Paula, notre Mamouska, fut le miraculée de la famille.
Partout, il y a des gens méchants, comme les voisins ayant dénoncé mes grands-parents paternels, parce que leur fille venait se marier et ils voulaient qu’elle loge près d’eux.
Il y a aussi, heureusement des gens extra ordinaires.
Quand ma grand-mère dû partir à Budapest habiter pas loin de son fils, ils mirent Mamouska dans un asile des vieillards, chez des bonnes sœurs. Le fils aîné vint lui dire au revoir avant d’entrer dans le camp de rassemblement de Kolozsvàr, la cour d’une usine de briques. Il lui laissa des somnifères.
Et le tour de Mamouska arriva.
« Demain on vient vous chercher », dit l’officier SS. A l’époque, on ressemblait les juifs de Transylvanie, Hongrie alors, et on les emmenait par groupes dans des wagons de bétail à Auschwitz. Les vieux, malades, ont avait programmé pour la fin.
A ce moment, Paula avait déjà 90 ans et était aveugle depuis 18 ans.
Mais elle était aussi religieuse et la religion interdisait la suicide.
Comme d’habitude, Paula commença à parler avec son dieu. (Moi aussi, j’en ai parlé dans mon enfance). Mon dieu, pria-t-elle, tu sais que je suis très vieille, trop, j’en ai déjà assez vécu. Que ferais-je seule, aveugle, sans personne pour m’épauler ? Bien sûr, elle ne s’imagina pas qu’aussitôt arrivé à Auschwitz on la tuera (déjà à partir de 45 ans c’était considéré paraît-il vieux et gazé aussitôt). Elle ne savait pas encore, plaine des choses.
Elle pris, la conscience tranquillisée après des longues prières sa décision et avala tous les médicaments. Le lendemain matin, quand les SS arrivèrent, elle agonisa.
« Sie can es bleiben ! » dit l’officier SS.
Elle continua à agoniser encore trois jours.
Puis, se réveilla et demanda du lait.
Pendant une année entière, alors que toute la ville fut depuis longtemps « nettoyé » des ses juifs et convertis, les bonnes sœurs cachèrent aux autorités que Mamouska survécu. La nourrirent, la soignèrent. Et ceux entre ses fils et petits enfants qui survécurent, à leur retour la trouvèrent à leur grand étonnement, en vie et de bonne humeur.
« Mamouska vie ! fut le premier télégramme que maman envoya à sa mère, au loin, échappée, elle après six mois à Bergen-Belsen et vivait dans un asile près de Genève.
Ma grand-mère Sidonie en parle dans son journal.
Oui, écrire des journaux, c’est une longue tradition familiale, qui continue d’ailleurs. J’ai traduit et déposé aussi à APA le journal de Sidonie, commencé sur le wagon qui la transporta de Budapest vers une destination qu’elle ne connaissait pas encore. Elle continua dans le camp et après, quand le pays des rêves ne s’avéra pas tout à fait ainsi, non plus.
De maman il n’en est resté que son journal écrit sur ma petite enfance, les autres ont été emportés par la Securitate en 1950 quand on arrêta une nuit papa pour « sabotage » et ils se sont perdus à jamais. On emporta tout matériel hongrois, toute correspondance, mais on ne toucha pas ce jour-là à ma chambre et mes livres entre lesquels se trouva ce journal-là.
Mamouska racontait. En sortant de l’école, entre mes 12 et 13 ans, je passais par l’hopital où elle habitait alors, où ma mère travaillait comme laborantine. J’allais la voir souvent.
Elle m’apprit, plein des choses. Non seulement l’histoire de toute la famille (de cela peut être une autre fois), mais m’inculquant l’optimisme et une façon de voir la vie que j’ai en moi, encore aujourd’hui. Oui, « quoi cela sert » j’ai appris de ses récits.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire