« Où sont mes lunettes ? »

Elle lit, assis confortablement dans le fauteuil du salon, tout absorbée dans le récit.

-Je ne trouve pas mes lunettes ! s’écrie-il.

-Elle n’entend pas les paroles de son mari, alors celui-ci répète plus fort.

-Où peuvent être mes lunettes ?

-Lunettes ? Que dis-tu ?

-Cela fait une heure que je les cherche…

Elle le regarde.

-Une heure ? Il y a une heure, nous déjeunions.

-On ne trouve rien dans cette maison !

Elle soupire. Repose son livre.

-Veux-tu que je t’aide à les trouver ?

-Je veux que tu m’écoutes quand je te parle !

-J’étais absorbée dans…

-Justement.

-Tu lisais ton journal.

-Mais je t’écoute, moi, quand tu me parles.

-Je ne peux pas faire deux choses à la fois, moi.

- Alors, je compte pour des prunes ? Tu ne te soucies pas. Il vaut mieux que je parte.

Elle soupire.

-Tu veux que nous sortions ?

-Je te laisse à tes lectures…

-Je peux le finir ce soir.

-Ce soir ? Je croyais…

-C’est plus intéressant que la télé.

-Mais regarder ensemble…

-Nous sommes ensemble. Même quand je lis.

-Mais tu ne m’écoutes pas !

-Je ne t’avais pas entendu. Au début, au moins. Mais…

-À quoi bon alors d’être ensemble, de rester ensemble.

-Je croyais…

-Tu devrais savoir. Pas ‘croire’. Que vaut dire ‘croire’ !

Elle se lève, ferme son livre. S’approche. Il recule d’abord, puis l’enlace.

- Je crois pourtant, que tu m’aimes.

- Tu le crois ?

Un baiser.

- Tu devrais le savoir, dit-il.

- Je le sais. Je sais aussi où sont tes lunettes : sur tes cheveux.

Elle lui sourit.

- Oui, allons nous promener, il fait si beau. La pluie s’est arrêtée.

Il faut bien chaud chez nous aujourd’hui.

***

Celle qui s’en est sortie, a appris très tôt de compter sur elle même. S’en est-elle sortie bien ou mal, ceci est une autre histoire. Très grand bonheur, beaucoup de chagrins. Mais elle a vécu, pleinement. Elle s’en est sortie avec des blessures, des souvenirs qu’elle pourrait utiliser… si elle était capable.

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