Hier, nous avons fêté. Le dernier mois était fort difficile, le dernier mois de François comme professeur à l’Université, le dernier mois pour enseigner, son dernier mois, la dernière semaine, ses derniers cours. Je craignais, je ne le comprenais pas, je me souciais.
Il m’avait pourtant dit, qu’en réalité il était contant que c’était fini pour le moment. Il enseigne avec passion, mais chaque mois, c’était un travail nerveusement l’épuisant.
Et hier, il s’était réveillé prêt à faire l’amour: que c’était bon! J’ai même joui deux ou trois fois! Après, blottis tout près l’un de l’autre… Et puis, toute la matinée, presque toute la journée, il a joué du piano magnifiquement: du clavecin, du piano et de l’orgue. Content de soi. Chaud et libéré.
On aurait dû partir à Celles, mais il a commencé à neiger, la première fois à Paris cette année, et je suis restée toute la matinée au lit à me prélasser avec un bon roman 'rose'. Une atmosphère tellement tranquille.
J’ai décidé que je ne me dépêcherai pas de donner à traduire le journal, ni le montrer encore au 'pro', jusqu’à ce que je ne sente pas que le temps est arrivé et que je peux avoir confiance. Cette décision m’a apaisé.
L’après-midi j’ai travaillé. Un peu, mais bien. Diviser les journaux en trois parts, c’était une bonne idée: (a) Julie fillette et jeune fille; (b) Julie femme luttant avec la vie et rebondissant encore et encore; (c) Après le départ des enfants, seule et ensuite avec Lui, et enfin le Nous.
Au milieu, la maturité ou lutte avec la vie ou « Au milieu de l’orage ». Oui, ce dernier titre est bon. Puis « Le Calme retrouvé » pour le dernier? Au début, «Lente éclos d’un bouton»? Le soleil parait derrière les nuages? Finalement mes meilleures idées paraissent pendant que j’écris.
Hier soir, c’était moi qui câlinais François et il m’a répété, encore et encore: «que c’est bon avec toi!»
Ce matin aussi.
Mais ensuite, je lui ai parlé de l’Université et de diplôme reçu (mais c’est lui qui a commencé d’en parler) et maintenant, il est en train de jouer si tristement. Certaines choses font encore mal malgré tout : attention de ne pas les éveiller. (Il n’a pas passé un doctorat comme moi, et alors? moi je n’ai pas été prof à l’université). Comme j’avais écrit une fois sur moi, ils mettent leurs poignes dans ma blessure.
Oh, depuis si longtemps je ne lis plus en hongrois qu’écrire en français devient de plus en plus naturel. J’écris ceci en hongrois, pourquoi ? je voulais te l’écrire seulement à toi et à moi, pas vers l’extérieur, pas pour un bouquin.
J’attends avec impatience que ces deux cahiers se remplissent, que bêtement j’ai commencé deux à la fois, pour écrire enfin dans un seul tout, pêle-mêle, comme avant. Ceci sera déjà le quinzième cahier. Écrire est bon. Et j’en ai besoin. Comment pouvais-je sans ? Je n’ai jamais été trop longtemps sans. Ceux d’Israël, deux! l’est-je laissé chez ma tante ? les ai-je jetés ? je ne le crois pas. Mais j’avais écrit aussi sur le bateau et en arrivant en France aussi. J’écrivais vers la fin 1963 et le printemps 64. Je n’ai pas écrit en 65 à 67, pendant les trois ans de grandes misères d’âme, ou alors seulement de temps en temps dans mes cahiers au travail. Je pleurais, je tétais Lionel, j’ai travaillé et j’espérais : peut être, ils vont rappeler Sandou dans l’armée et il murera. Je ne voyais pas d’autre sortie de ma misère, malchance.
Quand Sandou m’a apporté en 1966 ou 1967 mes journaux anciens de Roumanie lors son premier visite là-bas : en les relisant j’en ai puisé de nouveau énergie. J’ai commencé à prendre des cours par correspondance à l’Alliance Française et apprendre sur la Chromatographie et je me suis décidée que si ce n’est pas la maîtresse de Sandou qui viendra nous dépanner quand notre voiture était tombé en panne, mais Pierre, alors… quand l’occasion se présentera… ce qui est arrivé une année plus tard, et alors…
Je me souviens encore notre première fois avec Pierre, qui n’était pas l’amour mais juste de sexe, il utilisait l’occasion et moi j’essayais me prouver presque froidement mettant tout mon « art » dedans. Mais déjà la deuxième fois, et surtout la troisième! quand il sentait déjà qu’il serait durable entre nous, c’était fantastique, tendre et en tenant compte de moi, d’abord de moi et pas égoïstes. Tous les deux, nous avons étés et sommes restés contents et heureux. Au deuxième fois, Sandou était déjà revenu de Roumanie et ne voulait pas aller au cinéma voir ce film sur Angélique II. Je suis allée le voir avec Pierre - et je ne l’ai jamais vu - nous nous sommes arrêtés sur la route et nous avons fait l’amour dans la voiture, le DS du Pierre, la première fois que je faisais ça dans la voiture et oh, comme c’était bon ! Je suis retourné tellement heureuse. Et j’ai pu répondre ainsi tranquillement à Sandou un mois plus tard quand il avait déclaré : il part à Paris et je serais encore pendant de nombreux dimanches et jours seule, (avec les enfants mais sans lui).
Déjà j’allais de temps en temps seule au cinéma - chez Pierre en fait. Presque aussitôt qu’il partit me laissant seule, j’ai obtenu un logement de fonction dans la même maison que Pierre.
Quel beau printemps qui suivit! Nous racontions de plus en plus l’un à l’autre, nous nous aimions de plus en plus. Que j’aimais caresser le dos de Pierre, d’être couché dans ses bras. Qu’il caressait et faisait l’amour bien. Puis nous déjeunions aussi ensemble : un jour c’est lui qui faisait la cuisine, l’autre jour moi, et il m’a habitué même à manger de l’ail grillé. Il ressentait tellement tous mes besoins, plus que moi…
À un moment donné, c’était presque l’été, il voulait absolument m’acheter quelque chose, l’automne je me suis acheté finalement avec les 500 francs qu’il m’a donné un zircon, une bague ressemblant au diamant qui nous reliait. Et j’ai porté cette bague jusqu’à 1975 quoique je ne l’aie plus revu longtemps, j’avais au moins sur qui rêver pendant les jours maigres. On appelle ceci « traversé du désert ».
Pendant ce temps, j’écrivais des longues lettres à un femme écrivain de Bucarest. Avant? J’apprenais l’Anglais, Math modern, Informatique. De temps en temps, j’écrivis dans mon journal. Qui a traduit à Sandou ce que j’avais écrit en anglais recopié d’un roman de Wells? Qui voulait nous séparer et pourquoi? Il a réussi.
Mais c’est vrai, après Pierre, pourtant j’étais fidèle à Sandou, je ne l’ai plus aimé profondément, vraiment. En réalité donc notre éloignement venait des deux côtés. Il devenait de plus en plus sauvage, mauvais, odieux, égoïste. Mais je n’avais plus peur autant de lui qu’avant Pierre et surtout je n’avais plus de doute que je ne sois pas une bonne amante. Mais j’ai commencé à grossir et être blessé. En réalité j’étais nettement plus chique et belle que maintenant, mais Sandou ne me voyait pas ainsi et moi non plus. Il avait réussi à détruire de nouveau ma confiance et même s’il ne m’importait plus à moi, il avait un mine merveilleux et plaisait aux « filles » et il cherchait tout le temps celles de 25 ans comme j’étais quand je suis devenue « à lui » et même, de plus en plus jeunes.
Enfin, François se sent mieux, sa musique est devenue plus légère, plus aérée. J’ai tellement de chance qu’il est apparu, que nous nous sommes rencontrés, que nous avons eu la patience de nous découvrir et d’attendre que l’autre change lentement, a le courage et s’ouvre.
Hier François m’a dit : «Tu m’as attendu depuis ton enfance, mais en réalité, moi aussi, seulement je n’espérais plus que se soit possible, vraiment réalisable.»
Puis, il a ajouté que mon journal n’est pas assez littéraire.
C’est vrai que mon livre, mon journal, n’est pas de vrai « littérature, art », pas assez « taillé » mais si on le ferait ainsi il perdra sa sincérité, sa fraîcheur. Devrait-il paraître dans trois volumes ou en un seul? C’est un tout, mais c’est aussi trois vies différentes (en réalité plus que trois).
La première est la fille de mes parents. À la fin, mon premier décision seule, indépendante, la première déchirure réelle. Devenir femme. « Sans grandes conséquences » croyais-je au début. Oh que si!
La deuxième partie est celle de la femme face aux réalités de la vie, ses luttes professionnelles, ses joies d’être mère (qui n’y figurent que fort peu, pourquoi?) et les déchirures de la femme mariée, douleurs et les recherches de vrai partenaire, de survie et le lente mûrissement. On ne devient pas mûre dans un jour!
Le début de 11e journal est « l’intermezzo » le deuil de déchirure de Paul, me pardonner mon aveuglement volontaire. Restée seule et sans enfants qui sont partis ou étaient déjà en USA. Écrire, faire enfin ce que j’aime vraiment. Oui, tout ceci appartient vraiment au début de troisième partie du livre. Ma vie nouvelle me permettant de rencontrer François, puis lentement, devenir « nous »… tout en restant moi et lui entiers. En gardant nos personnalités, ça c’est le vrai «jackpot»(chance).
Ce qui est le plus fantastique - comme François vient me le dire - c’est que dans ce Nous, on s’est épanoui, moi aussi, lui aussi.
Mon coeur se serre, en lisant ces lignes si pleins d'espoire - je ne savais pas qu'à partir de ce temps, et son retraite, le "nous" va se desintegrer de plus en plus. J'y croyais vraiment tellement alors à ce "nous" malgré tous nos différences et même heurts.
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