5 janvier 02
La mémoire est très importante dans la culture juive. Se souvenir de son passé intervient dans le conscient et l’inconscient. La fin de l’année 1987 était fort importante pour moi. L’année 2001 a été aussi une année ‘charnière’ dans ma vie.
Demain, je prendrai mes anciens meubles de la rue Mont Cenis. Je les ai réclamés et je m’en rends compte que je n’en ai pas vraiment envie. Pourquoi ?
Ils encombreront ici? Apporteront-ils avec eux des souvenirs douloureux? Mais il y en avait aussi des agréables. Puis, je pourrais bien utiliser les étagères pour mes livres, encore en doubles rangés.
La vérité est peut-être que je n’ai pas envie de bouleverser la maison, telle que j’ai réussi à la rendre: agréable, mais aérée.
Je crois que les prendre, donne surtout une impression de quitter définitivement un lieu que j’ai aimé, un endroit où je me sentais bien. Comme si avec le départ de derniers de mes meubles, je le quitterais davantage, plus qu’avant. Définitivement.
En fait, je voudrais pouvoir dire tranquillement « au revoir » à mon logement où j’avais habité pendant vingt ans et cela sans avoir François devant moi pour m’interdire d’entrer par ici ou regarder par là. Contempler une dernière fois l’ancien chez moi. M’assoir quelques minutes sur le fauteuil et ne rien faire. Ne pas avoir personne qui bouge autour. Ou, au plus, François jouant du piano ou l’orgue. De loin, mais même de près, attentive à sa musique ou non, j’aimais l’écouter.
Heureusement le François, mon prochain ex-mari, ne m’émeut plus, ne me fait plus mal. N’existe plus.
Il n’existe plus depuis que je l’ai vu à Celles, près de la table où je triais, le dos voûté, l’épaule courbée, visage d’enfant châtié, pris sur un méfait et tremblant presque de peur devant sa maîtresse. Écoutant avec peur quand elle l’admonestait pour avoir déformé certaines vérités et essayant se justifier «expliquer son carnet de notes». Que c’était loin de l’homme sûr et bien dans sa peau qu’il affichait être le jour où l’on eût prononcé notre séparation!
Un homme soumis, se humiliant à ce point n’avait rien avoir avec mon ancien François. Probablement, s’il ne m’aurait rencontré en 1988 il y a quinze ans, c’est ce qu’il lui serait arrivé à ce moment-là. Déjà à l’époque il était dans le SM. Mais avoir entendu ce qu’il racontait alors et le voir maintenant devant moi, ainsi soumis, sont deux choses tout à fait différentes.
C’est encore à l’intervention de sa fille que je dois si demain ça se passera bien, mais cette femme, me répétant presque mot à mot ce que Stéphanie lui avait conseillé, n’en ait pas probablement étranger non plus.
Il faudrait que je décrive l’année passée mais c’est trop tôt pour moi. Trop près. Trop douloureux?
Laissons les blessures se cicatriser.
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