20 septembre 1952 (b)

De cette entrée, on voit comment j'étais encore confuse, et ajoutais, à mes reflexions, des mots d'ordre qui s'étaient encore trop impregnés en moi. Elle démontre ma pensée d'alors.



J’avais 12 ans, quand j’ai demandé près du pont Szamos :


« Maman, dis-moi, quel est le but de la vie?
- Être heureux.
- Et qu’est-ce qu’il faut pour le bonheur?
- Tu peux le trouver en deux choses: dans ton Travail et dans l’Amour, dans les deux ensemble. »


Avant de devenir membre de l’Union de la Jeunesse, je pensais qu’on doit suivre ce qui est nouveau, ainsi tu t’élèves et ne restes pas moyen. Si tu ne luttes par pour ce qui est neuf, tu te noies dans la masse ou même tombes plus bas. Je lutterai donc pour la nouveauté. Le neuf gagne toujours, me disais-je alors !


Depuis lors, mes idées se sont beaucoup modifiées : le bonheur ne peut pas être un but, seulement une conséquence. Le bonheur pour moi, c’est quand je réussis à bien réaliser quelque chose, quand je vois le résultat de mon œuvre. Un homme égoïste ne peut être heureux. Le bonheur, c’est quand tu fais du bien à quelqu’un, tu réussis à lui procurer de la joie. Si le but de quelqu’un est de rester entre les “plus hautes sphères” ou “d’être connu”, jamais il ne le deviendra.


Le but de chacun doit être décidé par lui-même, et fixé avec soin.


Sans hésitations le but devrait être: “aider à construire le communisme”. Même si tu peux ajouter une seule brique utile, après ta mort tu peux être tranquille : tu n’auras pas vécu pour rien. Mais c’est si difficile de décider. Je dois réfléchir sérieusement. Je ne dois pas me laisser influencer par des gens comme Alina, mais plutôt par ceux comme Édith et la femme médecin qui a été en Corée pour aider les blessés.


La question est dorénavant, parce que le reste est déjà décidé, (si on aide les autres on est heureux aussi soi-même) comment moi, en partant de la situation où je suis actuellement, je pourrai atteindre ce but. Pour cela je dois d’abord m’analyser et étudier ma situation, sans ménager mon amour propre, sans m’estimer ni trop ni trop peu. Ceci est extrêmement dur. Mais il le faut.

Quand j’étais petite, je m’estimais trop, maintenant pas assez. Où est la vérité ? Comment suis-je en réalité ? Quels sont mes qualités et défauts ? Quels sont mes désirs ? Je peux répondre à cette dernière question plus facilement.

Je voudrais devenir écrivain.

C’était mon ancien, très ancien désir et il est toujours actuel. Est-ce que c’est assez important d’être chimiste ? Aujourd’hui l’électro‑physique, la construction, l’éducation sont plus importantes. On doit travailler dans un domaine qu’on aime. J’aime bien la chimie, mais j’aime beaucoup plus la littérature. Mais est-ce un métier ? Pour écrire il faut du talent, du savoir, de l’expérience, etc.

Il faut aider la construction du communisme en travaillant. La chimie est belle, donc cela ne vaut pas la peine de la laisser tomber. Quel est le but de la vie ? Pas pour l’individu, mais en général ?

Je vais donc continuer la Chimie.

Entre-temps, je pourrais aussi essayer l'écriture. 1) Lire les classiques, étudier la littérature et la langue hongroise. 2) Décrire mes souvenirs, ce que je vois et ce que je sens. 3) J’essaierai d’écrire de petits récits et je les ferai lire par les spécialistes. Si je n’ai pas de talent, je n’écrirai plus[1].

Le devoir de l’écrivain est de “montrer la route[2]”.

J’ai lu ces jours-ci les discours de Lénine sur la jeunesse, il dit que leur devoir est d’étudier. D’abord sur le communisme, puis sur tout savoir que l’homme a réussi à découvrir. Ne pas apprendre par cœur, mais comprendre. Je dois étudier l’idéologie, la chimie, les mathématiques, la physique, la culture et je dois, en même temps, travailler sérieusement, ne refuser aucune tâche qu’on me donne à l’usine, la réaliser avec sérieux, le mieux possible. Travailler avec abnégation dans l’usine où on m’envoie; et pas seulement quand on me le demande.


En même temps, étudier selon un plan et lire tous les jours en route vers la maison. Vaincre la fatigue et le sommeil. Tout essayer pour pouvoir continuer mes études universitaires, même seulement à distance et sans pouvoir assister aux cours. Apprendre sérieusement toutes les matières. Mais aussi la politique et la littérature.


Que faire au sujet des réunions ?

Dans l'usine, la cellule tient beaucoup de réunions formelles, sans aucun résultat. (Il faudrait aussi que j’apprenne beaucoup sur l’usine et les gens). Que faire comme activité de l’union de jeunesse ? Il faudra discuter longuement avec mes collègues, les convaincre.


Il faut que je finisse le plan détaillé (de ma vie) jusqu'à la fin du mois, pour pouvoir le commencer au début du mois prochain.
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[1] Haha, un écrivain écrit, que cela plaise ou non aux autres.
[2] Et avec cela on les obligeait à mentir.

2 commentaires:

Stephane a dit…

"Je voudrais devenir écrivain."

Je vous assure madame, c'est réussi!
Je me délecte depuis ce matin de vos histoire, qui me procure des émotions de toutes sortes, et je ne suis qu'au débuts de vos aventures incroyable.

Merci, Multumesc :)

Julie Kertesz - me - moi - jk a dit…

cu placere,

Je suis heureuse que mon journal t'interesse, tu trouveras aussi le début dans le
http://journaldejulie.blogspot.com/