– Suis-je douce, vraiment ?
– Tu es douce; tout à fait, dit-il.
– Tu étais bon même avant, quand je t’ai connu
– Non, j’étais un ours mal léché, dans ma caverne. Je ne vivais plus, je végétais, je tournais en rond.
– Tu m’as tenu par l’épaule avec tant de tendresse déjà, dès le début.
– J’étais encore platement sauvage. Tu m’as donné tout !
– Tout ?
– La vie, le bonheur.
– Tant que ça ?
– Tu a chamboulé la vie. Je le sentais déjà à l’époque que tu serais importante, je ne savais pas en quoi, mais… C’est pourquoi je voulais déjà qu’on reste ensemble longtemps, très longtemps.
– Vraiment, déjà, alors ? Au début ?
– Tu m’a donné la musique !
– La musique aussi, tu l’avais déjà, tout autour de toi. Tu écoutais le radio jour et nuit, tu t’enivrais de ca
– La musique n’était pas encore en moi, c’est toi qui m’a donné ca. Je ne jouais plus, ni piano, ni orgue. J’avais joué toujours trop lourdement, difficilement. Je ne jouais plus du tout quand je t’ai rencontré, je ne savais pas accorder mes doigts, mes mains, l’un avec l’autre.
– Tu as appris à ressortir tes sentiments
– Je ne sais pas pourquoi, mais tu m’as donné la musique!
– Tu as exercé tes doigts sur moi, avec finesse et expertise, sourit-elle.
Il réussit trouver les cordes sensibles.
– Ce n’est pas ca. C’est en moi. Quelque chose est tombé, répond François, c’est arrangé et d’un coup, ça a démarré. Ça marche de mieux en mieux. Ce Schubert, je l’ai joué, il y a un an, ça marchait mais pas très bien. Maintenant, je le joue une fois et la deuxième fois, cela marche tout seul.
Il se lève et continue me parler tout en s’habillant.
– Je sais des passages entiers, je peux les jouer sans regarder. Quand je fais une faute, je comprends toute de suite à quelle note, mes doigts tombent bien là où il faut. J’ai le frasé en moi. Je sais où faire des pauses et le frasé viennent tout seul. C’est toi qui m’a apporté tout ca.
– C’est notre amour qui l’a provoqué.
Un peu plus tard, je demande :
– Veux-tu me jouer quelque chose ?
– J’y vais.
Après quelques morceaux, il demande :
– C’était bon ?
– Merveilleux. Mieux que jamais. Surtout le premier, Schuman ? Je me sentais caressée de loin…
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