6 août 1957

J’y suis. Enfin à Colibica!
J'ai bien voyagé tout le long. Il s'est toujours trouvé un homme pour me porter ma valise, d'un train à l'autre. Puis un autre. J'ai pris le bus à Beszterce, une jolie petite ville que je n'ai pas eu le temps de visiter.

Tous se sont réjouis de mon arrivée, attention que ça reste ainsi.
Personne n'aime que quelqu’un soit trop à sa charge.

J'ai eu énormément de chance ! Le soir de mon arrivée, j'ai vu un feu de bois, le premier feu de ma vie. C’était merveilleux ! Je ne pouvais même pas m'imaginer qu’un feu puisse être si extraordinaire, plus beau qu'un feu d’artifice. Des rubans dorés, minces, jouant l’un avec l’autre, s'élevaient et retombaient de nouveau. J'avais une folle envie de sautiller autour, de danser une danse d’adoration du feu.

L’atmosphère était très bonne, chaleureuse et amicale.

Le lendemain, je me suis promenée avec ma cousine Mariette (combien elle a grandi !), ensuite je me suis endormie comme une souche - elle m'a fatiguée. L'après-midi, nous avons fait une petite excursion vers les rochers. Les rochers me sont familiers, mon territoire. Après, personne ne m’a crue trop fatiguée pour une autre ballade (même pas moi) et nous avons continué.

Nous sommes montés jusqu’au Rocher Orban. C'était une excursion inoubliable.

Les montagnes d’ici sont rondes, accueillantes et agréables, pas sévères, sérieuses et désertes comme celles de Bucegi, les seules que je connaissais jusqu’à maintenant. Là, il y avait une autre sorte de beauté majestueuse. Celles-ci, sont agréables, chaudes.

Après une heure, nous sommes arrivés sur une colline pleine de framboises, je n'en avais jamais vu autant ! Les framboises fraîchement cueillies ont un goût tout à fait différent. Quand nous ne pouvions plus manger, nous avons continué notre route... en ne cueillant plus qu’un grain ici ou là sur le chemin. Deux heures et demie plus tard nous sommes arrivés au sommet. J’y ai mangé pour la première fois des mûres. Sans me déplacer, j’ai mangé assez pour pouvoir assouvir ma faim!

Nous avons allumé un petit feu et grillé du lard que nous avons dévoré avec bon appétit avec des champignons fraîchement cueillis. Les enfiler sur une baguette sans qu’ils tombent est tout un art, il faudrait que je l’apprenne, moi aussi, tout comme emporter avec soi tout dans un petit paquet.Nous sommes descendus par un autre chemin, sur l’arête et les rochers, sur la pente des fraises de bois énormes et sucrés. Une petite pluie nous a attrapés sur le « Chemin des bêtes », Encore un trot pour aller dîner à la maison de vacances de Claire (l’amie de ma tante) et j'ai dormi comme une souche jusqu'au matin.

Quel air formidable ! La forêt sent si fort, si bon ! Je suis encore enivrée de tout ça.

Je me suis rappelée quand même souvent Simon. Il ne me manque pas (si, un peu) mais je me rappelle comment c’était ensemble. Je voudrais qu'il pense à moi au moins autant que moi à lui. Sébastien avait raison ! Dans sa pièce de théâtre le Jeu des Vacances Stéphane, le héros principal, est parti en vacances seul, les femmes ne l’intéressant plus : il ne voulait aucun souci pendant son temps libre, aucun problème pour l’énerver ou l’inquiéter.

Se fâcher, se réconcilier, tu veux ceci ou cela, tenir compte de l’autre, faire attention, que c'est fatigant. Non ! Plutôt s'ennuyer !

Je suis fatiguée d’avoir trop mangé hier soir et puis il ne fait pas assez chaud ici pour bien me reposer. C’est le seul problème. Il vaudrait mieux aller habiter au chalet, comme mon oncle m’a conseillé, j’y verrai aussi plus de gens. Après notre départ d'ici, il me restera encore deux semaines entières de vacances et j’aurais un tas de choix. J’ai déjà deux propositions : aller en moto à Fogaras et camper à côté de Chaude Szamos ou à la mer avec papa. Je pourrais aller à Tusnad avec maman ou à Predeal avec Alina. Ou retourner à Bucarest et être de nouveau avec Simon. Plein de choix formidables !

Comme je voudrais le revoir ne serait-ce que pour cinq minutes !

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