Rencontre avec Paul (je me souviens)

Rencontre à Montmartre

Je me souviens de cette nuit, comme si s’était hier : la nuit de ma rencontre avec Paul. Mon coeur battait si fort quand cet gentleman élégant, grand et mince s’est assis à nos côtés.

Nous étions allés au Lapin Agile avec ma tante et mon oncle, il y avait été cinquante années auparavant et voulait y retourner. Le cabaret Lapin Agile était près de mon appartement, Butte Montmartre (y est toujours et y sera probablement dans d'autre cinquantes ans encore).

Paul leur a fait aussitôt un bon impression. Bien habillé, se tenant droit, il parlait en allemand avec mon oncle, en anglais avec moi, croyant que j'étais une touriste.

Puis ma tante, fatiguée, s’est décidée de rentrer, je suis sortie avec eux. Oh, que mon coeur saignait! Je n'avais envie de quitter ce "gentlemen".

— Retourne ! me conseilla ma tante.

— Dois-je ? me suis demandée.

Mais pas trop longtemps.

Je suis retournée. Depuis des années, personne ne m’avait pas regardé ainsi, avec tant d’intérêt que lui.

Pourtant, cette nuit-là, la première nuit, je savais déjà que quelque chose ne va pas. Mon instinct hurlait : Faux ! Il y a chose de faux en lui. Mais quoi ?

Cette intuition ne modifiait en rien ma détermination de rester avec lui, de me laisser embrasser en haut des escaliers de Montmartre, de l’aimer, ni mon coeur de palpiter et n’a pas empêché non plus de faire l’amour avec lui...

La même nuit.

Je me rappelle de mes pensés, pendant que je marchais à ses côtés, vers trois heures de matin, en cherchant un hôtel, un lieu pour rester ensemble. Il avait une démarche militaire, un maintien droit et des grands pas.

Je le suivais et je m’imaginais déjà le pire qui pourrait m’arriver : «Il pourrait être un espion soviétique! Quels affreux problèmes va-t-il m’apporter? Que des tristesses? Quels ennuis? Mais malgré tout, je ne renoncerai pas à lui. Je tiens tant à lui déjà!»

Je m’en souviens aujourd’hui de ces minutes comme si j’étais encore là,.

Je me souviens aussi, quand me suis-je rendue compte pour la première fois qu’il ne m’aimait pas vraiment, qu’il le disait et répétait, seulement. Je ne voulais pas croire à cette intuition, cette découverte et je l'ai vite enfuis, chassé vite de mes pensés.

A l’époque, il habitait déjà chez moi et je venais de l’engager à travailler à la petite société que j’avais créée deux ans avant. J’espérais qu’il nous aidera, n’avait-il pas des hautes diplômes et des connaissances commerciales qui me faisaient justement défaut?! Et puis, il était en difficulté, c’était normal de l’aider.

Rapidement, je me suis rendu compte qu’il fallait «lui laisser du temps» pour se remettre nerveusement, il n’était pas capable de travailler «encore».

Je me disais:

— En quelques semaines, il commencera à nous aider, travailler, laissons–le tranquille pour le moment !

Je me suis cassée une dent au cinéma en mangeant de pop-corn qu’il m’avait offert. Il est venu me prendre à la sortie du dentiste.

— Ma dent a du être arraché, c’était irréparablement cassé, lui ai-je dit. Puis j’ai ajouté: Il faudra mettre une couronne, mais cela coûte 7000 francs! Énorme, n’est pas?

— Oui, m’a répondu Paul. Tu as raison, ce n’est pas urgent...

L’alarme a sonné alors en moi : Julie! que veux cela dire? Est-ce vrai? Ma santé ne l’intéresse pas? Alors...

C’est seulement plus tard, beaucoup plus tard que j’ai compris combien j’avais eu raison dans mes soupçons rapidement enfouis.

Il pensait que nous pourrions mieux utiliser « notre argent», mon argent, pour des choses valant plus : des restaurants et hôtels « bien », du vin fin, de nourriture raffiné et d’autres choses qu’il aimait, que quelqu’un de « bien », comme lui, se devait s’offrir à soi.

Il me montrera comment vivre mieux! Lui, « colonel en retrait » et « légion d’honneur », descendant d’un « grand famille », même si seulement par adoption, Parisien depuis fort longtemps, avec des Hautes études commerciales... il me montrera! Il me montrait, comment «il faut» vivre.

Regrettant mon manque d’élégance, mon manque d’intérêt et d’admiration pour le 16e et ses habitants où il avait habité un temps avant son divorce, son ex-femme et ses enfants, quoiqu'en difficultés, y habitaient encore. Il en était toujours fier de tout ça.

Je me souviens, pendant je travaillais durement (et lui, toujours pas), ceux autour de moi m’avertissaient de faire gaffe, et je leur en voulais.

Je pensais : combien d’épouses ne travaillent pas hors de maison! Même s’il ne fait rien d’utile au travail, même si même après une année, puis deux, j’attends en vain qu’il s’y met, et alors ? Il s’occupe de notre appartement, il est plus soigné que moi. Il fait les courses pendant que je travail. Même si de mon argent... Tout n’est pas commun dans un ménage? Il fait la cuisine, puisqu’il n’aime pas ma façon « trop » diététique de cuisiner. Il conduit notre voiture, bien, malgré que depuis si longtemps il n’a pas eu l’occasion de conduire, n’a plus eu de voiture. Il connaît si bien Paris, beaucoup mieux que moi; il sait tellement des choses que je ne connais pas!

Et puis, je me disais aussi :

— D’accord, je travaille beaucoup, énormément. Mais j’aime travailler, je peux, je travaille pour deux. Nous partageons tout. Je partage, je suis heureuse de partager avec lui tout que je gagne, je l’aime. Lui aussi...

Hélas, plus tard, et je me souviens aussi de ce temps-là, de la période quand je ne gagnais plus assez d’argent, quand ma société ne marchait plus bien. Et il ne voulait pas m’aider, il promettait mais ne faisais rien.

Il continuait à dépenser sans compter, même quand on n’avait plus d’où prendre. Et ne faisait rien pour en gagner.

Je me souviens aussi, comme si s’était hier, de jour où j’ai découvert qu’il me haïssait profondément, qu’il se réjouissait quand je me sentais mal : il en éprouvait un réel plaisir. Le moment, où je me suis décidée de rompre.

Notre avion avait été bousculé par le Mistral pendant sa descente vers Nice. J’avais envie de vomir, ma tête tournait. J’était tout blanche. J’ai surpris son regard, contant, se réjouissant de mon malaise !

Est-ce vrai ? Si, Julie ! me suis-je finalement dit. C’est hélas, vrai.

Il pensait qu’une leçon me fera du bien, d’avoir peur, d’avoir mal. Comme lui après avoir bu, après s’être drogué; quand il avait marre de tout. Ce n’est pas vrai! je t’aime! m’a-t-il répondu. Je t’aime.

Mais en vain. J’avais enfin compris.

Il m’a fallu pourtant long temps, pour me rendre compte du degré qu’il m’avait utilisé, abusé, menti, en tout. D’apprendre, non pas ce qu’il était ou non, qu’importe qu’il n’était pas colonel et n’a jamais reçu la légion d’honneur, mais comment il s’était comporté envers moi.

J’ai fort peu écrit de mes déceptions profonds, non pas de tout qu’il n’a pas été réellement, mais son comportement envers moi.

Ses bonnes manières ont impressionné aussi pas mal d’autres que moi. Et j’étais tellement attendris par ses malheurs ! Certains, n’ont pas vu non plus à travers cette façade d’élégance, toujours habillé impeccablement, son bon maintien et bon manières, le savoir faire superficiel, le savoir se comporter... quand il n’était ni ivre ni drogué.

Il était raide, mélange de trois cultures. La société prussienne « Je n’ai jamais vu ma mère avec ses cheveux blonds défaites, seulement en chignon. » La haut société bourgeoisie parisienne, enfant adopté il n’y appartenait pourtant tout à fait, l’enseignement de collègue jésuite. Et la Société de noblesse de province, de son beau-père adoptif. Élevé autour de gens oisifs, avec : on ne fait pas ça, on doit tenir le niveau.

Après notre séparation, il a utilisé le chéquier d’un compte commun pourtant fermé depuis des semaines, et non pas pour acheter des degrés de premières nécessités, ne pas mourir de faim comme il prétendait, mais pour offrir un repas royal de 2000 francs à quelqu’un, et une autre fois, pour acheter des vins chers et du saumon.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

tu sais, je crois que quelque part, on sait que telle personne n'est pas pour nous.
Mais entre raison, et bonheur, surtout au début, ce n'est pas facile...
Et surtout ce n'est pas inconscient, mais presque...
On trouvera toujours une raison à un sursaut de notre part. Et on la relèguera bien loin, avec les autres "petits moments de doutes" ... qui s'empileront de plus en plus....

Ce n'est pas si facile, si évident de faire ce qu'il faut pour soi ...

Je suis passé par là aussi, sauf que c'était le premier, pendant 19 ans ... manipulation, mensonges ...

Seulement après son départ (lui est parti un soir, après m'avoir trompé pendant pres de 3 ans, en disant qu'il divorcait ... le petit dernier avait un an, il pouvait alors s'en occupé ....) moi, j'ai ouvert les yeux, et revu tous les "petits moments" que j'avais mis de coté .... et ous les autres que je n'avais pas vu, préocupé par tant d'autres choses.

On ne voit jamais vraiment, surtout quand on a des doutes .... au départ .... mais qu'on a tellement envi de ce nouveau départ.

Je me retrouve une nouvelle fois, tellement proche, Julie .........

Sophie

Julie Kertesz - me - moi - jk a dit…

oui, je le savais instinctivement, depuis le premier nuit, mais tout à fait consciente seulement après avoir vécu trois ans avec...

merci, de m'avoir lu! et tellement bien comprise!

Anonyme a dit…

Même si ce n'était pas "aussi pire " que toi, il y a beaucoup de point commun dans nos "ex" ...
Je viens de revenir là, dans tes récits ....
Mais je commence seulement avec ton histoire avec Paul ;-)

Même si j'avais lu quelque artiles ,-)

Je remonte .... tranquillement !

Mais ce n'est pas évicent de trouvé tes réponses, sur les commentaires ,-)

Biz
sophos