Déjà, je n’ai pas tenu ce que j’avais décidé, d’écrire chaque jour. C’est vrai, hier rien de spécial ne s’est passé et j’étais fort occupée.
Le matin je n’avais pas encore de quoi écrire et après l’école, Tina, Radu et Sylvie sont venues chez moi. Puis Alina. Ensuite ma mère est revenue malade de son travail. À six heures d’après-midi, je suis allée avec Tina à l’université pour un séminaire de trigonométrie. En revenant, je n’ai plus pensé au journal et j’ai essayé d’apprendre un peu de Russe, une belle chanson sur Staline...
Je me suis mise depuis peu à lire beaucoup de livres à la fois; la 11ème, 12ème, 9ème œuvre de Staline, “ L’art et la réalité esthétique ” de Cernesevsky, “ Sur la littérature ” de Lénine, “ L’histoire des Arts ” de Van der Loor, “ Le Russe ” de Popova et en plus, bien sûr, mes livres de microbiologie, trigonométrie, chimie physique, etc.
C’est bien de varier un peu ce qu’on étudie et ce qu’on lit. Par exemple, je n’ai plus grande envie de continuer à écrire, je voudrais plutôt réaliser trois caricatures d’après les idées que nous avons eues sur nos trois professeurs de Microbiologie et nous les avons imaginés : l’un enfermé dans une boite de Pétri, l’autre faisant une publication académique sur ses dernières découvertes et le troisième effrayé, des formules de math et des graphiques tournant autour de sa tête.
Vera me manque depuis quelques jours et Marthe aussi. C’est bien, même si nous sommes loin l’une de l’autre d’avoir d’anciennes amies et quand on se rencontre on se retrouve. Ni moi, ni elles, ne sommes plus comme nous étions, il y a quatre ans, quand j’ai dû quitter Cluj, mais d’une certaine façon nous avons changé dans les mêmes directions, enfin, presque. J’espère qu’il en sera ainsi encore longtemps. C’est un sentiment très agréable.
Alina a déjà d’autres idéaux et d’autres buts que moi ; si un jour on devait se séparer, que se passerait-il alors ? J’espère que nous ne deviendrons jamais des ennemies parce que je l’aime beaucoup. Pourquoi ? Je n’arrive pas à l’exprimer. Je sais qu’elle m’aime aussi .
J’aime Édith, mais je ne suis pas assez attentive envers elle : combien de fois ai-je décidé de lui acheter des crayons de couleur et je ne l’ai pas encore fait. Je l’admire, à seize ans à peine, elle a beaucoup de qualités que je n’ai pas; j’ai surtout beaucoup de peine pour elle. Elle est dans une situation difficile . Nous nous entendons très bien parce qu’en général nous avons les mêmes opinions (issues du même milieu, nous aimons aussi les mêmes poèmes et textes.) C’est pourquoi je suis allée chez elle le jour où j’ai appris le mort de Staline. C’était un horrible coup et mes collègues l’ont pris en haussant les épaules; c’est seulement l’événement en soi qui les a intéressés. Je n’ai pu rester avec eux.Hélas, je dois partir maintenant pour l’Université, nous avons des expériences à faire au laboratoire de physique. Au revoir, mon journal, à ce soir ou à demain.
Julie ne mentionne pas les horribles difficultés d’Edith. Depuis plusieurs semaines sa mère et son beau-père ont été arrêtés, se trouvant dans les caves de la Sécurité politique, comme ce fut le cas pour le père de Julie : cela les a aussi fort rapprochées.
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