Sur l’avion de San Francisco - Washington

19 février 1981

Comme si ce n'était pas la même femme qui revenait que celle qui, il y a deux semaines, a traversé le continent américain dans l’autre direction, mon cœur saignait, mon âme heurtait, j’étais fatiguée épuisée.

Ces vacances de deux semaines ont été pensées sagement, et même si elles nous ont coûté cher, cela valait la peine de venir, je recommencerai tout différemment comme je l’aurais fait si je n'étais pas venu.

Le désert, les roches, le sable, le soleil et la petite ville en colline sur la côte de Pacifique, toute fleurie, ont laissé des traces ineffaçables en moi. Encore quelques jours et je m’en vais.

À Paris, m’attendent d'autres problèmes, mais j'attaquerai le tout avec plein d’énergie.

Il m’a fallu ce voyage avec Stéphanie (et même Jeannine) après le choc de novembre et le décès de papa. Tout me paraît différent, mes blessures se referment lentement mes craintes énormes déceptions me paraissent déjà amoindris.

Si je me rappelle l'immensité et l'éternité de Death Valley et de Grand Canyon, mes soucis deviennent réellement minuscules. Grâce à eux j’ai reçu beaucoup de nouvelles idées et du courage. Quelque chose se réalisera, même si ce n'est pas à ce que je pense pour le moment.

Il y a quantité de beaux endroits en Europe aussi, endroits que je n’ai pas encore vus. Ils m’attendent. Et ni pour les enfants, ni à moi, ne nuira pas d’être séparés quelque mois. Agnès continuera ses études à Washington et Lionel sera pour six moi avec son père, cela me donnera de temps à me retourner.

Peut-être pourrais-je gagner un peu d’argent, peut-être non. De toute façon, c’est un bon sentiment d'avoir quelque chose derrière soi, ne pas devoir penser à demain, seulement à plus tard. Je découvrirai Paris toute seule. Vraiment, il y a tellement de joies gratuites ou bon marché dans la vie. Et je maigrirai, ce qui est trop, est trop. Ainsi, tout ira mieux. J’ai appris, je commence à apprendre, qu'il faut vouloir, oser et l’obtenir tranquillement et avec détermination. Je dois beaucoup apprendre encore, mais la vie est ainsi et j’aime ça.

Agnès avait raison, pourquoi écrire mon journal en hongrois ? Elle ne la comprendra pas, ne pourrait pas lire si quelque chose m’arrive. J’écrirai dorénavant plus souvent en français (ou anglais). C’est curieux d’habiter pour quelques jours chez ma fille, n’ayant plus de chez-moi. De toute façon, Washington n’est pas la Californie, les gens ont plus des soucis, ils me paraissent aussi plus sérieux, plus sévères. Et il pleut, il fait sombre ici. Mais demain le soleil brillera de nouveau.

Pourrait-je jamais raconter le sentiment qui m’envahit en m’enfonçant seule de plus en plus dans les Dunes de Sable du Valée de la Mort? Je n’avais pas envie d’en sortir. Je me suis couchée dans les dunes de sable fin, regardant le ciel et me me suis sentie tellement chez moi ! Quelque chose l’attirait dans le sable: est-ce l’atavisme ?

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