Vérités parallèles

Il y a plusieurs vérités parallèles, ou des vérités à plusieurs niveaux.
  • Ce que j’ai écrit dans le journal après mon mariage avec Sandou parle d’une femme se débattant avec une réalité inattendue, du mari devenu lointain et cherchant comment retrouver l’amant enflammé de jadis.
  • La réalité de mes souvenirs dans lesquelles paraît un signe avant-coureur de ce qui allait se passer des années plus tard.
  • La réalité des lettres, dans lesquelles transparaît l’envie physique grandissant avec les semaines et mois d’éloignement et le souvenir du choc à retrouver un étranger en face de soi et puis, malgré tout, aussi celle de corps connu, retrouvé.
  • La réalité de ce que disent les photos de cette période après le mariage est autre. Mais elles varient aussi, selon qui et quand les aient pris.
Traian, mon beau-frère, photographe de métier, paraît fasciné par sa belle sœur sophistiquée, élégante, dont je ne me rappelais l’existence, si les photos qu’il en est fait n’étaient pas là, noir sur blanc. Moi même je ne me voyais jamais ainsi.

Ses photos montrent une femme élégante : ma fille resta étonnée quand elle l’aperçu. Je m’en souvenais moi aussi mieux de la femme avec cheveux en désordre, habillée n’importe comment, trop maigre pour plaire à sa belle mère.

Les photographies faites 'après' par Sandou, mon idée, illuminent une femme et homme ravis de contentement. Qu’on était, tous les deux, ravis aussi de le faire ressortir chez l’autre et faisant tout qu’il apparaît. C’était une facette de nous enfoui sous les cendres et peu présent dans le journal sinon par les poèmes célèbres recopiés, datant d’avant le mariage. Les heurts d’après mariage ont oblitéré en moi ses instants magiques pourtant réelles.

Et même le fait que nos corps s’entendaient même quinze ans plus tard alors que l’âme et l’esprit se haïssaient déjà de trop des heurts accumulés.

Il y a aussi les photos voulus par Sandou. Il me rassura, que tenant compte que nous développons à la maison, personne sauf nous ne les verra pas. Au début, j’ai dit « alors, fais-le de dos, obliquement (à la Velázquez). D’où les photos des seins aperçus dans le miroir et celui de femme nue de dos sur le lit. J’aimais son corps et je fis la même de lui, mais après, il tourna et je le pris aussi de devant. Comme je ne lui permis pas la même, au lit, il me prit finalement dans «milieu naturel», nue près de la baignoire.

C’était la période d’ivresse des photos, sa passion d’alors, nous en fîmes tout le temps, mais c’était aussi la période de l’ivresse des sens. Peu de souvenirs restent, surtout le visage enfantin satisfait de mon amant, la rondeur des épaules de la femme et le courage finalement de se montrer en chemise de nuit, ou même, sans rien.

Toutes ces photos racontent une histoire différente de celle du journal à l’époque. Pourtant, l’une et l’autre étaient vraies.

Sept ans plus tard, je me sentis moche, presque vieille, n’ayant plus envie - d’après mes souvenirs - qu’il me touche. J’avais Pierre. Je pensais à lui dans la forêt, après l’amour, quand Sandou m’a photographié. Pourtant, satisfaite, je le regardais lui, me dit la photo.

Lequel est vrai ?

Cet homme beau de l’après-amour avec corps musclé de l’athlète grec que je garde dans ma mémoire, a-t-il pu disparaître dans cette homme de sa dernière année, photo prise par sa fille ? Je l’ai vu ainsi, moi aussi, mais je ne m’en souviens pas du tout de lui ainsi : disparu sous la graisse, déformé de boisson.

Les photos témoignent d’une réalité non gravé dans mon mémoire et dont je m’étonne encore.

Je me souviens de la méchanceté de ce reporter de télévision, montrant les photos de la jeune belle femme et regardant ensuite la vieille obèse qu’elle était devenue avec un sourire ironique, méchant.

Je n’ai pas honte de ces photos de nues, ni de cette femme élégante, c’était aussi moi, on aurait pu, même à cette époque prendre une image moche ou dégoûtant de moi. Mais on peut aussi surprendre, même maintenant avec deux fois le poids que j’avais alors et trois fois l’âge, une expression chaude et intelligent - fondant en regardant mes petits-enfants, brillant vers mes amies, sinon plus vers un homme. Mais qui sait, jusqu’à 75 ou 80 ans…

La même chose est vraie des photos que François a fait de moi.

Heureusement, il en a fait aussi au début, et aussi les derniers jours. En comparant les deux, on ne dira pas que c’est la même femme. Non seulement le poids et quinze ans de différence, mais surtout l’expression. Sortirait-elle jamais de ses cendres, sinon jeune mince élégante ou ravie, mais au moins, cette femme qui est vraiment moi, naturelle et chaude ?

Pour le moment, dégoûtée, je jure qu’on ne m’y prendrait plus. Tout en sachant que si je trouve une autre âme sœur (frère) je tomberai probablement de nouveau sous le charme.

«Plus de mariage !» dit Slavia, «des liaisons, oui».

Papier ou non, la communion de l’âme plus importante, j’espère bien, dorénavant, que celui du corps. Mais pourquoi oblitérer le corps, existant, qui existait jadis. Sans les photos d’Angleterre sous la douche, je n’aurais pas de souvenir d’attrait de cette femme de 53 ans. Sans les photos sur l’arbre, nous deux, que resterait-il de la souvenir de la passion qui flambait entre nous ?

Slavia dit dans son livre que les instants de tristesse paraissent interminables, ceux de bonheur juste un éclair d’instant. Alors, les photos de quelques-uns de ces instants rappellent au moins qu’ils ont bien existé, eux aussi. Même si recouverts aujourd’hui sous le centre d’amertume, des pertes d’illusions - elles témoignent.

Elles disent aussi : Non. Il n’a pas fait pendant tout le temps semblant d’être un autre, à cet époque-là, c’était une facette de lui. Comme celui de mon premier mari.

Maintenant, je ne m’en souviens que de l’homme courbé devant la femme dominatrice noire lui reprochant d’un ton sévère de maîtresse d’école de lui avoir raconté des bobards. Cette image se superpose même sur les anciennes photos maintenant, mais, qui sait, en vingt ans (si je vis autant) comme pour Sandou, peut-être nos moments heureux surgiront aussi ici ou là, comme des lueurs illuminant le cheminement de ma vie.

On peut finir par ruptures, amertumes, mort. On peut aussi par des joies, espoirs, réalisations. Dans la tristesse ou l’ivresse.

Moi, j’aime les fins heureuses.

La vie nous balance haut, bas, haut, bas et ainsi de suite. heureusement, nous rebondissons. Rien ne m’empêche de terminer chaque volume de mes mémoires avec un moment de l’espoir.

ps 2008: il y a beaucoup des photos avec ce texte, pas dans le journal mais dans l'édition que j'ai publié, mais je vais encore réfléchir si je vais ou non ajouter ici les images - ou peut être, un lien vers l'album où je vais les mettre. Prendre de traitement de texte, où ils étaient, n'est pas facile, mais il s'agit ici surtout de voir combien je suis prête à me réellement "dévoiler" sur le net, même si seulement pour une femme très jeune qui n'existe plus que dans les souvenirs et des photographies.

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