Enfin; je m’y suis mise

12 décembre 2001

J’ai toujours réussi à rendre le logement où je vivais accueillant, chaud. Il a fallu que je vive presque quatorze ans dans un bordel à cause de toi.

Enfin, j’ai de nouveau un « home » agréable à habiter!

Je ne me suis pas rendu compte combien ceci m’avait manqué. Si. Quelquefois, quand lors des absences un peu plus longs de François j’avais réussi à rendre de nouveau agréable notre logement, rendre quelques grands surfaces vides, ranger tant que je pouvais le bric-à-brac, ramasser les tas.

Oui. Ce n’est pas le logement de Butte Montmartre qui me serait le cœur mais les quelques jours autour de Pâques où il était de nouveau un havre de paix, un lieu sereine de travail.

François avait un besoin maladif de s’étendre, d’utiliser chaque place libre, plat ou non, y mettre ses trucs. Journaux, revus, livres, vêtements. Au début, ce fut la table. Puis, le fauteuil. Ensuite le sofa. Et puis par terre. Traverser, bouger, devenait de plus en plus périlleux. Même le lit où l’on dormait était souvent encombré. « Ranger » pour lui c’était étaler davantage : trier. Faire encore plus de tas.

'Cacher' dans l’armoire? Impensable! Jeter? Pêché.

Au début, j’ai essayé. à Vincennes, à Celles, à Paris.

Lentement, je cédais du territoire où remplissais avec mes livres pour qu’il ne s’étale pas là aussi. Finalement, hors une étagère, il ne me restait que moitié d’un fauteuil double pour travailler assise et le lit pour dormir. Mon espace devenait de plus en plus restreint, étroit.

Jusqu’au jour où il a réussi me pousser dehors complètement de mon propre logement et ensuite m’interdire d’y entrer. Il m’a fait fuire tout en clamant ensuite que je suis partie de moi-même.

«Si tu n’auras où aller, tu ne partiras pas à cinq heures de matin» affirma-t-il d’un ton accusateur, après qu’il m’avait accusé des pires méfaits les uns après les autres depuis trois heures de matin, sortant son poison sans cesse pendant la moitié de la nuit.

Et avant, à mon retour d’USA, il avait rendu l’appartement complètement dégoutant et inhabitable. Pour ajouter une touche en plus, il avait même laissé sur la table à manger de l’entrée les bougies, flutes de champagne et bouteille de vin servi à son invité - femme une semaine avant que je revienne. Celle qu’il avait ensuite poursuivi avec pompiers entrant dans son logement et qui l’avait accusé de harcèlement.

C’est normal que je me délecte avec ce petit pavillon que je peux arranger, ranger à ma guise et avec tant des espaces vides ! Et des livres ou fleurs posés ici et là seulement. Je n’aime pas un logement trop rangé non plus, mais de là ce que j’ai trouvé en rentrant cet été, il n’y a pas de mots pour décrire la distance.

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Quand j’avais écrit le petit roman Sans limites et aussi d’ailleurs La princesse aux pieds nus, je ne me rendais pas compte tout ce qu’ils exprimaient et aussi, tout que j’avais envie et pas fait, ou plutôt, fait comme elles, malgré l’envie d’agir autrement. Elle était fâchée contre lui, ou tout simplement avait besoin de se prouver, revenir à sa contré natale, c’était mon intention de le décrire.

Au lieu de cela, il tombe malade, elle l’apprend, elle revient, le soigne. Reste près de lui.

François était tellement déprimé à l’époque qu’il ne sortait pas pendant trois mois que pour les courses et même ceci rarement. Je restais avec lui, enfermée à Celles, dans sa maison de campagne et j’écrivais. Ce que venait et s’écrivait presque seule. « L’amour, la joie, la peine, n’a pas de limites, » voulait exprimer ce roman. Mais la renonciation, les soins, non plus ? J’écrivais. Je me réfugiais dans le récit, l’un après l’autre. Cette jeune femme revenait, le soignait, l’autre pardonnait.

Ces romans peuvent paraitre durs, crus à certains, en fait les deux décrivent comment on s’en sort, on se retrouve. L’épreuve, mais aussi et le chemin après. S’en sont-elles vraiment sorties ou seulement tombées d’un à l’autre ?

Aucun de livres écrits alors n’a pas commencé avec un but, ils sont venus à chaque fois d’un questionnement que je me suis posé. «Comment pense le violeur de guerre et pourquoi croit-il que les femmes venaient d’elles mêmes, ‘la demandant’?» C’était le début de la Princesse aux Pieds nues ; «Qu’arrive-t-il quand les sadiques s’emparent de force et ruse d’une jeune femme? Comment s’en sort-elle après psychiquement?» est devenu Sans limites.

Ces questions m’ont propulsé vers les centaines de pages écrits en hâte, les uns après les autres, rêvés la nuit ou au petit jour, immobile dans le lit pour ne pas réveiller trop tôt monsieur. Attendant de pouvoir se lever, me plonger, mettre la suite du film déroulé devant moi, se passant dans ma tête, sur papier.

Je n’ai plus besoin de tranquillisant. C’est bien. Je lis, mange et cuisine, dors, mais je ne fais rien d’autre encore. «Lèche mes blessures» disent les Anglais. En attente que ça passe.

Hier, je crois, Stéphanie a du être opéré de cataracte. J’ai pensé à elle dimanche, mais finalement je n’ai pas appelé.

Je suis allée nager seule. J’ai passé des agréables heures avec des livres de Judith Ivory. Elle a pris le canevas des divers contes de fées: la belle au bois dormant, la belle et la bête, l’histoire de Pygmalion (à l’envers), etc. et les a modernisés, en écrivant des merveilleux romans. Elle a créé des héros (mieux que ses héroïnes) inoubliables. Humains, vivants, amusants. J’ai une nouvelle romancière préférée. Merci Ivory de m’avoir tenu compagnie lors des jours difficiles!

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