Je me souviens des grands sourires avec lesquels Thomas et Alexandre, que je n’avais pas vu depuis six moi, m’ont accueilli. Le matin, ils sont venus dans « ma chambre », Alex a déjà quatre ans, il a aussitôt grimpé sur le grand lit à colonnes avec un livre que je venais lui apporter de France en main :
— Read-me.
— Tu veux que je te lise ?
— Yes.
Ensuite Tom, deux ans et demi, est arrivé avec son grand sourire et ses yeux rusés.
— Tu veux toi aussi une histoire ?
— Je veux histoire.
— Apporte ton livre.
— Mon livre.
Puis, il a ajouté en montrant le lit :
— I can’t.
— Si, tu peux monter, je t’aiderai un peu. You can, can’t you ?
— Yes, read !
— S’il te plait, mamie.
— Plait, mamy.
Tout a commencé dans les meilleurs augures et atmosphère.
Ensuite, nous sommes descendus dans la cuisine, prendre le petit-déjeuner. Ce jour-là, Agnès, son mari et Henry de deux mois ont pu dormir davantage et les jours suivants aussi. Tout le monde était heureux.
Puis on a fêté l’anniversaire de 45 ans de Don, mon beau–fils, dans un horrible restaurant et quelques jours plus tard, les 36 ans de ma fille et les 72 ans de beau-père, dans un agréable resto Thaïlandais.
Toute sa famille était là.
Entre temps, mon mari m’appelait chaque jour de Paris. Au début, il disait « ça va », puis « tu me manques » et finalement « je n’vais pas bien. ».
Au bout d’une semaine, je me suis aperçue que je n’avais pas avec qui parler : les enfants voulaient bien parler, ils questionnaient seulement leur mère et refusaient mes réponses ; Don discutait avec sa femme, quelquefois ses gosses, il avait l’impression à chacun de mes phrases que je l’interrompais.
Je dérangeais.
Ils avaient leurs habitudes. Manger chacun seul, autre chose. Lire à chaque instant libre. Agnès promener le bébé dans ses bras toute la journée. L’atmosphère se détériorait, je me suis retirée davantage dans ma chambre, mais c’était mal vu aussi.
— Go away ! (Va-t-en), c’est Tom qui me l’a dit le premier.
— Je veux maman ! Va-t-en ! dit aussi Alexandre de plus en plus souvent.
Go away, me disaient les yeux de leur père. Et Agnès, au seuil de la porte, avant mon départ a trahi à son mari, devant moi, ce que je lui avais confié en privé. Je m’en suis allée. Ils sont heureux ensemble. Mais je me souviendrais de ce « go away » longtemps.
***
Je ne me souviens pas que quelqu’un m’aurait dit ouvertement « Va-t-en ! » jusqu’ici. Il heurt et rappelle tous les « va-t-en » sous-entendus de ma vie. Il y avait beaucoup. J’étais venu d’ailleurs, souvent. On m’a souvent exclue.J’espère que mes enfants, ni mon amie, ne se sentiront abandonnés par moi, même si la plus souvent ils n’ont pas besoin de leur maman. Et Jean qui rouspète.
Il est encore fâché, quoi qu’il ne l’avoue pas : il sent que je l’ai abandonné pour aller voir mes trois petit-fils en Amérique. Pourtant, il avait un billet, lui aussi. Il s’est exclu de soi même. Quelle différence!
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