Lettre de ma mère, écrite en 1939

4 août 1986

La mère d’Anna avait été l'amie de jeunesse de maman. Pendant mon séjour chez eux, elle m’a montré la lettre que ma mère lui a écrite en août 1939, quand elle attendait sa fille, devenue mon amie Anna. Elle ne me l'a pas donnée, mais m'a laissée recopier, comme les photos, aussi.

Chère Vera, août 1939

Cela fait longtemps que je n’ai pas été si heureuse qu’en recevant ta lettre et je vous félicite de tout mon cœur. Heureusement nos instincts sont plus profonds que la raison, George a raison de les laisser triompher. Tout qu’il dit est sage et je m’en réjouis spécialement, parce qu’en t’aimant, j'étais toujours chagrinée en secret, de ce que tu n’aies pas d’enfant. Justement toi qui a tellement de sensibilité et de prédisposition !

Ma sœur et deux autres amies ont eu des enfants, elles aussi, dans les périodes les plus difficiles, et non seulement les ont conservées, mais cela les a complètement immunisées contre tous les problèmes extérieurs. Toi aussi, ma chère Vera, laisse tomber la raison et laisse-toi dominer par l’heureuse attente.

Je n’ai jamais été aussi heureuse que pendant ma grossesse et le jour après la naissance de ma fille. Je me réjouis donc en pensant à toutes ces joies qui t’attendent. Si tu n’as pas de malaise, tu n’en auras plus, et il est préférable que personne ne sache rien, autant que possible. Je te conseille de choisir déjà ton docteur. Va voir tous les mois le docteur choisi pour qu’il te dise comment vivre, manger, etc. En plus, achète toi le livre “Trussapp” de très bon conseil, en le lisant plusieurs fois attentivement tu deviendras une nurse parfaite. Moi, j’ai tout appris de ce livre jusqu’à comment baigner le bébé, et les chères nurses de mes amis se sont étonnées que je fais tout exactement comme elles. Je n’ai plus ce livre, mais je t’envoie le livre de Buhler sur la psychologie enfantine, il intéressera aussi ton mari, il traite des réactions du bébé et aussi du développement de ses sens.

On a toujours ri de moi que j’élève mon enfant d’après des livres, mais finalement cela a donné des résultats, puisque aujourd’hui à 5 ans, Juliette n’est pas complexée et en plus elle est équilibrée, tout à fait sincère (avec moi) et elle s’est adaptée en société par elle-même, c’est-à-dire elle est “bonne” aussi d’après les “bons usages“. Et je l’ai obtenu sans aucun dressage, sans la corriger et sans pressions extérieures.

Peu se préoccupent que l'âme de leur enfant soit saine, l'important c'est la commodité, l'ordre et la propreté extérieure, la santé. Pourtant tu sais, ma chère amie, que la vie intérieure est la plus importante.

En ce qui concerne la santé, ma sœur et moi aussi, nous avons élevé nos enfants avec témérité, en les laissant aux vents, air, etc. habillés légèrement et le résultat est très bon. Juliette, déjà depuis deux ans s'habille comme qu'elle veut : pieds nus, sans manteau etc. et seulement quand elle a froid, elle s'habille plus chaud - elle ne se refroidit jamais.

Tu sais, chère Vera, que c'est ça mon vrai métier - et tous aiment parler largement de leurs métiers ! Dommage qu'on habite si loin. Le plus important dans l'éducation des enfants, c'est qu'on n'écoute personne d'autre que soi. Je faisais quoique jusqu’il y a quelques mois il n'y avait pas de résultats visibles. Mais aujourd'hui tous reconnaissent déjà, que la sûreté de soi de Juliette, sa façon ouverte et franche de se comporter devant tout, en valaient la peine et les difficultés venant du fait que je l'ai laissée décider librement jusqu'à ce qu’elle soit devenue raisonnable d'elle même.

Bien sûr, tous les enfants sont différents et l’on doit les traiter différemment. Votre enfant aura le même handicap que la nôtre, puisqu’elle sera trop importante et le centre pour vous, mais peut-être vous serez plus intelligents que nous et vous allez tenir secret devant elle.

De toute façon vous aurez des joies énormes, et si vous lui apprenez vite à avoir de la joie pour toutes les petites choses, de ne compter que sur elle‑même dans la vie (cela commence en la laissant faire seule, tout ce qu’elle peut) de compter sur sa propre force et habileté, astuce - alors elle sera heureuse plus tard aussi, même si sa vie extérieure change en bien ou en mal.

Pista reste dans sa société jusqu’en janvier, ensuite nous verrons. Je me réjouis que ton mari soit aussi intelligent e regrette encore mon premier enfant que il serait grand aujourd'hui et les raisons pour lesquelles on ne l’a pas gardé alors, où sont-elles maintenant ? !

Je vous embrasse chaleureusement,

Katinka

Merci maman ! Tu as été en plus mon amie à qui je pouvais tout raconter, qui s’intéressait à tout ce qui m’arrivait et tu as eu aussi l’idée de me donner un journal quand je n'avais pas plus de dix ans et de m'encourager...

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