Femme d'affaires?

2 octobre. 1982, Paris

Je viens de réaliser que je n’ai rien écrit depuis l’ère BIP, d'après certains, depuis que je suis devenue une “femme d'affaires”. Toute a commencé au début de cette année 1982.

L'idée m’est venue à Washington, pendant mon séjour chez Agnès. En février BIP est né: "Bureau d'Informatique Personnalisée" et moi, son chef. C'est vrai, qu’en même temps PDG, secrétaire, garçon de courses, magasinier, réparateur, traducteur (et d’après les papiers gérante)... je suis tout cela à tour de rôle et en même temps. Après plusieurs mois de travail tout seule, j'ai enfin une secrétaire et même un vendeur à mi-temps. Mon associé, le fils de Stéphanie, m'aide chaque fois qu’il peut. J’ai enfin un peu moins de poids sur les épaules.

Le début de septembre j’ai dû déménager mon travail dans un bureau «boutique», parce que la concierge de mon immeuble m’a dit que je ne peux pas avoir une activité commerciale dans notre immeuble d’habitation (pourtant ce n’étaient que des lettres qui arrivaient). Depuis, la société Bip paraît plus sérieuse, et finalement c’est même plus agréable de travailler là, pourtant j’avais cru qu'à la maison ce serait mieux.

Lionel a grandi, il est devenu un homme, il a déjà connu plusieurs filles, femmes. Un garçon fantastique, c'est un plaisir de le regarder. Agnès est devenue plus jolie, elle rayonne quand elle se sent bien, mais depuis quelques mois je ne l'ai pas rencontrée, hélas, que deux fois. Je devrais lui écrire plus souvent, peut-être alors me répondra-t-elle, m'écrirait plus fréquemment.

J'ai mis trop d'énergie, et énormément de temps dans Bip - tout ce que j'avais - sans même avoir le temps de réfléchir: est-ce que cela vaut la peine?! J’ai senti, je le ressens encore, comme s’il était mon enfant, pourtant Bip n'est pas un enfant! Mais elle doit aussi, mûrir, et je ne sais pas très bien comment l’épauler à chaque fois.

Les idées Bip marchent bien, en général, d'autre fois moins, mais il n'y a personne sur ma tête pour me dire que faire. Et l’atavisme m'aide: l'héritage de papa, brillant organisateur et commerçant. Hélas, nous avons tellement d’ennemis. Je suis beaucoup plus dans le monde que jamais, mais je reste isolée, personne ne me regarde comme une femme, telle que dorénavant, quelquefois, je le voudrais. On verra. C’est intéressant, presque incroyable, combien nous avons grandi en quelques mois et que de choses nous avons fait à travers la société, combien j'ai appris sur le commerce, l'importation, la direction d’une entreprise et la micro-informatique...

Je l'absorbe rapidement, trop rapidement peut-être. Il faudrait quand même m'arrêter quelquefois. Où je courre? Entre-temps ma vie s'en va. Apple et l'Informatique c'est un trop bon jeu pour moi et il faut s'occuper aussi de la société Bip. J'aime énormément enseigner, étudier et je fais vraiment et surtout ce que j'ai envie. Il faudrait de l’énergie aussi pour autre chose. De temps en temps j'ai envie de rencontrer quelqu’un qui conterait pour moi, mais je n’ai pas le temps, c’est peut-être pourquoi je ne trouve pas.

J'ai la grippe, j’ai dû rester au lit pendant 3 jours - il faudra m’occuper d’installer rapidement le chauffage en bas, à Bip qui est au-dessous des escaliers de Montmartre. Et même ici, chez moi, si je pouvais, je me collerais à l'ordinateur pour essayer de nouvelles applications ou pour écrire des lettres.

Quand on ne croit plus que quelque chose de vraiment nouveau puisse arriver, alors arrive un changement complet.

C’est seulement une année depuis que je me suis acheté mon premier ordinateur, mon Apple II à l’expo Sicob et cette année, BIP figure déjà dans le catalogue de Sicob, juste après l'importateur Apple en France, mais aussi dans les journaux, sur les stands, dans les prospectus et dans des nombreuses boutiques informatiques ; surtout avec ses Cartes Mémoires et les Ventilateurs pour l’ordinateur Apple II. Bientôt, il faudra que je trouve quelque chose du nouveau à vendre.

Est-ce bien ou mal qu’à mes yeux cela ressemble à un jeu? Jeu sérieux, mais je ne le fais pas pour de l’argent, du sang, de l’ambition. Ce n'est pas facile de décider de tant de choses. Et surtout toute seule, pour la plupart des problèmes sérieux! Il serait bien de savoir (pourquoi?) ce qu'ils pensent de moi ceux qui m'ont connue cette dernière année. Une foule d’argent vient et part, mais très peu reste ; mais je vis, voyage, achète, vends, donne et BIP devient de plus en plus connu. Je commence à connaître les gens et devenir connue. (En bien ou en mal ?)

Quelquefois, je n'arrive pas à croire que j'ai commencé il y a sept mois seulement. Ils ont été tellement pleins! Avec quantité d’événements depuis le début de l’année et davantage ce dernier mois! Que va nous apporter l'avenir ?

Est-ce moi qui le porte où me porte-t-il ?

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