13 juillet 1953

J’avais tellement à dire, mais mon amie Vera habitait chez nous et je n’arrive pas à écrire en sa présence, j’étais aussi paresseuse. Voilà les choses les plus importantes qui se sont passées depuis, dont je me souviens.

Le soir du 11 juin, après avoir discuté avec mon père, il s’est avéré que j’ai appris en vain le “matérialisme dialectique”, je n’arrive pas à le mettre en pratique. Papa m’a dit que si le monde communiste arrive - comme je le prétends – « quand tous auront assez à manger, pourront se vêtir, etc. », alors on aura beaucoup moins de menteurs, de profiteurs, parce que les gens n’auront plus de ‘base matérielle’ pour le faire.

J’aurais aussi voulu écrire au sujet de la mère de ma copine Édith.
Pour le moment seulement ceci : quand se terminera l’inhumanité des gens ? Dans la vie beaucoup de destins, de vies, sont trop mélangés avec le mal, ce dernier arrive trop souvent !

Contexte.
Julie n’a pas pu décrire son épouvante et ne l’a pas osé, non plus.
Après son séjour dans les caves de la police politique, on a ramené la mère d’Édith à
la maison de son ex-mari sur une civière. Son amie Édith a appelé Julie à l’aide, elle n’arrivait pas à en croire ses yeux. Cette grande dame élégante d’autrefois était devenue un cadavre à peine vivant, toute blanche et maigre, sans dents, des yeux effrayés, fous. Jamais, elle n’a guéri. Cette femme, jadis, altière, intelligente, belle ! Qu’a-t-on fait d’elle en seulement deux mois ?

Jacob Sanyi, son deuxième mari, qui avait consacré toute sa vie au communisme (et lutté quand c'était illegale) a été ministre adjoint des finances de la Roumanie et il avait été presque le seul qui n’a jamais rien “ avoué ”et bien qu’on n’ait rien trouvé contre lui, il a été condamné à vie.

Julie ne savait pas encore qu’il allait faire en fait dix-sept ans dans une cellule isolée ne rencontrant pendant tout ce temps d’autres que ses geôliers. Pendant dix-sept ans, il se demandait sans cesse comment prouver, expliquer qu’il avait été un bon communiste avant, pendant et aussi après la guerre. Le choc le plus grand l’attendait à sa sortie : tout le monde le savait innocent.

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