Mon quatrième journal, retrouvé

Je le croyais longtemps perdu, ce fut un vrai cadeaux quand, caché entre des anciens livres, je l'ai retrouvé. Traduit. Corrigé. Revu. Voilà le début, la première partie de première entrée trop longue pour le mettre dans un seul poste de blog.

Je n'ai rien écrit de plus dans mon troisième et beau journal, et finalement, je me suis décidé.


16 avril 1953
J’ai énormément à raconter. Plein de pensées circulent et s’entrechoquent dans ma tête. Depuis longtemps je voulais acheter un nouveau cahier pour noter mes pensées, mais je ne peux plus attendre. Et puis, quelle différence si j’écris dans un beau cahier ou dans un simple cahier d’écolier ?

Pourquoi veux-je décrire mes pensées ?

D’abord, parce qu’alors elles seront mieux conservées et en plus écrire me soulage quand quelque chose me cause du chagrin. Puis, qui sait ce qui m’arrivera bientôt. Le spectre de la guerre paraît hélas menaçant devant nous, dans un ou trois ans je crois qu’on en aura une. Si je meurs, qu’on sache comment j’étais.

Et même pour moi. Un mois, un an, souvent ce n’est pas assez pour qu’en regardant en arrière je puisse me comprendre. Mais lorsque je lis des journaux écrits il y a plusieurs années, je comprends approximativement comment j’étais alors, vers où je me suis développée, comment, combien j’ai changé depuis lors.

En plus, mon désir secret est toujours de devenir un écrivain, et je n’écris pas toujours. Je n’arrive pas à écrire, parce qu’il y a énormément d’attentes pour une pièce de théâtre ou un récit, on demande beaucoup pour qu’ils soient publiés et ils ont raison : le livre sert à éduquer et n’a pas le droit de mal orienter. Écrire pour moi-même peut être considéré aussi comme exercice d’écriture future.

Réfléchir est facile, cela vole et l’on ne doit pas se demander si c’est bien exprimé, ou si l’orthographe ou la grammaire sont bonnes. Surtout, mes pensées ne sont pas interrompues quand ma main commence à me faire mal de fatigue ou que je n’arrive pas à écrire assez rapidement. Si je savais taper à la machine à écrire, je pourrais aller plus rapidement. Mais les pensées s’envolent avec grande vitesse. Quand on écrit, on arrive trop vite à la fin de ses réflexions parce qu’il faut aussi dépenser de l’énergie sur l’écriture.

Dire, raconter, conter à quelqu’un, d’après moi, c’est entre les deux. D’abord, c’est mieux que penser, parce que cela prend des formes plus figées et comme l’autre est là, il écoute s’il veut, n’écoute pas sinon, il faut que ce qu’on dit, soit plus intéressant. Mais avec la difficulté de l’exprimer, de le prononcer d’une certaine façon, de l’accentuer et aussi de rendre sa fluidité.

Si j’ai quelqu’un d’assez patient, faisant attention à ce que je dis et qui ne m’interrompt pas tout le temps (parce que je raconte lentement), alors je sais assez bien raconter. Mais le fait qu’à l’école et avec la plupart de mes amies je parle roumain, ralentit mes paroles en hongrois. Je m’exprimais plus facilement et mieux, j’écrivais plus correctement en hongrois jusqu’à ce que j’aie quitté Cluj, il y a quatre ans. Et si j’allais à Iasi, vraiment je ne sais pas ce qui arriverait (là-bas, on ne parle que roumain).

Quand on écrit pour soi-même, on a une liberté complète. Au moins, celle qu’on se donne à soi : par exemple je voudrais bien laisser tomber quelques mots ici ou là pour aller plus vite mais je m’efforce, autant que possible, d’écrire correctement.
Je dois me décider à écrire régulièrement, chaque jour. J’ai tant à dire ! Même si j’écrivais un jour par mois pendant des heures et des heures, cela ne suffirait pas.

En revenant à la maison, je réfléchissais à ce que j’écrirais dans ce journal, comment commencer, mais en pensée c’était plus beau. Je décide d’écrire dorénavant tous les jours, même si ce n’est que trois lignes. Un cahier est bon marché, quand celui-ci sera rempli, j’en achèterai un autre avec 0,86 lei.

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