Mes parents faisaient partie d’une couche supérieure de la petite bourgeoisie, ce qui m’avantagea à l’école communale, mais pas autant qu’Anna, la fille de docteur chef qui en plus, était très belle. Je me souviens que nous étions sur le même banc avec Magdie Weiss, plus tard appelée « Judith », elle était ma meilleure amie, ma seule amie pendant les trois ans et demi d’école. Nous nous disputions sans cesse et nous réconciliions rapidement, nous jouions souvent chez elle, des fois chez moi, nous nous amusions chaque jour. Son père, mon oncle Joseph disait plein de blagues, il était bossu. Je n’aimais pas trop sa mère qui la battait.
J’étais gâtée davantage. Je me souviens, qu’en revenant de la maison après mon premier certificat, contre les protestations de ma mère, papa m’a donné un sou pour que je ne m’attriste pas d’un 3 et de quelques 2 que j’avais obtenus à côté des 1 qui était la meilleur note. Magdie et moi, nous promenions souvent nos poupées sur notre rue (j’habitais le 4 et elle au 36.) Mais si je devais décrire tout ce dont je me souviens de ces quatre ans, ce serait trop, je me rappelle pas mal et probablement même des choses sans aucun intérêt.
Je me souviens qu’à l’école, on nous faisait peur des « rouges » et que l’institutrice battait ceux qui avaient des poux. Ève, une camarade de classe s’est moquée une fois de Magdie « juive » et une autre fois nous a fait frapper Zeni, la roumaine. Finalement, nous nous sommes unies, Magdie, Zeni et moi, nous avons pourchassé Ève après l’école et jamais plus nous n’avons joué avec elle. Zeni, quand on lui avait demandé quelle religion elle avait, elle avait répondu « roumain », ne voulant pas croire qu’orthodoxe c’était différent.
Je me souviens qu’en se battant une fois avec moi, Magdie m’avait bousculée et je l’avais frappée avec une pantoufle. J’avais fais semblant de pleurer, mais nous nous sommes réconciliées rapidement, comme d’habitude. J’ai l’impression que j’aurais voulu la dominer. J’étais heureuse que ses parents étaient plus pauvres et que j’avais reçu plus de bonbons qu’elle pour Saint Nicolas, j’étais horrible. Comme je voudrais que cela ne soit pas vrai, combien il me fait mal d’écrire cela. Mais… je j’arrive plus à continuer.
On voit de tout ce que je viens d’écrire qu’on doit bien réfléchir, toujours à ce qu’on fait. Ensuite, c’est trop tard pour avoir des regrets et ils ne comptent pas !
à l’époque tout me faisait mal et comme je ne pouvais écrire sur le
présent, maman me conseilla d'écrire sur le passé.Il a fallu 50 ans pour qu’une nuit je me réveille en me rappelant : même si une fois mes pensées n’étaient pas belles au sujet de nos moyens, c’était justifié par le comportement pendant ce St Nicolas des parents de Magdie (en cachant les bonbons, que je le savais, maman m’avait achetés avant de partir en vacances avec papa). En plus, je me suis rappelé que pendant deux ans je suis allée la chercher, j’ai pris sa main et je l’ai conduite à l’école : arrivant d’un petit village, elle avait peur d’y aller seule. J’avais tout fait pour qu’elle s’acclimate et se sente à l’aise. Il a fallu cinquante ans pour que la culpabilité ressentie depuis sa disparition, envers Magdie partie en fumée, soit soulagée.
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