Mimi, tante de mes enfants est mort, hier ou avant-hier. Je ne peux pas la regretter, elle était devenue amère et méchante. Heureusement, elle n’est pas morte l’année dernière après ma visite. Elle a quand même prétendu alors que ma visite lui avait fait mal.
Elle avait l’impression que je voulais voler mon fils, que je voulais lui prendre les fauteuils (de maman) que son frère (mon ex) lui avait laissés en garde! Elle a oublié que son frère n’avait aucun meuble quand nous nous sommes mariés, oublié que je ne prendrais rien de mes propres enfants. Lionel m’avait chargé de lui faire envoyer de la Roumanie ces fauteuils venant de ma famille et j’avais essayé de le faire. Pour lui, pas pour moi. Et même si d’après moi, mais je ne lui ai pas dit, c’était à moi de les léguer, offrir, et non pas à elle, sa tante.
Pire, elle me parlait de son cher frère cadet «que tu as trompé et à cause de cela il a dû divorcer», négligeant qu’en fait c’était l’inverse. En fait, je suis allée la visiter la dernière fois seulement pour faire plaisir à mon fils qui tenait encore (pas comme moi) à sa tante et sachant qu’elle se sentait fort seule: elle s’y plaignait tout le temps.
Je l’avais apprécié fort longtemps à cause de son dévouement: elle a soigné son mari mourant, puis sa mère malade et hargneuse. Hélas, elle était sur le chemin devenue de plus en plus amère.
Oubliés, en plus de vérités sur notre mariage et séparation, tous les cadeaux que j’avais envoyé ou porté, tant pour elle que pour vendre ou ceux qu’elle a pu offrir aux enfants de sa famille et village de son mari, les robes et blue-jeans de mes enfants en fort bon état que je réservais pour eux, les eaux de Cologne français et les bas de nylon qu’on vendait à l’époque fort bien là bas, les tissus divers, etc.
À cette dernière visite, elle m’a aussi raconté une autre version de celui qu’on m’avait dit du mort de Sandou. Raconté à elle par la femme avec qui son frère, mon ex, le père de mes enfants, était allé à cette dernière repas : « son amie ».
Ce matin, je me suis réveillée avec un ciel rose, magnifique. Les nuages, petits, étaient aussi tout rose. Le ciel bleu derrière eux contrastait et les rendait encore plus féériques.
Il ne reste plus de trace de mes roses que dans ma mémoire, mais je les vois encore comme s’ils étaient là. Ce ciel avec nuages roses est un peu comme la ville où j’ai grandi qui n’existe plus, probablement, qu’en mon imagination. Elle a changée sûrement pas mal depuis que je l’ai quittée, mais, dans ma mémoire, elle vit telle que je l’avais connue.
Tout comme Sandou.
Il est resté en moi tel qu’il avait été dans notre jeunesse et tel qu’il était lors notre séparation, avec son beau corps bronzé musclé d’athlète grec. Jamais, bien que je l’avais vu l’année de sa mort, lors la mariage de ma fille, notre fille, cette dernière image d’homme super grossi d’ivrogne ne s’était pas imposée sur l’autre, celui qui avait été mon mari.
Ce matin, je me suis rappelé de la fille, jeune femme mère de moins de dix-huit ans dont il était enflammé lors de nos 33 ans, et dix ans plus tard, - il avait 45 déjà - d’une autre fille n’ayant pas encore 18 ans elle non plus. D’ailleurs, lors leurs premières effusions, elle ne devait même pas avoir 17 ans.
Je me suis rappelé, en me disant que je voudrais savoir ce qui en est advenu d’elle et que probablement, si j’irais à l’enterrement de Mimi, le fiancé d’alors de cette jeune fille, puis mari, puis ex, fils d’un cousin de Sandou et Mimi, sera là aussi.
Je me suis rendu compte, soudain, que nous avons tous les deux, lui et moi, profité quand j’ai appris leur liaison, appris d’avoir été trompée. Moi, en divorçant, me libérant enfin, et lui, en l’obligeant à se marier. Les amoureux ne voulaient pas que «ça se sache» - mais bien sûr, 'ça' s’est sûr finalement, même si pas à travers nous. Ce qui est le plus incroyable est que la famille a mis 'la faute' sur elle, jeune de dix-sept ans ! Et pas sur lui, passé d’âge mûr entre 45 et 46 ans.
Sandou n’aura probablement pas divorcé. Il voulait tout: famille et amante. Il a accepté probablement en voulant l’épargner, plus que de peur de 'ce qu’on dira' de lui, comme je le croyais à l’époque. Il en était fort épris alors d’elle et tellement éloigné de moi, sa femme.
Je me suis leurré longtemps que c’était moi qui avais divorcé, décidé notre séparation. En fait, ils m’ont abandonné, émotionnellement quitté, tous, longtemps avant que je romps.
Sandou aurait peut-être épousé cette jeune si les Roumains l’auraient laissé, comme il le désirait alors, « rentrer au pays ». François a épousé sa maîtresse noire aussitôt que la loi lui permit après le divorce. Et Paul, était déjà revenu à son ex et d’autres amies, pendant qu’il vivait encore avec moi.
Aucun de mes maris n’a pas pu supporter ce qui leur a plu d’abord. Ma force, mon envie d’apprendre (et ma persistance), le fait qu’ils respectaient et admiraient mes résultats (au début), qu’ils s’appuyaient sur moi pour pas mal des choses, mon attitude interne de ‘dame’ ; mon grand attachement à mes enfants.
Ils n’ont pas supporté non plus (et ceci encore moins que le reste) mes succès. Plus j’en avais, plus ils s’éloignaient. Plus ils se sentaient incapables, relativement à moi. Et dans le cas de Sandou, aussi relatif à papa. Était-ce ma faute qu’ils étaient mauvais en relations humaines, les uns comme les autres?
Je réfléchirai une autre fois sur pourquoi ils étaient attirés, puis éloignés, et pourquoi j’étais moi, d’eux.
Non, je ne convoite pas les fauteuils du salon de mon enfance, mais je convoite encore et toujours le lampadaire de porcelaine de la table de nuit de maman, accaparé par le frère de Mimi, l’oncle de mon fils. Sandou a dû le laisser (ou donner) à son frère et celui-ci l’offrir à sa maîtresse, puis épouse. Ils nient qu’il est jamais appartenu à nous, mais j’ai vu et m’en souviens, gravé dès ma toute petite enfance dans ma mémoire. Comme disait hier une dame au kiné, «je me rappellerai et la réclamerai cent ans plus tard ce qu’on m’a pris, ce qui était à moi».
Pourquoi en fait cette lampe de porcelaine de maman plutôt que les fauteuils? Je crois, c’est un souvenir de mon tout petit enfance et les fauteuils, la tante de Roumanie les a fait retapisser d’une façon tape l’œil. Ils ressemblent peu à ceux, discrets, dont je me rappelais. Je ne verserai pas une larme si les fauteuils, que Mimi ne voulait pas me confier septembre dernière, disparaissaient avant que nous réussissons à les récupérer, je laisse le soin à Lionel.
Il a déjà laissé tant des choses derrière lui, pourquoi tient-il juste à ceux-là ? Il lui reste un pied-à-terre en centre ville de Bucarest, dans l’ancienne maison familiale. «Mais pas l’appartement de grande mère que j’aurais voulu» dit-il. Celui-ci, Mimi avait vendu dès la mort de sa mère. Une maison pratiquement barricadée, aujourd’hui. Mais ces temps vont passer et un temps plus tranquille reviendra en Roumanie aussi, un jour.
ps 2008: tant les fauteuils que la lampe de maman sont dans le logement de mon fils à Bucarest, quand j'y étais pour quelques jours cela m'avais fait énormément plaisir de les regarder, j'ai réussi à lui récupérer finalement, si pas facilement.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire