Encore une fois, Julie ne put écrire.
Elle n’a rien écrit donc sur son père emmené au milieu de la nuit par la police secrète roumaine (elle avait 15 ans et demi.) Sa mère lui interdit de peur qu’on saisisse son journal comme on avait emporté tous les siens. Pendant six mois ils ne savaient même pas où il était (ni lui, ni ceux qui avaient travaillé avec lui.)
Elle n'a pas décrit la “disparition” de son père emmené par la Securitate (la police politique secrète), ni la mise au ban de toute la famille : ils sont devenus d’un jour à l’autre des pestiférés. On les a déménagés dans un logement minuscule sous les toits, on a interdit à Julie de continuer à travailler avec les pionniers, on lui prit aussi sa carte de membre de l’Union de la Jeunesse Ouvrière qu’elle avait jusqu’alors portée sur les seins.
Un des copains de son père qui ne les a pas évitées ni abandonnées, pour la consoler lui a apporté ce poème qui osait dire: “il y a encore beaucoup de méchants ici!” Elle l'avait recopié dans son cahier de poésie en y ajoutant:
Ça fait très mal !
Conversation avec le camarade Lénine,
par Maïakovski (fragments)
Nous avons habillé les démunies,
il y a plus d’acier, et de charbon,
c’est bien, n’est pas?!
Mais à côté, hélas, je dois vous rapporter
Il y a beaucoup d’ordures encore
et des paroles bêtes
Jusqu'à ce qu'on les vaincra, on s’épuisera.
Sans vous, beaucoup se sont égarés déjà.
Dans ce monde, même ici,
restent énormément de salauds encore
Il n’y a nombre assez grand à les compter,
ni assez de noms pour les nommer,
Combien il y a de fripouilles, de filous,
de koulaks, des sectaristes, d’ivrognes,
de lécheurs et de flatteurs,
D’orgueil leur poitrine gonflée
stylos, insignes
sur leurs poitrines
Bien sûr, on va en venir à bout,
Mais c’est très dur la lutte contre eux.
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