Entre nous, un mur

6 heures de soir, lundi

Entre moi et François, il y a juste un mur.

Il joue Chopin, il joue merveilleusement.

Il n’était pas bien dans la matinée, mais d’après sa musique, ça va maintenant. Il joue depuis une heure le piano, non pas l’orgue. Il sait que j’adore le son et la musique de piano. Il y a tellement de tendresse, de finesse dans son jeu, son ‘frasé’ comme il l’appelle.

Dimanche, Valérie, la fille de François, est venue nous rendre visite avec son mari et leurs deux gentils petits. Nous avons passé une grande partie l’après-midi ensemble, hélas, surtout au restaurant, puisqu’ils n’ont pas eu le temps de déjeuner avant de venir chez nous. Et ils n’ont pas voulu manger à la maison.

François était trop fatigué, mais le soir, il était devenu de nouveau charmant.

Ce matin, lundi, par contre, il était de plus en plus irrité : Je me sentirais ainsi, mal, six mois encore ou davantage.

Il critique tout ce que je fais et aussi ce que je ne fais pas, il critique comment je le fais et aussi ce que je fais d’habitude.

Je ne peux pas sortir, hélas, c’est les vingt-quatre heures de 'collecte' avant que j’aille à l’hôpital de jour demain pour la journée pour les conseils de maigrir. J’attends avec impatience jeudi pour revoir les participants de l’atelier d’écriture et le matin mes élèves pour l’initiation d’informatique. Ils m’apprécient, eux.

J’ai envie de hurler, moi aussi, mais autant que je peux, j’essaie à ne pas répondre quand il recommence à rouspéter. À quoi sert? C’est dur d’être malade, mais la vie à côté d’un malade est fort difficile aussi.

Je me souviens de Sidonie, ma grande mère maternelle. Son mari est mort à 83 ans. Il était malade tout le temps depuis dizaines d’années et elle a dû le bichonner, soigner, il était toujours le centre. Il avait presque quatre-vingts ans quand on leur a fait un bilan de santé général et qu'on a constaté que pendant qu’il était malade à 60 %, elle était à 90 % - ayant attrapé une grave maladie au cœur aux camps de concentration de Bergen Belsen.

On a tort de s’étonner du dicton 'son cœur a crevé'. Mon père a eu aussi son premier infarctus quand la première fois sa femme l’a quitté subitement, en emportant tout l’argent sur lequel elle a pu mettre la main. J’ai eu moi, mes premières mèches blanches à 33 ans, quand j’ai appris l'infidelité de mon mari.

François gémit. Et gémit encore. Maintenant, il rouspète. Que faire ?

J’ai vraiment pas envie de le dorloter après tous ses reproches sans aucun sens. Furieuse, je vais aller quand même près de lui. Encore une fois.

2007: Sous entendu: malgré le mur qui nous sépare dorénavant.

Aucun commentaire: