26 août 1957, Kolozsvàr

Mon Dieu, quoi faire, dis-moi, quoi ? Mes vacances ont mal tourné.

Demain je repars. N'importe où ! Même à Bucarest : Édith et Simon sont là. La piscine, le lac et ma chambre aussi, mon cher chez moi. Je ne reste plus chez ma tante, une journée !

Il serait difficile de quitter les copains que je viens de rencontrer. Aujourd’hui, j’aurais voulu revoir Etienne, le cousin de maman travaillant à la bibliothèque Académique de Cluj.

Malgré tout, je partirai, retournerai chez moi. Non, ce serait encore mieux d’aller me balader à Gyilkostó et à Tusnad. N’importe où ! Ailleurs.

Et je partirai seule. Ce sera, comme ce sera.

Si je m'ennuie quelque part, je continuerai, tant que j'aurai de l'argent. Je trouverai quelque chose dans ce beau pays pour me reposer, tranquillement. Je partirai avec très peu de bagages pour pouvoir les porter moi-même. Ne trouverai-je pas de la compagnie ? Et pourquoi pas ? Je verrai de nouveau endroits, je ferai de nouvelles choses.

Je ne supporte plus de rester ici, avec toute cette atmosphère nerveuse autour de moi. Maman, papa, oncle et même ma tante ! Aucun d’eux ne peut avoir des bonnes vacances, l’un à cause de l'autre. Moi, je les quitte. Je vais m’occuper des billets dès cet après-midi.

Les garçons rencontrés à Kolozsvàr disent que je danse à merveille, le restaurant où nous sommes allés danser avait une délicieuse ambiance. C'est chouette d’avoir rencontré tant de garçons ici : Pierre, François, Jean, Nicolas. C’est à cause d’eux, que je suis encore là. Á la montagne, je n’avais pas rencontré un seul garçon.

Papa me promettait tout le temps qu'il viendrait m'accompagner : “attends encore un peu” et bêtement, j’ai cru qu’il voulait vraiment partir avec moi, bien que maman m'eût avertie dès le début qu’il le promettait seulement et qu’il ne viendrait pas. Je m'en vais. Je ne dérangerai plus personne, n’énerverai plus personne ! Ils n'auront pas l'occasion d'être fâchés à cause de moi, d'être capricieux avec moi. Je ne serai pas là, fini.

Surtout, ne plus rester ici !!!

Je ne me languis plus de Simon, il ne m’intéresse plus. Combien les garçons sont mieux (plus sérieux) dans ma ville natale. Je commence à comprendre pourquoi Édith a rompu après ses vacances. Mais je ne vais pas rompre tant que je n'ai pas trouvé quelqu’un d’autre ou ailleurs. Quelqu'un qui comprendra que je suis une fille sérieuse et qui me fera la cour comme on la fait aux jeunes filles « bien ».

For keyboard shortcuts, press Ctrl with: B = Bold, Je me sens mal dans ma peau et je suis triste. Pourtant cette après?midi j’irai voir un bon film avec François et puis éventuellement dîner avec ma tante.

Ensuite, partir ! Je ne demande rien de personne, juste qu'on me laisse en paix. Mais ils ne sont pas capables. Alors, je pars. Quel repos avec de tels énervements !

Je vais me marier rapidement, m’en aller de cette famille que je ne supporte plus. Il ne me faut pas beaucoup d'argent, gagner bien, juste un homme sérieux qui m'aime. Hélas, c’est ce qu'on trouve le plus difficilement. Difficile de le rencontrer, je suis pourtant sûre qu'il y a beaucoup de garçons qui aspirent à trouver une fille comme moi.

Je sais avoir de la compassion : cela deviendrait-il ma perte ? Hier j’ai plaint aussi Nicolas. J'aimerais moi aussi, de temps en temps, avoir quelqu'un qui me gâte, qui sente avec moi. Ce serait bon d’avoir quelqu’un pour me caresser, me gâter. En réalité, Simon a été pour moi un certain refuge. Je m'échappais vers lui de tout ce qui se passait autour de moi, entre mes parents . Je me sens tellement abattue.

Il y a quelques jours, j'ai entendu un fantastique concert d’opérettes, j’ai eu un énorme plaisir de les écouter. La sonate Kreutzer doit être bonne, quand c’est bien interprété. Comme il serait bien de pouvoir vivre à Kolozsvàr ! Bien sûr, dans mon propre logement, pas sur le “dos” des autres.

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