8 décembre 1993

OK. Soi-disant, mon cœur va bien, il résiste à l'épreuve de la fatigue et cela veut dire que ça va. Puis deux jours plus tard, je soupçonne que je pourrais avoir un cancer au fond d'un de mes yeux, ceci serait une mort encore moins agréable qu’un simple arrêt cardiaque. À tout choisir...

Essayons d'oublier tout ça. Mais ce n’est pas facile...

Je viens de réaliser, pourquoi les six millions des morts à Auschwitz comptaient moins pour moi que Poussin : je m’identifiais à elle, j'aurais pu aussi être emmenée avec elle.

De 1944 à 1994, 50 ans de sursis déjà ! C'est énorme !

Alors pourquoi je me plains encore ?

Et il est même probable que je pourrai avoir dix bonnes années en plus, tel que François me l'a demandé ce matin. Je ne devrais pas lui raconter mes craintes, lui faire peur, mais il y a des soucis qui sont si difficiles à porter si on ne peut pas les partager avec quelqu’un qu'on aime. Je n'ai jamais pu enfermer en moi mes joies et mes peines sans les partager. C'est vrai, quelquefois je les ai partagés seulement avec Toi, mon Journal. J'ai finalement toujours assimilé mon Journal à quelqu'un. Et mon Mac aussi est pour moi beaucoup plus qu'une machine « ordinateur ».

Bientôt 50 ans que je tiens un journal et bientôt 50 ans que Poussin a été gazée et que moi, j'ai pu m'échapper de justesse avec ma famille, en changeant de place, de nom ; échappée plusieurs fois d'ailleurs. J'ai eu une vie très intéressante que je pourrais essayer de raconter si je savais écrire sans l'aide des autres. Vraiment. Pleine de hauts, de bas, pas monotone et rebondissant chaque fois. J'ai d'ailleurs l'impression que cette fois encore...

Après une année de Veille Technologique, on a de nouveau besoin de mes compétences ; mon brillant stagiaire pour trois mois veut continuer à collaborer avec moi ; et Trash, mon odieux chef, a été réprimandé, on commence à se plaindre de plus en plus de lui.

J'ai énormément appris cette année et ce n'est pas fini. Je crois d'avoir réussi à faire une bonne impression au stage Parler anglais en public ; et peut-être, même trouver des nouvelles amies. Agnès aura bientôt un fils, Lionel est en 3e année d'université, il débutera tard mais bien, ce qui est le plus important. Chaque âge, chaque génération a ses problèmes, pas toujours les mêmes et ceux qui ont moins de problèmes extérieurs, ont encore plus le temps d'avoir des problèmes internes...

Grâce au sort, j'ai eu assez de problèmes dans ma vie, et grâce à ma mère j'ai eu assez de force pour les traverser plus ou moins vite, sans être détruit par eux. Une vie pleine d'événements, donc une vie intéressante.

Merci Maman ! Merci arrière-grand-mère et père ! J'ai appris de vous, j’ai hérité de vous des choses qui m'ont beaucoup servi dans les difficultés et aussi dans mes périodes de joie. Mon optimisme inné à fait le reste.

Au revoir, à bientôt.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je crois comme toi qu'une enfance difficile donne une confiance en soi et un instinct de survie, l'angoisse est le prix ç payer...