10 mai, 1949

Je me suis aperçue d’une chose intéressante. Je sens que je me développe. Chaque film et chaque bon livre russe me font progresser.

Pour le moment mon livre préféré est “l’Atelier de feux” de Polevoï. J’ai vu le film “Un homme véritable” et depuis j’ai plus de volonté. Je ne voudrais pas me vanter, mais ce serait bien si toutes les UTJ-istes étaient comme moi.

Cette année je voudrais partir avec 600 filles à l’entraînement pour la préparation de la parade sportive, j’espère qu’ils me prendront. J’ai fini trois compositions, j’ai pris des engagements à partir du 1er Mai, depuis j’apprends toutes mes leçons, je me lève tôt...

Dehors le ciel est couvert mais il ne pleut pas, pourtant il le faudrait pour la récolte.

Quand je pense à la Transylvanie, j’ai encore le cœur serré. J’étais à Cluj pendant les vacances de Pâques. Ma petite cousine Mariette est devenue si belle, si intelligente et elle est si mignonne qu’il faudra la filmer, surtout quand elle chante ! J’ai déjà mangé une fois des tomates.

Hier soir la tante de maman, Palma, est venue chez nous. Son fils est en prison, je crois qu’il a trafiqué dans son entreprise (il était directeur.) Palma avait des domaines, on les lui a pris, et avec, tout le reste.

Elle racontait presque avec étonnement :
“Aujourd’hui si on a un domaine, qu'on achète les graines et qu'on les fait cultiver, on n'en tire même pas de quoi vivre!” Elle a même ajouté : “On voudrait que ce soit moi qui bêche, qui travaille!”

Je lui ai demandé alors : “On peut encore faire travailler son domaine par quelqu’un d’autre?” D’après maman, j’ai manqué de tact, pas d’après moi.

Palma m’a répondu : “On ne peut plus louer notre terre, seulement engager des journaliers. On est donc obligé de rester sur place.”

Lisette m’a écrit, elle va bien et se prépare à se marier, je devrais lui répondre. Je devrais écrire aussi à mes cousins, mais ils vivent dans un monde si différent du mien, que je n’ose plus leur écrire : Suzanne vit en Israël, Peter en Suisse. Mais j’écrirai à grand-mère, elle me comprend toujours.

Je crains que nos chemins ne se séparent si Vera s’arrête et que je continue à me développer et devenir plus consciente de la lutte à mener, plus militante. Irène est idéologiquement dans la même période que celle où j’étais il y a deux ans, mais pour elle c’est plus difficile de progresser, non seulement elle est adulte mais elle avait été déportée, elle a traversé tellement de choses.

Je lutte de toutes mes forces pour le socialisme en Roumanie. Je m’efforce de faire des progrès chaque jour. Je n’ai plus peur des examens. Je voudrais participer à l’organisation des pionniers .

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