Il pleut dans mon coeur

30 octobre 1998

Il pleut dans mon cœur,

Il pleut sur la ville…

Pourquoi cette furie noire ? Qu’est-ce qui bouillonne en moi ?

Je sais ce que l’a provoqué ce matin : voir François étouffé de panique (ou maladie ?) en cherchant quelque chose avant notre départ vers la maison de campagne.

Il cherche toujours quelque chose avant sortir, j’y suis déjà habituée, je m’y suis fait. En même temps, il ne supporte pas que je continue tranquillement à « tapoter sur mon macintosh », il faut que je bouge, je m’agite, prépare notre sortie. Il ne veut surtout pas de l’aide à rechercher ce papier, ce bas, cette paire de lunettes, enfin cette chose qu’il lui manque la dernière minute. Mais ce matin, il était plus angoissé que d’habitude et j’avais l’impression qu’il arrivait à peine respirer.

- Va contrôler ta respiration à l’hôpital, François.

- Je n’ai rien avec ma respiration.

- Va voir un docteur, Mayer (Il s’est bien occupé de son embolie).

- Non, pas lui.

- Alors un autre.

- Quel docteur ?

Si je demande, ce qu’il a, ce qui ne va pas, il répond :

- C’est moi qui ne vais pas.

Combien de temps ?

Deux ans déjà qu’il est dépressif. D’habitude, je le soutiens, tendre, patiente. Pourquoi j’étais tellement énervée ce matin, et le suis encore cette après-midi ?

Il passe son agitation sur moi.

Ensuite, il est en train de jouer, merveilleusement, au piano. Mélodieusement. Le piano accordé, quels beaux sons ! Il s’y perd, il s’y retrouve.

Je l’écoute de loin, son jeu me rassure un peu. Mais la fureur est toujours en moi. Un peu moins, depuis que j’écris, mais mes bras, mon corps sont encore crispés, tout n’est pas encore retombé. Et surtout, je voudrais savoir, pourquoi est–ce arrivé ?

J’ai encore quarante minutes, puis je dois le conduire à l’église où il a un rendez–vous avec une femme qu’il a commencée à enseigner à jouer de l’orgue. Je me mettrai au café habituel entre temps où j’irai à la petite librairie près de la place centrale. Il ne conduit pas.

Quelquefois, le poids est trop lourd à porter.

Puis, depuis quatre ans je tremble : s’il disparaissait d’un coup? Il a failli. Il a mauvaise mine. Ses malaises, sont-ils psychosomatiques ou physiques? Comment savoir? Que faire?

Quelquefois, comme hier soir, il se dispute pour des petits riens. Ensuite il demande pardon, il s’excuse, il regret. Trop tard. Je suis toute retournée. Hors proportion, je sais. Quelque chose arrive de loin, avec quoi ceci est lié. Pas avec lui. Nous le savons. Hier soir, pour dormir j’ai dû prendre un somnifère, je tremblais. Je ne lui ai dit, il n’aime pas les médicaments. Ni pour moi, ni pour soi. Mais j’ai dormi sans insomnie jusqu’à ce matin.

Il m’a encore serré contre lui au réveil. Je l’ai serré, moi aussi. Comme s’il ne voudrait jamais se lever. À un moment donné, je me suis éloignée, préparé le petit-déjeuner. Nous avons mangé, bu, il s’est remis au lit écouter la télé et moi j’ai commencé à travailler dans la pièce voisine. Puis il s’est mis à préparer à s’en aller. J’ai tout ramassé de la cuisine, pris ce dont j’avais besoin pour mon travail, il n’y avait pas beaucoup à emporter et ça est allé vite.

Comme il n’arrivait pas à se à ce que prendre encore avec lui, j’ai nettoyé la cuisine. Il n’était toujours pas prêt. J’ai pris les messages Internet, j’ai répondu aux miens. Il était enfin en veste. Bon. J’ai fermé l’ordinateur.

- On s’en va ?

C’est alors que je l’ai aperçu blanc, paniqué, cherchant à respirer.

- Qu’arrive–t‑il ?

- Je ne le trouve pas !

- Quoi ?

Il ne répond pas. Il fouille. Dans notre grand tas de merdes.

- Le papier pour répondre.

Il a un tas d’ancien journaux à la main, mélangés avec des quittances.

- Quel papier ?

- Arrivé d’Amérique.

Probablement un abonnement.

- Maintenant ? C’est urgent ?

- Je ne trouve pas tous mes bas non plus. (Pour serrer ses jambes)

- Tu as lavé la dernière fois.

- Ils se salissent vite.

Il voulait partir, il ne voulait pas bouger non plus.

- Si on n’y va pas maintenant, les boutiques seront fermées là-bas.

- On y va, on y va. Je suis prêt.

- Prends tes lunettes.

- Où sont-ils ?

- Sur le bureau.

Il les trouve.

- Et ta carte intégrale, ton portefeuille.

- Je sais, je sais.

Il regard autour de lui les yeux perdus.

- T’as pris ton médicament ?

- Oui, bien sûr.

- Que cherches-tu encore ?

Il ne répond pas.

Non, il n’est pas malade, non, nous avons encore toutes nos facultés, au moins mentales. Il est plus génial que moi.

Mais hier il m’a dit « Tu as plus d’élèves que moi. » (Au club des retraités)

Et alors ? S’ils restent… Il enseigne l’informatique à haut niveau, moi j’anime un groupe d’écriture, et malgré tout il m’envie. Est-ce vrai?

Quand j’ai une période pendant laquelle le travail coule, profite de temps quand il joue de piano ou orgue ou regard un feuilleton de télévision qui le passionne et j’écris, je corrige, je me perds dedans. Il ne le supporte pas. Il me réveille de ce que je fais, crie:

- Tu as encore pas fait ça et ça. Bon, alors je ne mange pas, bon, alors je m’en vais.

Il ne s’en va pas.

Pas plus loin que le lit, ou quelquefois le fauteuil dans l’autre pièce où il boude dans le noir pendant quoi je m’inquiète.

Mais ce matin, rien de ceci ne c’était passé. Qu’est-ce qui m’avait tellement sortie de moi? Que m’est‑il arrivée?

J’écris, j’écris, je ne trouve rien.

J’envie de dormir, je ne peux pas.

François joue toujours, mais moins fluide.

Bientôt, il me demandera : « Alors, tu viens ? ! ! »

J’irai.

Je voulais me plonger dans l’écriture, mon travail, mais pour cela il me faudrait de temps et du calme. Comme on dit, on doit écrire des heurtes de passé à partir d’un lieu douillet, agréable. Je suis bien dans les bras de François. En général.

Suis-je une bouée de sauvetage pour lui ? C’est passager. À la longue, si on n’arrive pas à la rive, une rive quelconque, il peut se trouer, se dégonfler, se fatiguer. Exploser. Couler. Lui, et le poids qu’il soutient, sont lourds à porter.

Il pleut. C’est humide et gris. Triste. Vide.

Je sens un grand désespoir en moi, ce soir.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

PArfois un trop plein donne cela.
Cela m'est arrivé, il n'y a pas très longtemps.
après deux ans d'incompsion total sur un truc.
Et le desespoir coulen en toi, sans que tu vios de porte de sortie.
Comment s'en sortir.
Si jamais on peut le faire d'ailleurs.
Visiblement, non pour toi, vu que tu as divorcé d'avec Francois.

Pour ma part, je me dis que nous pouvons nous en sortir.
Mais si plusieurs fois cela se reproduit, arriverais-je à sortir, seule ou presque, de ce desespoir ... Je me pose la question, je m'engoisse aussi.
Et ne trove pas d'autre réponse que d'avancer, seulement avancer en essayant de fiare que cela aille mieux ...

Et surtout je veux y croire, sachant que ca peut être encore plus pire ;-)
Alors comme j'y tiens, et que nous sommes deux à y tenir, nous remontons, à deux ;-)
Je t'avoue que le fait d'être sans enfants pendants trois semaines va grandement y contribuer ... car eux nous génère au moins 80 % de notre stress, de notre mal-être.
Pas facile de résoudre des problèmes improbables, et dont on se dit souvent "mais il n'y a pas de solution", ou plutot, la solution ne peut pas venir de nous, pas complètement, mais d'eux, avant tout, et seulement s'ils le veulent ....
Le veulent-ils vraiment ......
On ne sait pas !

Sophos

Julie Kertesz - me - moi - jk a dit…

chère amie, j'espère que vous, vous en sortirez, mais ne laissez votre vie s'altérer à cause des gosses qui partiront de tout façon en peu des années, ce qu'ils veulent ou non, souvent ils ne le savent même pas, mais ils sont très fort a utiliser tout faiblesse et jouer les uns contre les autres pour avoir un petit avantage ou tout simplement montrer leur forces,

attention!

dans mon cas, j'ai supporté tant que j'ai pu, mais ce que je voulais montrer ici et les suivants, c'est comment cela a dételioré et de plus en plus,

les problèmes grâves ont commencés pour moi en 1995 mais j'ai tenu encore et encore et plus, ayant quand même aussi des compensations et communication assez longtemps, mais à partir de 97 de moins en moins et ensuite, après que j'ai eu quelques succes, avec mon atelier d'écriture, mon récit sur le nez, il ne l'a pas supporté du tout!