2 mai 2003

On croit un passé être d’une certaine façon. Certains faits s’avèrent vrais, d’autres non.

***

Il y a deux semaines, j’ai gardé David (deux ans et demi). Il mangeait, j’étais assise dans la cuisine près de sa chaise haute.


Pourquoi tu as bobo ?

J’ai coupé le pain.

Pourquoi tu as coupé la baguette ?

J’ai aussi coupé mon doigt.

Pourquoi tu as coupé la main aussi ?

J’étais pas assez attentive.

Pourquoi tu as pas été assez attentive ?

J’étais fatiguée.

Pourquoi tu as été fatiguée, mamie Julie ?

Parce que j’ai trop travaillé.

Pourquoi t’as trop travaillé ? Pourquoi tu as un trop petit bobo ?

Parce que le couteau était petit.

Pourquoi ?

On coupe la baguette avec un petit couteau.

Je veux de la baguette, là, s’il te plait. Et un couteau. (il montre dans son livre, maintenant nous sommes déjà sur le sofa du salon). Là.

C’est toi qui va couper le pain. On peut le faire. Attention ! Ta main est trop près du couteau (du livre).

Et toi, mamie Julie, là. Tu est là! Pourquoi tu es là ?

J’étais partie pour quinze jours.

Elle est près de ta tête, mamie.

Là.

Mamie Julie, me demande alors Gabrielle, quatre ans, pourquoi tu as un chapeau sur la tête ? (sur cette photo)

Parce que j’ai un chapeau.

Pourquoi tu as un parapluie sur la tête?

Parce qu’il pleuvait.

En regardant le livre, maintenant nous jouons à pourquoi, tous ensemble et faisons semblant d’utiliser les objets qui s’y trouvent.

***

Je donne à Gabrielle le dessin que son cousin Alexandre lui a fait et envoyé à travers moi et aussitôt elle commence à chanter :

Araignée Gypsy, monte sur la gouttièrrrre ;

Arrive la pluie, Gypsy tombe par terrrre.

Mais voilà, revient le soleil,

Gypsy remonte sur la gouttière.

Jusque cette minute, je ne me suis pas rendu compte des enseignements et philosophie de cette petite chanson, illustré sur une bande vidéo que les gosses regardent souvent. C’est notre vie. On grimpe, on nous fait tomber, glisser, puis avec le temps, le beau temps revient et nous voilà regrimpons en haut. Et ça recommence.

Combien des fois m’est arrivée dans la vie : monter, tomber, regrimper ?

  • Après la guerre sûrement et au lycée roumain.
  • À l’occasion de l’arrestation de papa.
  • L’interdiction de finir l’université.
  • L’interdiction de travailler, « ennemi de peuple ».
  • Avec Simon.
  • Avec Sandou plusieurs fois.
  • Perdre travail, logement à Ham. Perdre Pierre.
  • Divorce, départ vers l’Amérique.
  • Poussée hors d’USA, revenir en France, Paris.
  • Lien avec Paul détruit, les enfants loin.
  • BIP tombe, sa défaite.
  • CNAM, poussée dehors.
  • RES devenu impossible.
  • François rend la vie commune invivable.

J’ai tombé, je me suis ramassée et après la pluie passée, regrimpée. (Même si sur pas le même toit). Souvent grimper vers le but était dur. Souvent tomber douloureux. En haut, au soleil, ne durait jamais assez. Par terre, était plein de boue.

Avec le temps (et gênes et éducation), on a de plus en plus de confiance. On sait qu’après la pluie, le soleil reviendra. On sait qu’avec le temps et efforts, on montera de nouveau vers d’autres buts peut-être, d’autres cimes à atteindre.

On craint aussi la durée d’une bonne situation, puis on oublie et l’on y croit trop.
Toute comme l’araignée Gypsy de la chanson.

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