Paris, 1 septembre 2001

Il prétend maintenant qu’il ne veut pas le logement après fin septembre qu’il le veut, au maximum, jusqu’au 7 octobre.

J’aurais voulu dormir cette nuit à Paris, pour pouvoir être à l’heure au dentiste, le rendez-vous est tôt le matin. Ne pas devoir faire le trajet de l’Argenteuil. Être à l’appartement, prendre encore quelques affaires, récupérer mes journaux et mes papiers officiels ainsi que les papiers nécessaires à préparer le dossier de divorce pour l’avocat.

Pas possible de dormir.

François m’a laissé jusqu’à cinq heures de matin «tranquille», en allant «simplement» fouiller (probablement dans mes affaires, que grand bien ça lui fasse) dans la pièce à côté et bougeant tous le temps quelque chose ou autre, les déplaçant, cherchant dieu sait quoi, mais vers cinq il vient se coucher près de moi et commence à parler.

«La joueuse de trompe australienne n’était pas un hasard jeté devant mes pieds. ‘On’ savait quel genre de femme va m’intriguer, me plaire. Ce n’est pas un hasard qu’elle est disparue depuis. Elle, et aussi, son amie, la brocante, dit-il.»

Il la cherche encore?

« Tu n’as pas traduit un quart de ton journal original !

Ensuite, il me demande de lui donner mes journaux sur un disque pour qu’il puisse envoyer à la fille de Canada.

« Confie‑les moi. »

Pour utiliser, son propre terminologie : et quoi encore ! Je lui dit simplement, que je n’ai pas l’intention de lui donner : ça m’appartient.

Plus tard, il se déchaîne contre mon amie de Roumanie, que nous allons visiter bientôt.

«Ton amitié avec Alina à qui tu te confiais a causé l’arrestation de ton père et qui sait combien d’autres. Son mari était à Securitate et Alina lui avait raconté tout que tu lui disais. L’arrestation de la mère de ton amie Edith aussi, qui est devenue folle dans les mains de Securitate, et votre faute en réalité. Tu ne parles pas de tout ça dans ton journal!»

Tout est fabulation, pourtant ca me fait mal.

Alina, je l’ai connu après que mon père est sorti et nous avions seize ans toutes les deux. La mère d’Edith est sortie quand nous avions dix-huit ans et Alina n’était pas encore mariée. Que d’inventions et quel fiel !

François n’apprécie pas que j’aille la voir en Roumanie et m’attaque, méchamment.

«J’analysais des documents pour un service spécial, mon boulot de professeur n’était qu’un à‑côté.» etc.

Comme il dit lui‑même souvent, je répète en moi : 'Et quoi encore ?'

À cinq heures et demie du matin, finalement je me suis habillé. Partie, définitivement, du logement de la rue Mont Cenis et de François.

Le sept septembre à dix heures, sera enfin la signature de la demande de divorce à l’amiable.

Je l’espère.

Hier soir, sa voix était saccadée, excitée, maladive.

« Je ne peux trier qu’en ton absence.»

Il s’était donc levé à trois heures, au milieu de la nuit. Pourtant, c’était la dernière nuit que j’étais là : pour le mois entier il restera seul dans ce logement.

Je crois qu’il veut qu’on nous mette dehors avant mi-mars. Peut-être, simplement, il est super malade. Son excitation a accru pendant les trois semaines que j’étais avec mes petits-enfants mais il n’a pas commencé à ce moment-là.

Mais au milieu de la nuit ?

Il parlait, parlait, parlait. Sans arrêt. Et n’importe quoi.

Hier, dans le taxi qui nous emmenait vers l’avocat, il a raconté de site Internet 'Amazon'.

«Elle va disparaître. Celle qui vend des livres. Surtout pour les femmes. Pas n’importe quelles femmes. Vous savez, celle, avec un fouet...»

Bon, les Amazones de préhistoire, des légendes, peut être, mais la site où on trouve de livres?!

Que d’inventions, accusations abracadabras!

Bon, quelle importance? Peut-être, seulement pour relativiser tout le reste qu’il me dit.

Un jour, il veut habiter dans notre logement, le lendemain, non, puis oui de nouveau. Un girouette.

Il avait fait encadrer un portrait agrandi de moi, pris vers la fin de nos vacances à Lectour, un jour quand j’étais déjà excédé de son comportement, de tout :

«C’est le meilleur portrait de toi que j’ai fait. C’est vraiment toi! La mère juive, acre et moralisatrice, avait-il affirmé.»

Puis, il avait admiré ses propres talents de photographe : les reflets en eau où mon visage était absolument heureux : une tout autre femme… qu’il avait fait pendant le premier matin à Lectour. Je nageais en me rappelant la piscine des mêmes dimensions du jardin de ma grande mère. Paradis perdu, retrouvé pour quelques minutes.

J’ai eu le malheur de dire que j’étais encore heureuse. Alors.

« Que c’est arrivé ensuite ? »

Je ne réponds pas, ça ne sert plus à rien.

Il continuait à me harceler. Me parler sans cesse.

On peut divorcer pour «harcèlement moral» mais c’est long et pas facile à prouver. Pourtant…

J’ai résisté, tant que j’ai pu.

La même question encore et de nouveau. Cinquante fois. Cent fois. Je ne me rappelle même plus de la question. La question qu’il me pose change de temps en temps, le harcèlement et répétition reste.

La première fois, j’essaie de lui répondre sincèrement. Il ne croit pas à ma réponse. Il veut savoir «la vérité que tu cache, me cache

Il recommence à le demander :

« Pourquoi tu me quittes ? Dis-le. La vérité! ».

Je ne lui répondais plus. Il redemandait.

Il y a quelques jours, il a trouvé ‘sa’ réponse : un complot venant d’Amérique pour le détruire, lui interdire de devenir le grand spécialiste européenne.

«Je regrette de t’avoir harcelé avec mes questions. Tu ne pouvais pas répondre. On t’a obligé. Ce n’est pas ta faute, dit-il autre fois.»

Mais peu après, il revient à sa vue de moi comme une « mère juive » de l’horrible pièce de théâtre à laquelle il m’a emmené non par hasard paraît-il.

«Oui, tu veux me dire quoi ne pas faire. M’obliger à être petit. Me contenter au rôle d’un petit prof retiré, discret. Et quoi encore…»

Il oublie que je ne veux plus que m’éloigner de lui. Rien d’autre.

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2007: Oh, c'était une nuit et un matin horrible. Partir de chez moi, parce que je n'en pouvais plus, avec seulement un petit valise a la main. Oui, mes journaux s'y trouvaient, faisant partie de mes trésors dont je ne voulais en aucun cas me séparer. Mon passeport. Une chemise de nuit. Pas beaucoup d'autre choses, sauvegardés. Pourtant, je ne savais pas encore... beaucoup des choses qui allaient suivre. Mais n'enticipons pas. J'ai descendu les marches de la Butte Montmartre avec ma petite valise, jusqu'a la Mairie, près duquel était mon dentiste. Mais ce n'était que cinq heures et demi le matin. Heureusement, le café de la Mairie était ouverte. Plus tard, il va me harceler: "chez qui tu es allée à cette heure matinale? C'est ton amant!" Qui??? Enfin, n'importe, maintenant. J'ai survécu, j'ai laissé aller. Beaucoup des choses à laquelle je tenais.

Le logement du Mont Cenis, Paris, les meubles que j'avais acheté petit à petit pendant mes 23 ans que j'y habitais, des vidéos que j'avais, l'amitié dans lequel j'avais tellement cru. Je suis partie, et pendant pas mal de temps, trop long pour moi alors d'ailleurs, je vivais avec cette petite valise. Mais mes journaux étaient avec moi. Ma vie n'était pas "perdue".


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