, je n’ai jamais parlé mal de toi à tes filles.

- Depuis dix ans, tu me harcèles avec tes ‘principes moraux.’ Oh! Assez!

Je sens d’un coup qu’il savait qu’entre nous ca se cassera.

Il le savait avant moi.

Pour le moment, son souci majeur est ce que je dirai ou non à sa fille, ses filles. Et de ne pas contrecarrer ses projets. Je n’ai pas parlé avec l’aînée et j’ai plutôt essayé d’assurer à la cadette qu’il n’a pu faire mal à sa fille, que tout se passait seulement dans sa tête. Je ne me mêle pas de ses projets. François ne le croit pas, il est persuadé du contraire, que je veux tout contrecarrer.

***

Tout à l’heure, je ne réussissais pas à ouvrir aussitôt le coffre de la voiture pour sortir ce que nous avons acheté. Je lui demande de l’ouvrir.

Il hurle maintenant :

- Non! Ouvre tout de suite! Toi!

Tous les gens de café, près de la voiture l’entendent.

C’est fini, vraiment fini. Je ne serai plus son paillasson! Il ne s’essuiera plus ses pieds sur moi !

***

Je lui ai dit que je ne l’aime plus, qu’il ne m’aime pas. Il a protesté faiblement. Soi-disant il faut que nous y soyons à cinq fixe. Ni avant, ni après. Je dois le conduire et il était pressé tout à l’heure.

Il vient de remonter au logement, appeler Stéphanie, se plaindre de moi de nouveau, lui demander conseille. Puis essayer de parler avec sa fille ou se consulter avec quelqu’un d’autre.

Je suis assis sur la terrasse de café, j’ai bu un express. J’écris.

Il voulait récupérer les clés de la voiture : "C’est moi qui l’a acheté!"

Mais qui va conduire ?

Je ne lui ai pas fait remarquer que je l’ai conduit depuis qu’on l’a cette voiture partout, ni que c'était moi qui avais payé l’assurance depuis des années, ni que j’ai payé toutes les réparations et révisions d’année en année ce qui remonte à plus que le prix de la voiture et j'ai payé aussi toutes les contraventions. C’était moi qui avais peiné pour trouver un parking chaque jour sur cette Butte Montmartre bien pleine.

Ce n’est pas la peine de lui répondre, lui rappeler. La voiture a 160.000 kilomètres (bravo Citroën!) et presque quinze ans. S’il le veut vraiment… pourquoi pas!

Il descend et recommence aussitôt, devant les gens, sidérés, du café.

«Tu as besoin d’être suivi par quelqu’un comme Douce (son psychiatre) Tu deviens maladif.»

Plus tard :

«Le troisième jour à Lectoure j’ai changé, irréversiblement. Pas dans ce que j’étais là, pendant que j’avais vécu, mais comme j’étais à Toulouse. Finie la transformation due à mon arrivé à Paris.»

Je ne réponds plus. Que dire ?

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