Lune de miel

25 mai 1990

Hier, François a eu 60 ans : jour de miel, un long, long mois de miel !

Depuis quand ? Un jour, on est allé se promener dans le parc des Buttes-Chaumont. On est revenu amoureux et d'un coup vraiment très près l'un de l'autre. Il y a eu un changement, dû peut-être aux autres choses aussi. François s'est calmé, et moi avec lui. Puis, deux semaines plus tard, nous avons fait “le tour de monde en 16 jours”.

Chicago, où l’on a entendu des conférences sur des futures tendances intéressantes, correspondant à ce qu’on veut faire. À l'Expo, François a “plu" à deux femmes et il a été fier de me le raconter. J'ai été sincèrement heureuse pour lui, mais il n'a pas dit assez vite "mais". J'ai donc bien fait de partir une journée avant lui et il s'est retrouvé là-bas libre mais finalement, tout seul, sans ces femmes qu’il s’était imaginé qu’il lui avaient souri.

On s'est retrouvé à la MacExpo de San Francisco et nous sommes partis à travers Los Angeles à Taipei. À l'hôtel de l'aéroport, une grande porte vitrée est entrée en conflit avec mon nez, heureusement sans me laisser de dégâts durables.

Ensuite on est arrivé à Okinawa, l’île que François me promettait, l'île que François me dépeignait depuis des mois. C'était encore beaucoup plus fantastique, mieux qu'il ne le croyait, qu'il le disait et beaucoup, beaucoup plus que je l'espérais.

Nous nous sommes retrouvés, ensemble, parmi des étrangers souriants, très très ensemble, à midi dans des restaurants avec des plats étranges et le soir en kimono japonais tous les deux.

De temps en temps, dans un embouteillage, puis visitant une caverne pleine de stalactites et un magnifique jardin botanique, ensuite nageant dans l'eau limpide des mers de Chine. Vivant, profitant de la détente, s’écoutant l’un l’autre et la nature. François a une soif de vivre, de connaître, de faire, inassouvi, extraordinaire ! C’est formidable, quelquefois fatigant, mais à Okinawa j'ai bien suivi. Je suis un peu plus douillette, fatiguée et moins curieuse que lui ou plus rapidement satisfaite, mais c'était formidable.

De retour de ce paysage fantastique, exotique, lointain, à Taipei j'ai été déçue de trouver une grande ville frénétique, pleine à craquer de gens qui ont perdu leur sourire quelque part sur la route.

« Reste à côté de moi tout le temps » m'avait demandé François - pour mieux résister à la tentation presque continue que la femme de notre copain lui a fait subir, surtout au début, par plus que des allusions. Fatiguée, je me suis assise une heure. La copine de notre ami s’est alors rendu compte que François avec ses curiosités acoustiques et techniques regardait à travers elle comme si elle n'aurait pas existé ; elle s'est enfin fâchée et partie. Ensuite nous avons pu passer quelques heures agréables en nous baladant seulement avec notre copain, le fils de Stéphanie.

Avant de partir de Taipei, nous avons fait encore « une sieste » inoubliable dans notre hôtel, où l’on nous a fait payer : 2 jours et... 2 heures !

Pour le retour, 30 heures presque sans sommeil auquel j'ai mieux résisté que je ne le croyais. Paris. Travail sur les “Charges d'Enseignement“. Promenade dans le parc de Bagatelle entre des haies pastel incroyablement jolies.

Et notre lune de miel continue ! Elle est encore mieux qu'en voyage. On est très très près l'un de l'autre et extrêmement heureux. J'aimerais beaucoup me marier avec François.

Mais surtout faire durer cet état des choses qui existe maintenant entre nous. La Celles, l'amour dans les bois. Cette jeunesse qu'on sent en nous, les baisers de François qui me font fondre complètement. Cette certitude de l'amour de l'autre. Ce plaisir de voir la télé, des fleurs - ensemble. Partager. Se tenir la main.

Agnès s'est fiancée et se marie en décembre. Lionel est parti pour deux semaines avec Sandou, son père, vers la Roumanie.

Nous sommes profondément, magnifiquement heureux.

Peut‑on analyser, disséquer le bonheur ? Peut-être. Mais je ne le ferai pas aujourd'hui.

Je suis fatiguée, je me repose, je m'endors.

François voulait se marier, mais après que je lui ai raconté que Stéphanie, qui nous aime, m'a dit de ne pas le faire, il ne demande plus ma main. Pourquoi ? Il a confiance en Stéphanie ? Ou alors ce qui était important était seulement que je le veuille, moi aussi ? Ou bien il a compris profondément pourquoi ? Maintenant c'est moi qui le voudrais. Je sens qu’il serait sot de pas nous marier. Mais si elle avait raison et que cela abîmait nos liens ?

On se connaît, on se comprend et s’accepte mieux. Plus et surtout avec plus d’humour. Et l'humour aplanit, dégonfle tout énormément vite et efficacement.

On rit, on vit, c'est merveilleux !

En Roumanie, les premières élections "libres" depuis 40 ans... On a commencé à se rendre compte en quel état indescriptible le communisme a mis les gens, leurs nerfs, leurs habitudes. On ne sort pas sans dégâts d'années de prison. Peut-être pas tous les 40 ans, mais les 15 dernières ont été tout à fait épouvantables là-bas. Pour moi, je n’y suis plus allée, depuis que ça a été de plus en plus horrible. Même si Iliescu et sa bande communiste, arriviste n'est pas l’idéal, peut-être faut-il une transition. Ainsi les "vagabonds" jeunes et intellectuels de Bucarest et leurs sympathisants auront le temps d’apprendre comment faire, agir, réparer.

Construire. C’est bien plus dur que détruire.

Des choses, des gens sont détruits d'une pelle, une bombe, un mot, une balle, mais pour reconstruire, renaître il faut beaucoup de patience, de travail, d’application, de sagesse, et si possible - tout cela ensemble.

Même si j'ai découvert finalement que Danielle, la collègue de travail de François, était mauvaise pour lui (et se servait de lui tout en le flattant), il aurait fallu le lui dire plus délicatement. Peut-on dire une mauvaise nouvelle gentiment ?

Après un matin de hurlements et crise de nerfs, François m'a avoué qu'il savait déjà qu'elle était nocive et qu’elle lui avait fait du tort dans des domaines dont je ne savais rien.

Quelquefois cela m'arrive à moi aussi : on n'aime pas, on évite de regarder en face les vérités désagréables, on s'obstine à voir les gens tel que nous voudrions qu'ils soient, qu'on a vu au début à travers nos rêves et désirs.

Toujours Spinoza :

“Il faut distinguer la compréhension de l'imagination. Pour savoir réfléchir sur le mouvement d’acquisition, il faut d'abord sortir de l'esclavage de l'imagination.”

Est-ce un esclavage ? L’imagination peut souvent nous induire en erreur, relativement à la vérité.

Est-ce mieux de savoir la vérité ?

Spinoza parle des trois richesses que les gens poursuivent :

Volupté (ah oui ! quand on peut...)

Honneur (agréable, mais pas important pour moi; par contre plus important pour François).

Et richesse (ceci nous intéresse seulement dans la mesure où cela nous permet ou nous interdit de poursuivre nos recherches, voyages et découvertes).

Spinoza dit que la volupté empêche de penser, qu'elle est suivie d'une tristesse profonde qui engourdit l'esprit (?)

Notre félicité et malheur, dit-il, dépendent de la qualité de l'objet auquel nous adhérons par l'amour, en effet, jamais des disputes ne naîtront à cause d'un objet qui n'est pas aimé, quelquefois à cause des objets qu'on imagine aimer ou s'attacher. L'amour des choses périssables, l'amour charnel, gloire ou richesses ne nous font tort que s'ils sont des moyens pour autre chose et usés avec mesure.

Il faut connaître notre nature et la nature des choses, les classer par différences, ressemblances, oppositions ; concevoir ce qu'elles peuvent supporter, ce qu'elles apportent ; comparer ceci avec la nature de l'homme.

Comprendre tout ce qui doit être, faisant également que l'esprit ne soit pas fatigué par des choses inutiles.

Je revois aujourd'hui le papier que j'avais écrit, l'analyse détaillée d'après le livre “Hidden Job Market” trouvé dans une bibliothèque de San Francisco.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Une promenade au park du butte chaumont, et nous sommes revenus unis et heureux,

Chicago, Los Angeles, Taipei, Okinowa (le tour du monde...)

Okinowa est son peuple "non japonais! oknaovaien!" l'ile au mer clair et chaleur agréable,

oui, heureusement il restent aussi des bonnes souvenirs décidement dans notre vie!

je voulais, il pouvait, nous nous sentions jeunes de nouvaux et si unis, si près l'un de l'autre!

on est revenus, décidés finalement de 'sauter le pas' et nous marier bientôt

Anonyme a dit…

oui, cela se sent dans tes lignes ;-)

je t'admire dans la facon que tu as de tirer toujours un plus d'une mauvaise passe.
Je sais souvent voir, ou comprendre. les autres ou moi ..
Mais ce n'est pas facile del l'accepter pour soi, et de passerà l'"acte" pour soi.
De se voir comme on est ...avec ses qualités, mais aussi ses défauts ..Et les combattre ...

Parfois, j'aimerais avancé aussi bien. Voir aussi clair ...

Ce n'est que rarement facile .... surtout quand on est plusieurs en cause !

Sophos