Julie est François dorment dans le bras l’un de l’autre. Chaque fois qu’ils tournent, c’est l’autre qui entoure des bras. Les nuits d’hiver sont longues, cette nuit de fin décembre parait sans fin.
Aujourd’hui, il a mal dormi. Trop de soucis. Il s’est retourné sans arrêt. Elle n’est pas trop dérangée. Qu’elle l’entoure ou c’est son mari qui l’enlace tendrement, elle se rendort rapidement chaque fois. Ce qui la soucie est la cause de cette agitation, la cause de cette fatigue de François, la cause de cette réponse à ses questions.
Il avait dit le soir :
– C’est fini.
– Quoi ?
– Tout.
Comme d’habitude, elle s’est réveillée tôt. Dehors il fait encore nuit, mais ce matin, il restera ainsi encore longtemps. Elle n’ose pas se lever, il se réveillerait. Elle n’ose pas trop bouger, non plus. Mais elle ne trouve pas sa place : à gauche, à droite, sur le dos, pas de repos, de tranquillité.
Que faire ? Comment l’aider à s’en sortir ? se demande-t-elle.
J’ai pris ma retraite avant lui, se dit-elle. Je me suis souciée, tourmentée aussi. Avant de partir de mon travail, j’avais senti un tel déchirement. Je savais qu’il y aura quelque chose d’intéressant, une merveilleuse surprise m’attendant après le coin. Mais c’était dur, même avec mon optimisme. Je ne voyais pas à travers, tout était noir. Tout était dans le brouillard. Et puis, seulement trois semaines après mon départ, je me suis mis à écrire, traduire, me souvenir, - pour passer le temps en attendant le miracle. Je me suis d’un coup rendu compte qu’il était déjà arrivé. Écrire, me faisait un infini plaisir.
Depuis, j’ai eu des hauts et des bas.
Des handicaps de langue, grammaire. Le plaisir de mes lecteurs. Les découragements dus aux critiques. Des ravissements dus aux regards d’autres ici et là.
Tout cela c’est passé finalement sans grande secousse. J’ai trouvé ma nouvelle voie. Puis, quand il fallait, aussi une autre avec mon travail volontaire aux réseaux d’échange de savoir et tous les merveilleux êtres rencontrés à cette occasion.
François est déjà trois mois après sa retraite et de plus en plus mal à l’aise. Et pourtant, il a mieux préparé sa retraite. Je ne parle pas de sa pension, triple du mien, ni de sa maison payé déjà tout à fait. Mais même pour l’activité future, depuis une année déjà, nous avons commencé à nous préparer.
Oui, juste le Noël dernier qu’on avait assisté à la messe de minuit à Crécy, il s’est présenté à l’organiste et a demandé : « Puis-je jouer quelquefois ici ? participer ? »
Ce Noël-ci, François a joué dans une autre église, avec un bel orgue ancien, il a joué toutes les messes comme l’organiste de la paroisse, il a plusieurs différents orgues à sa disposition.
Il aime la musique, le chant, le piano, l’orgue, comme moi j’aime les livres, l’écriture. J’espérais que cela l’aiderait dans le changement de sa vie.
François n’arrive pas à se détacher de son métier, le même métier que j’avais les quinze dernières années, lui l’a pratiqué depuis trente-cinq : l’informatique. Il a continué à offrir des conférences, des ateliers à l’Université, aussitôt qu’il avait pris sa retraite. Au début, il était enchanté : plus de quarante étudiants sont venus l’écouter. Puis, ils se sont effrités. La dernière fois, il y a eu seulement deux personnes à son cours. Il est découragé.
Il court d’expo en expo, parle, discute avec les exposants, leur explique ses points de vue, ses vérités sur le futur, leur offre son aide, ses conseils. Ils ne le relancent plus. Ils ne veulent même plus lui parler. Il est de plus en plus découragé.
Il continue l’orgue, mais la musique ne lui fait plus tant de plaisir qu’avant - et, de toute de façon, avec son intelligence bouillonnante, son énergie habituelle, il veut autre chose aussi. Mais quoi ?
Se tourmentant les nuits, se tourmentant les jours, il devient de plus en plus fatigué, il devient malade.
– J’ai mal !
– Où ?
– Partout. Ça va mal partout, dit-il.
Quand il a mal à la tête, quand il a mal aux intestins, quand ses os lui font mal.
– Tout s’en va, affirme-t-il de plus en plus souvent.
Finalement, à la longue, il a réussi à me décourager moi aussi. Ma tête tourne, je sens m’en aller, tout m’est égal. Rien ne va plus.
Il vient de se réveiller.
Je me plains :
– Je te comprends aujourd’hui. Ce n’est pas la peine de continuer à lutter. Disparaissons, ensemble.
Aussitôt, il m’entoure de ses bras tendrement. Il devient subitement fort. Il se lève, prépare le petit–déjeuner. Écoute le dernier récit que j’ai écrit. M’apporte le déjeuner au lit, exceptionnellement. Me sourit.
– Je me sens bien d’un coup. Nettement mieux.
– C’est moi, maintenant…
Mais depuis le déjeuner au lit, les caresses et tendresses de François, le voir redevenu fort, soucieux, amoureux, se sentir choyée, je me sens moi aussi nettement mieux.
Les soucis ne sont pas disparus, le nouveau chemin de François n’est pas encore sorti de la brume, mais le soleil sourit de nouveau, même si c’est le soleil froid, dur d’hiver.
Nous sommes ensemble, c’est le principal. Vraiment, vraiment ensemble ! se disent-ils en eux-mêmes puis aussi de haut voix. Et, ça, c’est vraiment bon !
– Je n’ai plus envie de rien. Ça n’est pas à cause de toi.
– Si. Je me suis complètement appuyé sur toi, dit-il.
(Oui, Avec ses cent kilos et ses énormes soucis, me dis-je).
– Non, ce n’est pas pour ça.
– Si, si, si, si, si. J’étais perplexe pour ça, et autre. Perplexe, et je ne me suis pas occupé de toi. Il l’attire contre lui et continue: Je ne sais que faire. Mais en reposant, je vais mieux, ma santé s’est améliorée.
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