22 avril 1953

Je devrais avoir honte de n’avoir pas écrit hier, mais Alina a dormi chez moi, puis ma pauvre maman est devenue très malade, elle avait un furoncle qu’il fallait opérer. J’espère que maman n’en aura pas de nouveau un, encore plus gros. Je la plains énormément, depuis un certain temps les malheurs la frappent les uns après les autres.

Ce soir, j’étais à l’université pour un cours de trigonométrie, hier pour un séminaire de chimie, mais je n’arrive plus à trouver le temps d’étudier pour l’université, il y a un tas à apprendre pour l’école des Antibiotiques aussi. J’ai acheté enfin les crayons de couleur pour Édith, mais je n’ai pas encore pu les lui offrir : nous ne nous sommes pas encore rencontrées.

Demain, nous avons à l’école un “jour modèle” en l’honneur du 1er Mai. J’espère qu’il sera réussi, cela dépend surtout s’ils étudient cet après-midi.

L’homme change beaucoup. Moi aussi, depuis une année, surtout depuis que j’ai fini le lycée technique de chimie, j’ai beaucoup changé. Extérieurement bien sûr, mais surtout intérieurement.

J’ai lu (et vu aussi) une pièce dans laquelle les élèves d’URSS ayant terminé leurs études en 1949 se rencontraient un an plus tard et se racontaient ce qu’ils avaient appris dans “ la vie ”, avec quelle sorte de gens ils se sont rencontrés, ce qu’ils ont vécu et ce qu’ils ont compris. Quelle grande différence avec ce que nous avons découvert, hélas ! Mais je crois que là-bas la situation est différente, l’atmosphère meilleure et puis, l’écrivain a dû aussi l’idéaliser.

Cette année m’a aidée. La fabrique aussi, puis Alina et certains collègues de l’école d’Antibiotiques. Je voyais tout trop unilatéralement. Mon horizon s’est élargi. Je réussis à mieux comprendre les gens.

Avant, j’essayais changer les autres, les pionniers, mes camarades de classe, tant au cours des réunions qu’en privé, etc. mais sans y réfléchir plus sérieusement. Puis, il y eut un temps où je me disais déjà, et c’est encore valable partiellement, que je n’arriverai pas à changer qui que ce soit d’un iota, que ce n’est pas possible, ou au moins que je ne sais pas comment le faire. Je m’y suis résignée.

Maintenant, je me rends compte que les gens changent. Et pas un peu. On peut influencer leurs pensées et leurs comportements. Pour cela, il faut plusieurs choses : d’abord, les connaître bien ; puis bien choisir le moyen qui peut influencer chacun ; et ce qui est le plus important, qu’on donne de l’importance à ce que tu dis, te respecte, t’aime. Si par exemple Alina me raconte ses problèmes et que je lui donne mon opinion, ou quand je dis en général mon avis sur quelque chose, cela peut provoquer une réflexion. Mais pour des problèmes sérieux, je n’ai pas réussi à influencer quiconque volontairement ; sans le vouloir, oui, Alina, Vera et même Tina.




A l'époque, j'étais ébranlée dans ma foie aveugle. Aussitôt après le mort de Staline, à l'occasion et après le 20e congres communiste en Union Sovétique, les journaux roumain (Scinteia, l'organ de partie communiste roumain et presque le seul journal paru) a commencé un campagne de dénigration de Stalin.

Oser dire de mal de mon dieu ! Comment ? Le même journal qui chantait ses luanges jusque ce jour-là ? Alors, que c'est vrai ? Que ce n'est pas ? En quoi croire ? J'étais déroutée, et à partir de là, un peu moins aveugle.

Mais la route était longue encore, jusqu'à 1956... pourtant chaque jour, chaque mois, il y a contribué et apporté ses cailloux ou pierres.

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