Signes de l'âge

À 65 ans, elle se regarde en miroir : les cheveux blancs, oui, mais son mari aime ça ! Depuis cinq ans, elle ne les cache plus. Pas de rides, mais trop grossie, seins tombés et oui, sur ses mains (sinon le visage) les rides trahissent son âge. Qu’importe ! Quand son mari la caresse, elle devient lumineuse, rayonne, elle retrouve son visage de jeune femme comblée.

De temps en temps, le miroir m’effraie, quand je suis fatiguée, irritée, une vieille sorcière se reflète dedans, les années de malheur, souffrance et désillusions ont laissé aussi les traces sur mon visage. Rapidement effacés sitôt que je pense à François, à mes enfants et petits-enfants. Sur cette photo avec mon premier petit-fils, Alexandre, j’apparais si jeune, si plein de bonheur, si rayonnante !

« La calinothérapie est meilleure que tous les crèmes », affirme François. Il a raison.

Signes d’âge ? À 65 ans, elle se sent mieux dans sa peau qu’à 35 ans - il y a trente ans.

Signes d’âge? Une démarche plus lourde, les cheveux blancs, des os fragiles, une expérience à partager.

Signes d’âge? Une jeunesse et joie retrouvée. Faire l’amour dans la forêt, nager nue dans la mer, s’embrasser dans la rue ou l’ascenseur. La vie est belle avec François. Jeunesse, rêves retrouvés pour les deux.

Signes d’âge? Rhumatisme, crampes soudain dès réveil, fatigue plus rapide, les yeux ont besoin de lunettes pour lire ou écrire.

Je dis en souriant au miroir et à François : «Près de toi, je n’ai pas peur de vieillir!»

Et François ?

Vieux déjà à trois ans, il s’est senti revivre, jeune entre vingt et vingt-cinq ans. Beau jeune premier, étudiant excellent, chef de chœur, meneur de bal, tombeur de filles. Puis, esseulé, piégé, obligé de se marier, un premier enfant « né trop tôt ». Sa femme l’adore au début, puis elle s’attache ailleurs où on lui dit que faire, s’engourdit de plus en plus dans une secte. Il désespère, grossit, se perd dans son travail. Il se sent fini, épuisé. Il divorce.

« Ma vie est finie » se disait-il à 45 ans.

Une jeune étudiante s’est attachée à lui, elle avait un petit-fils à élever, comme le jeune garçon mort de François. Mais rapidement, elle le regard comme « vieux » : il le devient. Que faire? Rester à côté d’elle, volage? Impuissant. Est-il vraiment? Elle le quitte, pourquoi?

Voûté, ses dents tombent les uns après les autres.

« Personne ne veut plus de moi? » Minitel. Messagerie rose. L’argent qui s’en va, argent emprunté. Dettes. Presque plus des élèves non plus.

Rencontre avec Julie. Elle me regarde avec des yeux… Est-ce encore possible? Je me fais des rêves de nouveau!

- Tu sais, je suis vieux, à mon âge, me disait-il, au début.

- Non, tu n’es pas vieux, répond-elle.

Il regagne sa vigueur, son dos se redresse, sa démarche change. Il se fait de nouveau dents, regagne confiance. « Non, je rêve. Elle va me… » Changement d’humeur. Souvent.

Au fil des années, il commence à y croire.

Embolie. Hôpital. Réanimation. Il en sort à 65 ans avec une barbe nouvelle, un nouveau sourire, la vigueur retrouvée.

« Que c’est bon la calinothérapie ! »

Stéphanie avait raison disant : « L’important est de ne pas mourir avant de vieillir ! rester jeune dedans. »

Je me souviens, se dit François, quand je l’ai connue, la peau de Julie était rêche, maintenant elle est devenue douce à caresser, douce à force d’être caressé. Elle même, raide, distante au début, est devenue chatte, murmurante.

Que sa peau est douce quand je me mets tout près de lui, quand il m’attire plus près, se dit Julie. Que ses yeux étincellent. Caressent.

Que sa voix est caressante le matin quand il me demande :

« Alors, cet homme te va ? » et me serre d’avantage contre lui et ajoute : « Ma dame, c’est bon de se réveiller avec toi! »

À 65 ans, quand il la caresse, ils sortent d’elle des sons qu’elle n’ait jamais osés : lui aussi gémit de plaisir sous les caresses. Ses doigts de musicien, d’organiste, pianiste, savent aussi jouer sur cet instrument si sensible, si « responsive », d’après lui, d’après elle aussi, plus que jamais son corps répond.

Noël arrive, les enfants filment, montrent la vidéo.

Je suis atterrée «Est-ce moi, cette vieille voûtée?» Pas possible! Mais je reconnais des autres pourtant. Puis ma petite fille par alliance se lance dans mes bras avec une grande sourire, une énorme confiance et tendresse. Elle me voit tel que mon mari, elle sent ce qui irradie de l’intérieur.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

ce passage eest tres beau remplie de poesie
c'est si vrai ce que tu dis
et ce passage aussi de "est-ce moi..."
aie aie aie s'accepter avec les yeux de l'enfant qui ne juge pas mais "est" tout simplement
apprendre à s'aimer!! aie aie aie