N'hésite pas!

"Ember küzdj, és bizva bizzàl !"

“Homme, lutte toujours et continue à croire

De la pièce Tragédie de l’homme par I. Madàch)

24 avril, 1959

Hier je n'avais pas de cahier et pour cette raison triviale je n'ai pas pu écrire, mais ces réflexions démarrent d'hier, m'ont été inspirées d'hier, leur devise pourrait être ça, du poème “La leçon du Karinthy. ”

N'hésite pas, n'aie pas peur, ne te ménage pas,

Reçoit gratuitement seulement celui donnant comme ça.

27 avril 1959

Les pensées et les sensations s’envolent si on ne les fixe pas, si je ne les mets pas tout de suite sur papier. Le 23 avril restera une grande journée pour moi, le 25 ou 26 aussi. Karinthy a raison quand il affirme qu’un adulte devient toujours moins sincère envers son journal. En grandissant, on a de plus en plus de secrets. Et même, si j'ai décidé que je cacherai bien ce journal, j'ai peur malgré tout. Bien sûr, ces choses passeront, avec le temps, tout perd un peu de son secret, de son importance. Je n'ai pas noté, noir sur blanc, mon premier baiser non plus ! Et ensuite, j'en ai décrit combien !

De toute façon, je continuerai d'écrire, mais je ne parlerai plus à personne de mon journal. J'écris, parce que cela me soulage et je sens le besoin de m’exprimer. Et c'est si agréable, si intéressant de se relire, de ressortir de temps en temps mon ancien moi.

Je me demande, ai-je devancé Édith ? Elle est plus jeune de quatre ans, mais ça ne se voit pas. Tout le monde me croit plus jeune qu’en réalité, comme si j'avais vingt ans et non pas vingt-cinq. Je devrais me faire photographier, ces jours-ci, il y a sur mon visage une sorte de sourire secret. Je viens de recevoir deux bouquets de tulipes magnifiques, je ne sais pas de qui. Ce ne peut être que Sandou. Mais pourquoi deux ? Peut-être en réponse à ma lettre et à la traduction de ces vers. Je crois que les mieux réussies sont ces lignes :

En hongrois c'était :

Ne tétovàzz, ne félj, ne félts magad, Csak az kap ingyen, aki ingyen ad !

En roumain cela a donné :

Nu ezita, nu-ti fie frica, nu te menaja ! Numai cine da gratis, primeste tot asa

En français :

N'hésite pas, n'aie pas peur, ne te ménage pas,

Reçoit gratuitement, seulement celui donnant ainsi.

Je recopie tout le poème. Il n'y a pas grand-chose dedans, seulement le fait qu’il m'a plu le plus, juste maintenant.

Quelquefois il me paraît que je n'aime pas assez Sandou, d’autres fois que je l’aime énormément. Serais-je capable d'aimer quelqu'un encore plus fort? C’est une pensée laide, n’est-ce pas? ou normale?


La Leçon, de Frigyes Karinthy

Je t’ai étreint à la folie,
Montrer comment me serrer, ma mie.
Comment il faut m’embrasser,

J’ai aussi pleuré sur tes genoux,
Sachant que tu comprendrais le coût,

De mes pleurs, le coût aisé,
Pour tes larmes abondamment versées.

J’ai tout jeté - pour que tu voies,
On peut aimer ainsi, autre que soi,

Pour qui cent fois, tu donnerais tout,
Plus que, pour toi, tu renoncerais.
Je suis prêt à mourir pour toi,

Que tu vives, ne meurs pas pour moi,
Comme tu me l’as montré, comme je crois.

N’hésite pas, n’aie pas peur, ne te ménage pas,
Seul reçoit celui donnant ainsi.

Je t’ai dit “je t’aime”, dis que tu m’aimes,
La leçon n’était que cela.
Tout le secret, l’amour est là.

Mais gare à toi si toute la peine
Et les leçons sont en vain.

Il aurait été mieux de ne pas naître
Qu’à notre amour être traître.

J'adore ce cahier. C'est très agréable d'y écrire !

1 commentaire:

Anonyme a dit…

j'aime beaucoup ce poeme. Je ne sais pas si je l'aurais aimé autant il y a 20 ans, lors de mon premeir amour.
Mais aujoud'hui, je le comprends bien,e t le rescent ...vraiment ;-)

Sophie