Sidonie

Journal de Sidonie, née 9 juillet 1884

L’original du journal en hongrois est au Musée Holocauste en Israel . Une copie dactylographiée avec textes finissant août 1945 (elle a continué son cahier après cela) à Jad Washem avec une traduction allemande.
Cette version traduit en français, tel que j'ai pu, vers 1993 et le reste, retrouvé par moi plus tard, en 2003.
Non, je ne vais pas vous publier ici tout le journal, je vais consacrer un autre blog pour "souvenir" et récits sur mes ancêtres, mais je voulais publier ici le début, me disant que vous comprendre, peut être mieux la suite de mon propre journal, qui n'en parle plus presque de tout ça. Moi, j'étais enfant alors et je ne sus dire ce que je ressentais comme ma grande mère Sidonie.

Journal pour mes petits enfants
Notre destin à partir de

19 mars 1944,
à cette date les Allemands sont entrés par surprise dans Budapest.

Depuis la guerre, le gouvernement Kallay avait mené un double jeu : malgré sa collaboration avec les allemands et - grâce à cela - les alliés nous ont surtout menacés de bombarder. Mais aussitôt après l’entré des Allemands en Hongrie, les croix fléchées (comme les SS hongrois s’appellent) ont prise le pouvoir dans le pays et se sont précipités comme des déments de promulguer des lois de plus en plus draconiennes contre les juifs.

Jour après jour, des contraintes de plus en plus terribles nous sont tombées dessus. L’appropriation féroce par l’état de tous les avoirs en outrepassant tous les droits nationaux et internationaux instaurés depuis des siècles, et dès le premier jour en attrapant des juifs dans les rues et les trains sans aucune raison et en les internant. En diminuant notre alimentation, et à partir de cinq avril, nous étions en plus obligés de porter l’étoile jaune, de faire nos achats pendant un temps fort réduit, et finalement, ils ont commencé à entasser les juifs de province dans des ghettos. À Budapest, en ils nous ont forcés de déménager en groupe dans certaines maisons sélectionnées par eux et marquées d’étoile jaune et, dans les zones dites “de guerre” on commença rapidement la déportation dans des camps de concentration, la séparation des familles, etc. etc.

Il n’existe pas de plume assez colorée pour décrire, ni peintre qui pourrait esquisser, l’acharnement précipité avec lesquels, les nazis hongrois ont entrepris au pas de charge, la ruine matérielle, corporelle et de l’esprit des juifs, en s’efforçant de dépasser largement celui de leur maître et modèle les nationaux‑socialistes allemands !



Nos premières grandes angoisses personnelles ont été les événements de Kolozsvàr.

En avril 30, à la façon d’un putsch, on a jeté hors de leur foyer, en ne leur donnant que 10-20 minutes, les habitants des immeubles « Pierre et Paul », ne les laissant à prendre que les affaires les plus indispensables (répondant à chaque fois: « das werder Sie nicht mehr brauchen! » (vous n’aurez plus besoin) et en leur donnant le sentiment qu’on les emporte probablement pour les achever.

Dans ces immeubles (occupé pour les SS, le jour de leur arrivé d’une façon barbare), habitaient ma fille cadet Anne avec ses deux petites filles, mon frère Hugo, mon frère Charles et leurs familles, avec beaucoup d’autres amis. Après les avoirs conduits par camions dans la cour de la synagogue, avec juste un sac à dos ou une petite valise, on leur laissa finalement le droit d’habiter chez des familles connues ou parentes, à condition de déclarer l’adresse où ils allaient demeurer.

Nous avons réussi à faire emmener ma fille Anne et avec ses deux fillettes, avec l’aide d’un bon ami (lieutenant chrétien) à Budapest. En tant que veuve de guerre, elle ne devait pas porter l’étoile. Plus tard, il s’est avéré que son époux avait été « défenseur de patrie » seulement et qu’elles devaient porter l’étoile elles aussi. Pourtant mon beau-fils est mort en Ukraine, appelé d’armée.

Le premier jour, après l’arrivé des allemands en Hongrie, la fille aînée de Sidonie arriva avec sa fille de dix ans, Julie à Budapest, venant de Transylvanie Dans le nuit profond, les SS avec chiens attendaient sur le quais et demandant les papiers. Après un interminable demi heure, le mari arriva avec des (fausse) papiers. Ainsi, Julie, qui traduit le journal de sa grand mère en français, échappa avec ses parents et ne fut ni interné ni fusillé.
Construits par mon fils Laci, Ladoslaw.

Beaucoup d’habitants de Kolozsvàr, près de la frontière, ont essayé de s’échapper devant leur sort, en fuyant vers la Roumanie. Parmi eux, plusieurs, attrapés par la Gestapo, ont été emprisonnés puis, tout comme les autres, entassés dans la cour d’une ancienne briqueterie. 18,000 personnes dans un lieu incroyablement étroit ! Aussi de départements voisins ; on les prit par surprise pendant la nuit et rassemblé dans la forêt voisine. Une femme arriva portant dans ses bras son enfant, la tête se balançant, il était mort…

De la fabrique de brique, où l’on cuisinait difficilement dans des marmites ou des baignoires, (s’auto-nourrissant) et l’on dormait tellement entassé qu’ils pouvaient se coucher seulement sur le côté sur les matelas mis dans la boue (au moins ceux auxquels les gendarmes hongrois ont permis d’en emporter par bienveillance) - on les a emportés par plusieurs transports (cinquante à quatre-vingt dans chaque wagon à bestiaux scellés), mais nous ne pouvons pas deviner où.

Ils ont rassemblé et emmené même les vieillards de l’hospice. Seuls quelque uns sont restés entre eux dans l’hôpital et l’hospice. (ajouté après la guerre) : Ainsi a échappé ma chère pauvre maman.

Aveugle et malade de 84 ans et l’on voulait la déporter !

L’apprenant, elle avala tas de somnifères et agonisait quatre jours à l’hôpital juif où on l’a placé. Après quatre jours, les allemands voyant qu’on ne pouvait pas le réanimer, ont annoncé : “Die kann shon bleiben” (celle-ci peut rester). Donc à cette détermination héroïque doit ma mère d’être resté.

Elle était seule, délaissée à l’hospice, elle qui était toujours entouré de ses enfants, petits-enfants et arrière petit enfants. Et malgré tout « grand-mère Paula est confiante, forte et donnant courage aux autres » nous avait écrit mon frère Charles, avant d’être déporté à son tour avec sa femme et son fils aîné André.



Pendant ce temps à Budapest les décrets les plus déments se sont succédé, déjà on n’avait plus le droit de sortir ou faire des courses plus d’un à deux heures par jour, ainsi de suite.

Alors notre fils Laci, a réussi à nous mettre (Anna et ses enfants aussi) dans un voyage aventureux, comme faisant partie de la famille Brand, oncle de ma bru Boris. Groupe d’un organisation sioniste conduit de Joël Brand et Rezso Kasztner. Les Allemands nous permettent d’aller - à travers l’Allemagne - jusqu’un port espagnol et en deux semaines nous pourrions être en Palestine.

Notre première question bien sûre était :

- Et ma fille Katinka avec sa famille ? *( ça c'était nous)

- Nous ne pouvons les mettre tous sur la même carte, répondit Laci. Ils vont essayer de se cacher sous faux noms, peut-être tout ne durera pas trop.

- Laci, dit alors mon mari Emil, as-tu pensé que nous nous mettons volontairement, dans les mains de nos plus grands ennemis ?

- Il n’y a pas d’autre solution, a-t-il répondu, notre départ est aidé aussi par le Joint (Bund) de l’Amérique, peut-être réussira-t-il.

Du camp de briqueterie de Kolozsvàr gardés par les allemands, environ 300 à 400 sont déjà arrivés à Budapest, ils étaient dans l’Institut des sourds‑muets de rue Columbus. Á ma grande douleur, pourtant nous avons tout essayé, il n’y avait personne de notre famille parmi eux !

Le jour quand nous aurions dû déménager dans la maison désignée avec étoile nous sommes entrés nous aussi dans ce camp, nos aussi. C’est difficile de décrire le désarroi des jours précédents pendant qu’on devait démanteler notre foyer, transmettre nos affaires inventoriées aux deux délégués de la maison, et partir ensuite avec juste une à deux valises, devenant dorénavant sans domicile.

Un décret demandait, d’après laquelle chaque famille juif doit faire l’inventaire soi même et soigneusement noter dessus, ce qu’il a emporté avec soi dans la maison désignée, ce qu’il a laissé dans son ancienne foyère. Ce dernier, transmis à deux délégués, ressemblé dans une pièce vide. En lui même, cela m’aurait donné beaucoup de travail nerveusement éprouvant, surtout que mon mari Emil a pris avec un sérieux extrême et a voulu appliquer tous les décrets à la dernière lettre.
C’est impossible de décrire le détresse et crève-cœur pendant qu’on empaquetait et défaisait notre foyer. C’est maintenant qu’on sentait qu’on devenait sans patrie, fuyant dans le monde. Se séparer de toutes nos petites affaires auxquelles nous nous étions habitués pendant de longues années était déchirant. Pour tout dire, un sentiment affreux !

Passant le seuil, les larmes coulaient de nos yeux.


Dans le camp rue Columbus, des baraques de bois construits par Laci pour pouvoir emmener davantage de personnes de province où nous dormions sur des lits superposés (avec des matelas apportés de leur maison), aliments préparé par nos soins, bons mais nourriture de masse (le matin café, bien sûr pas vrai, à midi et soir des légumes.)
Nous dormions séparés, les femmes et enfants d’un côté, les hommes de l’autre. Pendant la journée, nous étions ensemble dans le grand parc et nous nous faisions tout pour subvenir, lavage, repassage, etc. Et malgré tout, nous nous sommes sentis mieux : l’espoir de s’échapper nous réchauffait et nous étions entre nous, nous ne sentions pas autour de nous l’atmosphère de haine horrible nourri sans cesse par la propagande !

Mais nous avions observé aussi chez plusieurs de la pitié et de honte pour ses décrets incroyablement haineux (les cartes d’alimentation jaunes donnaient le droit à moins ou souvent à rien ; à partir du 1er avril interdiction de servantes chrétiens etc.)

À peine une semaine plus tard, le 30 juin, nous sommes partis en rang par cinq, les malades sur des chariots. Nous pouvions emporter deux vêtements, six lingeries et aliments pour 10 à 14 jours. Assis sur le chariot, je me suis rappelé de ceux menés vers la guillotine pendant la Révolution Française.

Au lieu de huit, nous sommes arrivés à la gare vers minuit. Jusqu’à lendemain soir on nous déplaçait d’une voie à l’autre et nous nous sommes retrouvés finalement à la gare Ràkos. Nous étions 1650 dans cette action tolérée par les allemands à prix de dur sacrifices. Le plan était qu’on arrive au plus tard après 8 à 10 jours en Espagne et de là en Palestine.


Plusieurs jours de progression fort lente s’écoulent, nous sommes finalement arrivés à Mosonmagyarorvàr, à peine quelques heures de Budapest.
On a mis le train de 35 wagons sur une voie de garage et l’on nous a donné le droit de camper. Nous nous nourrissons avec ce que nous y avions emporté et de la nourriture emportée par les chefs. Tout notre argent et valeurs nous avons dû confier à Budapest avant notre départ aux chefs, étant entendu qu’ils nous le restituaient à notre arrivé.

Comme on avait placé 40 à 50 personnes dans chaque wagon à bestiaux, seulement la moitié pouvait se coucher à la fois, serrées les uns contre les autres.

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