8 juillet 2000

Revenu de Washington. Il faut maintenant analyser ses trois semaines vite passées. Non pas « faudrait », il le faut.

Henry aura trois ans dans un mois. Séducteur, sourire espiègle et chaud.

Au début en attente, puis il s’est de plus en plus rapproché de moi. D’abord, je me suis effrayé de par accès de fureur, puis j’ai appris à les couper dès le début, en l’écoutant et l’appréciant. En fait, comme François "Tu ne m’écoutes pas, tu ne me prends pas en sérieux ! » Vu l’âge, 70 et 3 ans, ils l’expriment peu différemment.

Il attaque. Souvent, parce qu’il veut jouer avec toi, il veut que tu sois avec lui. J’ai appris, et lui a appris qu’il n’a qu’à dire « Again » ou « Fini » et que moi aussi peux dire « Encore ou Non » pour qu’on fasse, chacun de nous, tant que l’autre veut et pas plus. En tout, j’ai eu un très bon contact avec lui, sauf pour le coucher. Là, j’ai finalement passé la main.

Thomas a eu cinq ans la semaine dernière. Le sérieux avec lequel il a choisi les livres dans la librairie, puis s’est assis sur une chaise, feuillet pour décider s’ils lui plaisent vraiment. Aussi très sérieusement, il me demande : « Combien d’argent tu as pour les livres ? » et la facilité avec laquelle il a reposé le livre sur lequel j’ai fait remarquer : « Celui-ci coûte comme trois autres. ». Finalement, on l’a remplacé effectivement par trois autres. En total cinq livres. Ensuite il a attendu avec patience que je me choisisse des livres sur l’écriture, sans se plaindre qu’il s’ennuie.

Le matin, Alexandre ne l’a pas laissé venir avec moi pour choisir des baguettes et muffins. En « représailles », le lendemain, je suis parti me promener avec Henry et Thomas. Alexandre s’était réfugié chez ses parents, dans la pièce où je n’avais pas le droit d’entrer. Pendant la promenade, Thomas, en grand frère raisonnable, disait à son petit frère de me tenir la main, il m’indiquait le chemin à suivre, par où il voulait se promener « Vers les bambous » et nous a attiré l’attention de marcher au bord pour laisser passer les bicyclettes et les coureurs. Nous avons fait une belle promenade.

Le contact avec Alexandre a été plus dur, vers la fin, il ne voulait même pas me parler. Il a même réussi me faire honte « Tu as pris le livre d’Henry, maman ! Elle a pris le petit livre, c’est à Henry ! »

Je me suis dit, qu’entre les centaines des livres qu’ils ont, ce petit « mes premiers mots », dépassées pour Henry qui a déjà trois ans, sera bien pour Gabrielle qui a un an et j’avais décidé de ne pas demander. Alexandre était là avec ses yeux pénétrants quand je faisais ma valise

-Ce n’est pas à toi ! C’est à Henry !

Il a appelé sa mère.

-Maman, elle ne peut pas prendre un livre qui n’est pas à elle. Le livre est caché.

Ils sont sortis. Je les ai suivis.

Si. C’était un trop petit livre et trop simple pour Henry »

C’est à lui !

J’ai sorti le livre, bouleversée et j’ai du jeter pêle-mêle tout le contenu de ma valise pou le retrouver. J’espérais que ma fille dirait « prends-le », à la place, j’ai entendu :

C’est à Henry. Je lui ai acheté, offert moi-même, d’un ton accusateur.

Je pourrais utiliser cette honte, embrassement qui m’avait envahi dans un récit, une scène. La révolte aussi qui a suivi, presque de la haine. Je ne me sentais pas « vilaine », les Vilaines étaient eux. Je ne me sentais pas coupable, ils me le faisaient sentir tel, sale. Comme si c’était un crime. Une criminelle prise sur le fait.

Et le mari de ma fille ? Poli, patient, manipulant de loin. Mentant. Agnès : « Je suis obèse, pas grosse ». Elle l’est devenu, presque. Pourquoi ? Elle se fatigue, trop. Il a un merveilleux contact avec ses trois fils et ils ne le fatiguent pas, lui. Elle se sent dépassée. Je n’ai pas vu non plus le bonheur d’avant, pourtant entre eux le contact est bon. Apparent ? J’espère, réel.

La tasse qui me plaisait tant, je l’ai pris en la demandant.

« Oui. » dit ma fille.

Peu après, elle me dit : « Ne demande pas à ton fils s’il veut te donner le tee-shirt, puisque alors il sera obligé de te l’offrir. » Après une pause, elle ajoute « De toute façon, t’aime pas le violet. » C’est vrai. Mais cela a taché le plaisir de la tasse qu’elle n’utilise jamais et que j’utiliserai tous les jours, tous les matins, malgré le sentiment amer : « Ai-je mal agi en le demandant ? » attaché à elle. Et la lourde honte pour ce petit livre. « Mais la tasse, quelqu’un m’avait offert ».

On ne peut pas faire cadeau d’un cadeau ? Pourquoi pas ? Tant de « ne peut pas, ne doit pas » ! On ne doit pas pointer, disent‑ils. Pourquoi pas ? C’est ainsi qu’on apprenne aux enfants des choses et leurs noms. Pourquoi ne pas continuer ? On ne peut pas demander ni dire de choses trop « intimes », pourquoi ? Entre mère et fille ? On ne peut pas manger ensemble. Pas… etc.

Est-ce bien passée ?

Sauf les premiers jours, j’ai réussi à m’en occuper bien des trois garçons et souvent de six heures le matin, quand Alexandre me réveillait « viens mamy » (au moins les premières douze jours), jusqu’à trois heures d’après-midi. Combien des heures par jour ? Huit ou neuf.

Leur père leur faisait à manger surtout pour qu’ils continuent « comme d’habitude », sinon je me débrouillais sans problèmes même avec les repas. Deux semaines de baby sitting rapidement envolés.

François s’ennuyait. Il lisait, somnolait. Il n’a pas trouvé ce qu’il avait espéré, des livres d’informatique intéressants. Moi oui. François occupe tout le lit, il s’est installé au milieu. Si je veux m’y mettre, il doit se déplacer, je le dérange.

Je vais le déranger !

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