Il existe un "nous"

5 septembre 1990

Hier, Lionel a eu mal au ventre, j’aurai dû aller chez lui - surtout pour lui montrer que je l'aime, qu'il n'est pas oublié, mis à l’écart.

Autrement, puisque je ne suis pas allée (mauvaise Julie, tu penses tard !) cela l'aidera à devenir plus rapidement adulte - il est temps, il avait besoin. Pour Lionel. Pas pour moi. Vis-à-vis de moi, il se comporte déjà comme un adulte et fils aimant. Mes deux enfants m'aiment chaleureusement.

Qu'est- ce qu'il lui arrive à François ? Il a peur, de quoi ?

De ce qu'il "n’obéit pas" à la volonté de sa sœur, de ce qu'en sortira ? Ou de la vie, notre bonheur ? ou pour nos problèmes matériels ? Pourquoi est-il tellement fatigué, abattu, mal au ventre ? Il faudra qu'on en parle, mais quelquefois c'est difficile, même si la communication entre nous est bonne parce qu'il (et Lionel aussi) essaie trop de ne pas me heurter. Sait-il, lui même ce qui lui fait mal ?

Bientôt ce cahier sera rempli.

Stéphanie m'a dit qu'elle voulait seulement que qu'on veuille très fortement se marier tous les deux, qu'on soit très sûrs. J'espère que c'est ainsi. Je l'espère beaucoup.

Elle arrive en novembre. Nous l'attendons. Même si pour le moment, nous sentons qu'on voudrait se dépêcher se marier pour que rien ne vienne l’empêcher. Nous le voulons tellement, tous les deux ! ! Vraiment de l’intérieur, sérieusement. Peut-on "y réfléchir" quand on est amoureux et heureux ? Peut-on se marier si on ne l'est pas ?

Nous nous connaissons depuis bientôt trois ans et nous vivons ensemble depuis deux ans et demi. Nous avons fait un très grand et long chemin pour nous rapprocher, à travers monts et vallées. Nous l'avons senti, pressenti déjà depuis la première minute que quelque chose très fort nous liait ; surtout le soir quand il m'avait serré contre lui pour la première fois et à ma forte réaction instinctive à sa tendresse. Mais nous étions encore deux étrangers, inconnus l’un pour l'autre, venant de deux mondes différents. Depuis, le temps est passé. Beaucoup des choses se sont passées autour de nous, entre-nous, bonnes et mauvaises. Il a fallu tout ça pour qu'on se connaisse mieux et qu'on arrive plus près l'un de l'autre.

Maintenant, il y a déjà un "Nous". Cela ne m'est jamais arrivé avant, avec aucun homme.

J'ai eu un sentiment similaire avec Sandou quand Agnès est née, "Nous" avions été ses parents. Et nous sommes les parents de Lionel. Mais ce sentiment de l’union n’était pas le fort lien qu'on sent entre nous maintenant entre François et moi.

J'ai aimé Paul et je me suis sentie bien avec lui, mais je n'ai jamais eu avec lui un lien intellectuel et en moi-même je sentais toujours quelque chose très trouble sans pouvoir le définir. C'était agréable de se blottir près l’un contre l’autre comme deux enfants, mais aussitôt réveillée ce n'était déjà plus ça. Et après quelques mois agréables, il s'est refermé, a commencé à revenir ivre. Même avant il a seulement fait semblant de m'aimer, en croyant qu'ainsi j’allais continuer à l'entretenir.

Et François ?

Il est un homme "tourmenté", un homme qu'on n'a pas élevé selon le principe qu'on a le droit d’être libre et heureux - comme m'a toujours dit ma mère. Peut-être est-ce cela qui l'inquiète ?

On se ressemble tant. Et, depuis un temps, on a de plus en plus d’humour dans nos relations. On sait mieux "traiter" l'autre, quand quelque chose ne "tourne pas rond".

Problèmes ? Peut-être seulement le fait que je n'ai pas encore très envie de travailler. Je me suis trop habituée à me reposer, à faire l'amour, à ne pas lutter. Avec le temps, ceci peut devenir un problème, il faut que je prenne sérieusement la vie, le monde, mon travail et le gagne-pain.

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