Rilke: "pas encore"

23 juillet 1959

Mon Dieu, comment peut-il me faire ça ?

Quand j’ai tellement envie de le voir, pourquoi ne vole-t-il pas vers moi ? Pourquoi me fait-il attendre, pourquoi n'est-il pas gentil, ne m'appelle-t-il plus vite ? Combien de temps va-t-il me laisser attendre ? Il sait sûrement que je veux le revoir. Cette fois, il le fera donc exprès ?
Même s'il le fait d’instinct et sans réfléchir, je ne le supporterai pas. Il faut absolument que je réagisse. Mais c'est tellement difficile quand je suis si amoureuse de lui.

Je n'aurais pas cru que l'on pouvait tant aimer, toujours davantage et davantage. Mais il ne faut pas perdre la tête et je dois agir, au moins pour maintenir son amour, l'augmenter. Mais que faire ? Jusqu'à son anniversaire, (après-demain) il faut que je sois agréable, ce n’est pas possible autrement. Et après ? Ne pas être à la maison pour quatre jours ? Sinon, que faire ?

De toute façon il ne faut pas que j'oublie Ovide : Nous aimons seulement la femme qui nous heurte. Je viens de me rappeler : je pourrais lui raconter qu'on a reçu une lettre de ma tante [ils sont déjà à Bogota]. Oui. Cela pourra aider. Peut-être, il deviendra plus raisonnable.

Rainer Maria Rilke "Le jour d'automne" :

Celui qui n'a pas encore de maison, ne s'en construira (plus),
Celui qui est seul, longtemps le restera,
Veillera, lira, écrira de longues lettres
Et tourmenté dans l'allée remontera et descendra.

Wer jetzt kein Haus hat, baut sich keine mehr
Wer jetzt allein ist, wird es lange bleiben
wird wacher, lese, lange Briefe schreiben
und wird un dem Alleen hin oud her
unruhig wandern, wenn die Blätter treiben

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