15 février 1949 (14 ans et demi) Je le publie tel quel, sans commentaires.
Il est 9 heures du soir, je suis revenue du cinéma. C’est la seconde fois que je vois la 2e partie de La Jeune Garde, ce film soviétique a eu un énorme impact sur moi. En revenant vers la maison, sur la route, j’ai commencé à chanter l’Internationale. Avec peur et émotion.
Je me suis rappelé que les membres de la Jeune Garde l’ont chantée à la fin, quand on les a exécutés, quand, ces horribles criminels allemands les ont jetés vivants dans un ravin. Ces jeunes chantaient religieusement l’Internationale. Dorénavant, si on la chante à une fête, je me souviendrai d’eux... je suis en train de penser à eux. Je m’engage!!! si un élève ne le chantait pas avec dévotion, je le lui ferais observer ou je le gronderais, ou mieux encore, j’inscrirais son nom sur le journal mural de l’école avec des lettres bleues! (pas rouge qui est le symbole de joie)
Jeunes, pensez à ce film toute votre vie et réfléchissez bien comment vous agissez !
Et en plus je sais que ce n’est pas seulement un film, cela s’est réellement passé ainsi avec beaucoup de gens, et même pire. Dans ce film, avec le tact des Russes, on ne voit pas toutes les tortures, même pas une, mais il y a un sentiment d'angoisse lent et horrible. Vous serez étonnés de savoir que je suis pourtant sortie souriante même rayonnante, non pas parce qu’à la fin les leurs sont arrivés, les soviets ayant récupéré la ville, mais parce que j’étais tout émue.
Je te fais une grande promesse, mon journal. Ces jeunes soviétiques, et encore beaucoup d’autres jeunes, ou adultes qui sont morts, ou qui vivent encore et luttent héroïquement toute leur vie, n’ont pas fait tout ça pour rien! Ils l’ont fait pour l'avenir, pour nous, ils nous ont montré le chemin! Il faut les remercier - ceux qui sont morts et même ceux qui vivent toujours - parce que c'est grâce à eux que nous respirons encore. N’est ce pas, c’est eux qui nous ont libérés !?
Ils ont fait tout pour nous, mais pas à notre place ! Si nous ne devons plus lutter en risquant notre vie, nous devons au moins la consacrer à travailler dans notre belle république, pour que la jeunesse future soit plus heureuse et que nous puissions construire l’état socialiste dans le monde entier !!!
Il faudra probablement beaucoup lutter encore et c’est aussi possible que nous n’existions plus quand le bonheur sera dans le monde entier, mais cela n’a pas d’importance. Notre travail sera difficile et plein d’embûches. Il y a encore des pays, comme l’Amérique, l’Angleterre, la France, l’Espagne où la terreur continue à régner, exactement comme nous l’avons vu dans le film ! Nous arrêterons ça ! Pour le moment, le parti ne nous demande pas notre vie, ni de combattre, seulement de travailler. Mais que le travail soit du travail. Il faut mettre toute notre énergie pour construire notre république populaire!
J’ai lu qu’un soldat lutte pour la paix! C’est un grand mot, oui! Dans l’état soviétique on lutte toujours pour la paix, ici ces deux mots contraires s’entendent si bien l’un avec l’autre. En réalité, je voulais décrire le film, mais qu’est ce que je peux en dire? Allez le voir! Celui qui a toujours lutté de tout son pouvoir pour le communisme, pour un meilleur monde, deviendra encore plus enthousiaste!
Je pense avec déférence à eux, aux communistes soviétiques, adultes et jeunes et au peuple russe. Pensez à la façon dont ils se sont comportés et seulement alors osez scander : “Luttons et étudions, le komsomol[1] imitons !” Faites attention, quand vous direz ces mots ! On n’a pas le droit de le crier seulement par enthousiasme ou parce que les autres ont commencé à le déclamer.
Réfléchissez bien si vous voulez, vous aussi faire partie de l’association de jeunes communistes !!!!!!!!!! Êtes-vous prêts à cette grande tâche ? Vraiment ? Moi, j’ai beaucoup réfléchi. Je me suis fait une autocritique, presque inconsciemment! Je crois que je pourrais lutter pour les travailleurs jusqu’à la fin. J’essaierai de devenir l’une d’entre eux, devenir membre de l'union des jeunes communistes.
J’aurais encore plein de choses à ajouter, par exemple mon auto-analyse, mais ce soir j’ai écrit déjà énormément. En plus, il se fait très tard, trop chaud et ma lampe a commencé à vaciller, de temps en temps elle s’éteint complètement. Je continuerai la prochaine fois. Pensez, dans votre bonheur, votre tristesse, vos souffrances, mais aussi dans votre travail aux membres de la JEUNE GARDE!
P.S. Si quelqu’un pense que je suis religieuse il se trompe, mais je ne trouve pas d’autres mots.
La liberté !!! (ce dessin représente mon poing levé)
Je viens de parcourir mon journal et j’ai vu qu’il a beaucoup de défauts. Il contient des sentiments qui m’envahissaient parfois. Certains resteront en moi, mais les autres étaient passagers. Je n’ai pas noté que j’ai très bien réussi l’examen d’entrée au lycée ; qu’il a fallu emménager à Bucarest parce que papa avait été transféré ; ni que je voudrais retourner l’année prochaine à Cluj et étudier au lycée hongrois pour ne pas oublier la langue et pouvoir ainsi devenir écrivain. Non plus le fait que je n’écris plus mon journal pour le montrer à qui que soit, mais uniquement pour moi-même. Il resterait encore beaucoup d’autres choses à ajouter.
Bonne nuit.
[1] Organisation de jeunesse communiste russe.
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